E. Rétention administrative en outre-mer

Le cas du Cra de Mayotte

1. Rétention en outre-mer

Voir :


2. Le Cra de Mayotte

  • a) La législation de la rétention à Mayotte

Ordonnance entrée-séjour, article 48 ; décret d’application, articles 55 à 70

Arrêté ministériel du 19 janvier 2004 créant le Cra

  • b) Une capacité théorique élastique

L’arrêté de 2004 ne fixait pas la capacité du CRA ; mais, selon les critères adoptés dans d’autres parties du territoire français, il était admis que cette capacité était limitée à 60 personnes.

Suite à une « commission consultative départementale de sécurité relative aux établissements recevant du public », il a été estimé (comment ?) en juillet 2010 qu’elle était de cent quarante (voir l’affiche placardée dans le CRA).
En 2012, un arrêté préfectoral du 19 avril 2012 officialisait cette capacité théorique de 140.

Le 11 décembre Manuel Valls annonçait à l’assemblée nationale que "la capacité du centre de rétention sera limitée, avant la fin de l’année 2012, à 100 places, contre 140 aujourd’hui, afin d’accueillir plus dignement les personnes retenues".
Un arrêté préfectoral du 20 décembre 2012 officialisait cette nouvelle capacité théorique et abrogeait le précédant : 1,37 mètre carré par personne retenue au lieu d’un mètre carré...

  • c) Les faits

Une vidéo Centre de rétention de Mayotte : la vidéo qui accuse, Libération, 18 décembre 2008
avec une présentation de Rémi Carayol.
Cette vidéo a été également diffusée sur le site de Amnesty International
Communiqué de Mom, « Des conditions inacceptables de rétention à Mayotte poussent le contrôleur général des lieux de privation de liberté à dépêcher une mission sur place », 18 décembre 2008

Collectifs Migrants-Mayotte et Mom, Urgence pour Mayotte : fermeture du centre de rétention et accès à un recours effectif contre une mesure d’éloignement, saisines simultanées du Comité contre la torture des Nations Unies, du Commissaire aux Droits de l’Homme et du Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe ainsi qu’au niveau national du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, de la Défenseure des enfants, 9 février 2009

Collectif Mom, outre-mer outre droit, rapport alternatif présenté à la 44e session du Comité contre la torture, avril 2010

Réseau éducation sans frontières île de Mayotte (Resfim), « Le centre de rétention administrative de Mayotte : une zone de non-droit, indigne de la république », novembre 2011.

« Are the conditions in the immigration detention center in Mayotte in violation of article 3 of the Convention ? »
Un dossier très complet présenté sur le site de la Cour européenne des droits de l’homme

  • c) Des avis d’institutions indépendantes

La CNDS
Extrait de l’avis du 14 avril 2008 (saisines n° 2007-135 et 136) concernant les circonstances du naufrage d’un bateau d’immigrants au large de Mayotte dans la nuit du 4 au 5 décembre 2007
« La Commission demande qu’il soit impérativement mis fin, conformément à la réglementation nationale en vigueur, à la pratique de navigation en dérive feux éteints lors des opérations de recherche en mar des clandestins. Elle recommande instamment de ne plus recourir à des méthodes qui aboutissent à la mise en danger d’êtres humains, notamment de femmes et d’enfants, dans des conditions susceptibles de caractériser le délit d’homicide involontaire.
La Commission estime que le centre de rétention administrative de Mayotte est indigne de la République. Elle rappelle que la capacité théorique du centre de Mayotte doit être respectée comme c’est le cas dans les centres de rétention administrative en métropole.
La construction d’un nouveau centre annoncée depuis près de dix ans s’impose dans les plus brefs délais.
Les conditions de vie au centre de rétention administrative de Mayotte portent gravement atteinte à la dignité des mineurs retenus. La Commission demande que les mineurs ne soient plus placés en rétention dans l’actuel centre de rétention administrative de Mayotte, conformément à la réglementation française et internationale en vigueur.
La Commission recommande instamment qu’un règlement intérieur soit établi et respecté
. »

Le constat de la CNDS est largement repris en 2009 par la Cour des comptes.

