B. Connaissance de la langue française

Jusqu’à l’intervention de la loi du 16 juin 2011, la condition de connaissance de la langue française était appréciée lors de l’entretien d’assimilation qui était la plupart du temps le seul élément pris en compte au moment de la décision.
Désormais la preuve de la connaissance de la langue française se fait par la production d’un diplôme ou d’une attestation, sauf pour les personnes qui en sont dispensées en raison de leur handicap. Dans ce cas le niveau de langue est apprécié lors de l’entretien. Le handicap est rarement retenu pour justifier des difficultés à s’exprimer, comme le montre la jurisprudence.
Parfois, une décision d’ajournement est prise alors que la connaissance du français avait été jugée suffisante au stade de la recevabilité - ce que la Cour administrative d’appel de Nantes admet parfaitement, en raison du pouvoir discrétionnaire dont dispose le ministre.

  • CAA de Nantes, 15 mars 2024, n°22NT02981
    Il ressort du compte-rendu d’entretien d’assimilation que si cette dernière a su répondre à des questions simples tenant à son état civil, sa situation de famille ainsi qu’à des questions plus ouvertes, tenant à sa vie sociale et professionnelle, elle n’a pas su réagir de façon adéquate lorsque l’évaluateur a élargi la conversation à des sujets familiers en relation avec ses intérêts personnels, en l’interrogeant par exemple sur le dernier film qu’elle a vu, sur un souvenir de voyage ainsi que sur ses goûts musicaux. Le compte rendu du bilan orthophonique subi par l’intéressée fait état de troubles visuospatiaux et de la mémoire de travail ainsi que de difficultés à discriminer les sons proches. Cependant, il n’apparaît pas que sa connaissance insuffisante de la langue française trouverait son origine dans cette pathologie cognitive. Par ailleurs, si la requérante est suivie en psychiatrie depuis son arrivée en France pour des troubles dépressifs graves, rien ne permet de considérer que cette pathologie psychique ainsi que les autres troubles dont souffre Mme A seraient à l’origine de son niveau insuffisant en français.
  • CAA Nantes, 8 décembre 2023, n°22NT00702
    Il ressort du compte rendu de l’entretien individuel d’assimilation au cours duquel le niveau de maîtrise de la langue française de la postulante a été évalué qu’elle a été en mesure de comprendre et de répondre à des questions simples qui lui ont été posées tenant à son environnement social et aux activités de son conjoint mais qu’elle n’a pas su répondre aux autres questions qui ont suivi, relatives, par exemple, aux liens la rattachant encore à son pays d’origine. Il est vrai qu’à la date de cet entretien, elle souffrait d’une surdité de transmission à l’oreille droite et d’une suspicion d’otospongiose bilatérale nécessitant un suivi en oto-rhino-laryngologie. Des certificats médicaux postérieurs à l’entretien d’évaluation ont indiqué que les troubles auditifs sévères affectant la requérante gênent la compréhension verbale et rendent impossible son évaluation linguistique. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles auditifs qui l’affectaient l’auraient effectivement gênée dans la compréhension des questions qui lui ont été posées ni que le caractère insatisfaisant des réponses apportées, ainsi que le niveau insuffisant de maîtrise de la langue française qu’elles révèlent, trouvent leur origine dans la pathologie dont elle souffre. Dans ces conditions, le ministre de l’intérieur a pu, sans commettre une erreur de droit, déclarer irrecevable sa demande de naturalisation au motif que son niveau de connaissance de la langue française n’était pas suffisant.
  • CAA Nantes, 6 octobre 2023, n°22NT02201
    Le postulant souffre d’importants troubles visuels, dont le degré de sévérité a été constaté médicalement en 2012 et ont, depuis, été confirmés en ce qu’ils nécessitent désormais la présence d’une tierce personne et le port d’une canne blanche. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces troubles visuels seraient à l’origine de ses difficultés dans sa connaissance de la langue française. S’il souffre également de troubles auditifs, ceux-ci n’ont été diagnostiqués qu’en 2018 et il n’est pas établi qu’ils présenteraient un caractère de gravité particulière. Par suite, le ministre de l’intérieur a pu légalement constater l’irrecevabilité de la demande de naturalisation en se fondant sur le motif tiré de ce que l’intéressé ne justifiait pas d’un niveau suffisant de connaissance de la langue française, cette insuffisance ne résultant pas directement d’une maladie ou d’un handicap.
