CFDA - Coordination française pour le droit d’asile
L’OFPRA aux ordres du ministre de l’Intérieur ?
Le 2 décembre 2011, le conseil d’administration de l’OFPRA se pliera-t-il aux injonctions du ministre de l’Intérieur en modifiant, une seconde fois en un an, la liste des pays considérés comme « sûrs » ? La Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) demande aux membres du Conseil d’administration de renoncer à réviser la liste.
Les membres de ce conseil doivent décider si l’Arménie, le Bangladesh, la Moldavie et le Monténégro notamment, peuvent être inscrits sur la liste. Mais le ministre a déjà bien anticipé leur décision en désignant aux media les ressortissants de ces quatre pays comme abusant de la procédure d’asile en France.
La CFDA, opposée à la notion de pays d’origine « sûr », dénonce les motivations cachées de cette seconde révision en moins d’un an. Loin d’être le fruit de l’évolution démocratique de ces pays, un tel ajout obéirait plus à des préoccupations financières et de diminution des « flux » de demandes d’asile [1] voire migratoires.
Selon le dossier de presse du ministre du 25 novembre dernier, l’asile serait menacé par de « faux » demandeurs. Il cible ainsi les Bangladais dont le taux d’accord de statut (15%) serait faible en omettant d’indiquer que neuf de ces statuts sur 10 ont été accordés en recours par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) : si ce pays était déclaré « d’origine sûr », la Cour ne verrait plus que ceux qui n’auront pas été reconduits dans leur pays après un rejet express de l’OFPRA !
Rappelons que le Conseil de l’OFPRA avait déjà examiné la situation du Bangladesh à l’issue d’une mission dans ce pays [2] et avait renoncé à l’inscrire sur la liste. Mais le fait que ce pays soit devenu la première nationalité à demander asile en France a semble-t-il influé sur ce revirement. Alors que la France se targue de protéger les persécutés, l’objectif de cette décision semble donc plutôt de … s’en protéger.
Le ministre de l’Immigration naguère le ministre de l’Intérieur aujourd’hui, n’ont eu de cesse d’invoquer la place spécifique de l’asile et l’indépendance de cet Office. Alors que de deux décisions du Conseil d’administration ont été en partie annulées par, le Conseil d’État » [3] et que la dernière décision fait toujours l’objet d’un recours, cette quatrième modification souhaitée par le ministre sonne le glas de cette indépendance.
La décision de désigner un pays d’origine comme « sûr » prive les demandeurs d’asile de ces pays de garanties essentielles pour l’examen de leur demande :
- un titre provisoire de séjour pendant cet examen (donc l’impossibilité de présenter cette demande dans des conditions sereines),
- le droit à un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) suspensif d’éloignement (l’étranger doit être toujours en France pour que la Cour statue sur son recours)
et
- l’accès aux mesures d’accueil (hébergement dans un centre d’accueil pour demandeur d’asile - CADA - et allocation de survie -ATA- pendant cet éventuel recours).
[1] Fin octobre 2011, le Bangladesh est la première nationalité de demande d’asile en France avec 2 966 adultes primoarrivants, l’Arménie est la troisième avec 2 156 demandes de primo-arrivants derrière la RDC (2284). (source : données provisoires de l’OFPRA). Si le conseil d’administration ajoute ces quatre pays ur la liste, ce sont près de 27 % des demandes d’asile qui seront concernées par l’utilisation de cette notion.
[2] Rapport de mission en République populaire du Bangladesh, OFPRA avril 2011
[3] Conseil d’État n°295443 du 13 février 2008 et Conseil d’État n°336034 du 23 juillet 2010
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