La vérité sur Vincennes
Samedi 21 juin 2008, un ressortissant tunisien de 41 ans, détenu au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, est mort dans des circonstances obscures. Les responsables du centre auraient été alertés de son état de santé et auraient pu prendre les mesures utiles pour éviter ce drame. Une chape de silence a recouvert ce décès : d’abord le samedi même, où les personnes retenues n’ont pas réussi à obtenir des nouvelles de leur camarade d’infortune ; puis les jours suivants où aucune information n’a été fournie sur les circonstances de son décès.
Ce silence des autorités a été sans doute l’élément de trop, celui qui a déclenché la révolte des sans papiers. Un incendie a détruit entièrement le CRA de Vincennes sans, heureusement, faire de victimes. Les autorités se sont précipitées pour arrêter des « coupables » : deux personnes se sont retrouvées en garde à vue, puis ont été déférées devant le procureur de la République qui a requis leur mise en examen des chefs de destruction de bien par substance incendiaire et incitation à l’émeute et leur placement sous mandat de dépôt. Là encore, la désinformation a fait son œuvre : l’AFP semble parler de mises en examen et de placement sous écrous, signifiant ainsi leur responsabilité criminelle auprès de l’opinion publique.
Or tout laisse croire que les deux étrangers déférés n’ont été que des boucs-émissaires et que peu de choses puissent leur être directement reprochées. Le premier, plusieurs fois en contact avec l’extérieur du centre, s’est montré au contraire, au moment des évènements de samedi, calme et jouant les modérateurs. Il a été immédiatement remis en liberté par le juge d’instruction lui même tandis que le second l’a été par le Juge des Libertés et de la Détention. Par ailleurs, le Juge d’Instruction a abandonné les poursuites sous le chef d’incitation à l’émeute. Qui peut croire qu’ils auraient bénéficié d’un tel traitement si des preuves accablantes de leur implication dans l’incendie se trouvaient dans le dossier ?
Enfin, le porte parole de l’UMP accuse les militants soutenant de l’extérieur les personnes retenues, d’être les instigateurs de la révolte dans les CRA : cette criminalisation de ceux qui contestent la politique du chiffre est une façon de dégager le responsabilité pourtant difficilement contestable des autorités publiques.
- Le Gisti appelle toutes les associations de défense des droits de l’homme à se constituer partie civile afin que soient éclaircies les circonstances de la mort.
- Le Gisti demande aussi à ce que des parlementaires saisissent la commission nationale de déontologie de la sécurité dans le même but et pour examiner le comportement des autorités policières dans leurs rapports avec les retenus. Au delà, toute la lumière doit être faite sur le comportement des autorités publiques avant, pendant et après le décès du retenu et l’incendie.
- Il émet également le vœu que Monsieur Jean-Marie Delarue, récemment nommé contrôleur général des prisons, aille visiter l’ensemble des lieux d’enfermement réservés aux étrangers (centres de rétention, mais aussi zones d’attente), comme il en a la compétence.
Chacun sait que depuis des mois, il ne se passe pas une semaine sans que des bagarres, des auto-mutilations ou des tentatives de suicide se produisent au centre de Vincennes. Il ne se passera plus rien là-bas. Mais ailleurs ?
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