Le contrôleur général des lieux de privations de liberté
Extrait :
« Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a décidé de rendre publiques simultanément les deux recommandations, ci-dessous, relatives aux visites effectuées au centre de rétention et à la maison d’arrêt de Mayotte. De manière exceptionnelle, il souhaite marquer au préalable les six observations suivantes, communes aux deux établissements :
1. Au centre de rétention administrative comme à la maison d’arrêt, les conditions de vie des personnes retenues et détenues sont indignes. Les locaux présentent de graves insuffisances et affectent le respect du droit à l’intimité et à l’intégrité. Les conditions d’hébergement et d’hygiène portent d’évidence atteinte aux droits fondamentaux des personnes présentes.
2. Les deux établissements visités ont une capacité insuffisante pour remplir leur mission. Les projets de reconstruction ou d’extension qui ont été annoncés doivent prendre en compte la nécessaire adaptation des cahiers des charges administratifs à l’environnement climatique, culturel et social de Mayotte. Les personnels devront être associés à la conception des locaux.
3. L’amélioration nécessaire ne peut attendre la reconstruction ou l’extension prévue.
4. En particulier, le maintien des liens familiaux n’est pas garanti de façon satisfaisante, ni au centre de rétention administrative, ni à la maison d’arrêt. Des conditions d’accueil décentes et sereines doivent être faites aux familles ou aux proches des personnes placées en rétention ou incarcérées. Les modalités de visite doivent être améliorées. La lutte contre l’immigration clandestine ne saurait restreindre le droit à la vie familiale.
5. Une attention particulière doit être portée aux mineurs, tant pour la clarification de leur état-civil que pour l’adaptation des modalités de leur prise en charge. Des solutions en aval de la rétention comme de la détention doivent être imaginées pour prévenir la rupture des liens familiaux et garantir la scolarisation.
6. L’automaticité du traitement de certaines procédures (éloignement, libération conditionnelle) est manifestement inspirée par la nécessité de réguler les taux d’occupation des lieux concernés. Il semble impératif de revenir à une approche individualisée des situations.
 »

Le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe
Extrait
« 95. Le Commissaire a aussi été alerté par différentes associations ainsi que par la CNDS52 concernant les conditions d’accueil inacceptables qui seraient offertes par le centre de rétention de Mayotte qualifié d’ « indigne [pour] la République ». Plusieurs rapports ont fait état de la surpopulation outrancière54, des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine, du manque d’hygiène, de la précarité des installations, de la non séparation des enfants ou des repas servis à même le sol. Enfin, des enfants étrangers séparés sont parfois expulsés en contravention avec le droit international et français. Le Commissaire appelle les autorités françaises à ce que les droits de l’homme et la dignité humaine soient respectés dans l’ensemble des centres de rétention administratifs et que les conditions de vie offertes aux étrangers retenus à Mayotte soient immédiatement améliorées. »

  • d) Éloignement et rétention des enfants

Tous les textes précédents mentionnent spécifiquement leur cas.

Jurisprudence sur l’éloignement et la rétention des enfants

Le 12 janvier 2012, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France pour avoir enfermé deux mineurs avec leur famille dans des conditions matérielles "inadaptées" d’un Cra de métropole (violation des articles 3 et 8 de la convention européenne) - CourEDH, 12 janvier 2012, n° 39472/07 et 39474/07, Popov c. France.

Peu de temps après, à l’appui des avis des autorités indépendants précédents, le tribunal administratif de Mayotte annulait le placement en rétention d’une famille et de deux enfants mineurs estimant que cet enfermement relevait d’un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la convention européenne.
TA de Mayotte, 20 février 2012, n° 1200106,1200107,1200108.

Pourtant, en juillet 2012, la rétention des enfants continuait à Mayotte à une échelle bien plus élevée qu’en métropole : en 2011, 21 762 personnes ont été éloignées depuis Mayotte ; parmi elles, 5 389 étaient mineures [1]

  • e) Communiqué des ministres de l’intérieur et de l’outre-mer, 17 août 2012 - « Décès d’un nourrisson au Centre de rétention administrative de Mayotte après une traversée en mer. L’enquête doit déterminer les causes de ce drame. »

titre documents joints

[retour en haut de page]

Dernier ajout : mardi 31 décembre 2013, 17:09
URL de cette page : www.gisti.org/article1395