Bonne année, « les migrants » !
En ce début d’année, les menaces s’accumulent pour les personnes étrangères.
Celles que le ministre de l’intérieur a soigneusement empilées dans son projet de loi « Pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » - transmis au Conseil d’État le 19 décembre 2022 pour être discuté au Parlement début 2023 - commencent à être assez bien connues [1].
Sur fond de suspicion généralisée à l’égard de celles et ceux qui, selon lui, « troublent gravement l’ordre public » ou « rejettent les principes de la République », il s’agit prioritairement d’éloigner toujours plus vite, même lorsqu’elles ont noué en France des attaches familiales solides et anciennes, toutes les personnes qui se verront retirer leur droit au séjour ou le perdront faute de répondre aux critères d’une politique migratoire utilitariste.
Beaucoup plus discrète, en revanche, a été la publication au Journal officiel, le 30 décembre 2022, d’un décret daté du 27 décembre portant création d’un « office de lutte contre le trafic illicite de migrants » (Oltim) [2], lequel vient se substituer à « l’office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre » (Ocriest) créé en 1996.
Dans ce qui pourrait apparaître comme un simple ravalement de façade, quelques indices ont de quoi surprendre et inquiéter.
L’intitulé de cet office, d’abord, qui érige « le migrant », variété d’être humain aussi indéfinie et fantasmée qu’ignorée dans sa personnalité propre, en nouvelle catégorie juridique à part entière puisque faisant l’objet d’une réglementation qui vise à en réprimer le trafic.
Un intitulé qui, de surcroît, laisse entendre que certains trafics de « migrants » pourraient être licites puisque seuls les trafics dits « illicites » sont dans le viseur de l’Oltim. Rappelons, par comparaison, que l’article 225-4-1 du code pénal définit la traite des êtres humains – par nature illicite sans qu’il soit nécessaire de le préciser – comme un crime commis contre « une personne ». Si le trafic de « migrants » peut, dans certains cas, être licite, est-ce donc parce qu’il ne s’intéresserait pas à des personnes mais à cette sous catégorie particulière ?
Quant aux missions assignées à cet office, elles sont lourdes de présupposés. « En lien avec l’ensemble des administrations concernées », l’article 3 du décret le charge en effet « de l’évaluation de la menace liée aux trafics illicites de migrants ». Et il est précisé que « L’office, sur la base de l’état de la menace, élabore la stratégie interministérielle de lutte contre le trafic de migrants et assure le suivi de sa mise en œuvre. »
Les contours et le contenu de cette « menace liée au trafic illicite de migrants », ainsi placée au cœur des objectifs de l’Oltim, restent curieusement flous s’agissant d’un texte réglementaire et il faudra attendre ses premiers bilans d’activité pour en savoir plus. Mais point n’est besoin d’être devin pour décrypter les intentions d’un ministre toujours prompt à manier les amalgames : si les « trafics illicites de migrants » sont érigés en cible privilégiée de l’action policière, c’est à n’en pas douter parce que derrière chaque « migrant » se cacherait un terroriste en puissance. A moins qu’il ne s’agisse de reprendre à son compte l’épouvantail de la « submersion migratoire » ? Quoi qu’il en soit, le postulat est limpide : il s’agit bien d’imprimer dans les esprits que l’immigration nous menace tous…
Les non dits qui entourent cette initiative gouvernementale en disent, en réalité, beaucoup sur les a priori qui inspirent une politique migratoire toujours plus brutale, à laquelle la loi annoncée pour cette année fera franchir un nouveau cap.
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