  • CAA Nantes, 20 novembre 2017, n° 16NT02166 Il ressort du procès-verbal d’assimilation établi à l’issue de l’entretien individuel que l’intéressé s’exprime très difficilement en français. S’il soutient que sa mauvaise compréhension du français trouve son origine dans le handicap dont il souffre, déclarant être malentendant, le seul élément qu’il produit, soit une carte de personne handicapée, n’est pas de nature, alors même qu’il ne conteste pas sérieusement ne savoir également ni lire ni écrire le français, à établir que ses difficultés de compréhension et d’expression en français seraient exclusivement imputables à son handicap, dont l’intensité réelle n’est d’ailleurs pas davantage déterminée, ni établir l’impossibilité d’être appareillé. Dès lors, c’est sans entacher sa décision d’une erreur de droit ou d’appréciation de la situation personnelle de l’intéressé que le tribunal administratif a pu rejeter la demande d’annulation du refus de naturalisation
  • CAA Nantes, 30 octobre 2017, 16NT01850
    La postulante ne conteste pas sérieusement le fait que, lors de l’entretien d’assimilation auquel elle a été invitée à participer, sa capacité à s’exprimer oralement en français a pu être objectivement jugée comme insuffisante. Si elle fait valoir que cet état de fait est à mettre sur le compte du fait qu’elle souffre d’une surdité sévère que l’appareil dont elle est équipée ne permet pas de compenser intégralement, et que, du fait de cette situation de handicap, les modalités de l’entretien auraient dû être adaptées à sa situation personnelle, elle ne soutient ni même n’allègue que, en procédant ainsi qu’elle l’a fait, l’administration n’aurait pas respecté les dispositions législatives et règlementaires relatives à l’instruction des demandes de naturalisation alors en vigueur. Le ministre n’a pas ainsi entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation en rejetant la demande de l’intéressée comme irrecevable
  • CAA Nantes, n° 11NT00307, 30 septembre 2011
    Il ressort du procès-verbal d’assimilation que le demandeur communique très difficilement en langue française, ne sait pas lire le français et ne l’écrit que très peu ; qu’il ne peut accomplir seul les démarches de la vie courante. Le ministre a pu sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation considérer que, pour le seul motif tiré de son insuffisante maîtrise de la langue française, il ne remplissait pas la condition d’assimilation.
  • CAA Nantes, n° 10NT01928, 17 février 2012
    Il ressort du procès-verbal d’assimilation que la postulante s’exprime très difficilement en français, qu’elle ne sait ni lire ni écrire le français et que la présence d’un tiers a été indispensable au cours de l’entretien d’assimilation. Le ministre a pu, sans entacher sa décision d’une erreur de droit ou d’une erreur d’appréciation, estimer que la connaissance insuffisante de la langue française révélait un défaut d’assimilation et déclarer irrecevable, pour ce motif, sa demande de naturalisation.
  • CAA Nantes, n° 11NT01310, 17 février 2012 _ Il ressort du procès-verbal établi par les services de la préfecture du Bas-Rhin, que la postulante sait peu lire et écrire le français, s’exprime difficilement dans cette langue et ne peut de ce fait accomplir seule les démarches de la vie courante. Il n’est pas établi comme elle le soutient, que la surdité dont elle est affectée rendrait impossible une amélioration de sa connaissance du français. Dans ces conditions, en décidant d’ajourner à deux ans la demande de naturalisation afin de permettre à l’intéressée d’améliorer sa connaissance de la langue française, le ministre n’a pas entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.
  • CAA Nantes, n° 11NT02000, 29 juin 2012
    Dans le cadre de l’examen d’opportunité, le ministre peut légalement prendre en compte le degré d’assimilation du postulant à la communauté française et, en particulier, son degré de maîtrise de la langue française. En l’espère, la postulante, ressortissante turque d’origine kurde, entrée en France en décembre 2002, qui lit un peu le français et ne sait pas l’écrire, communique très difficilement dans cette langue. Ainsi, alors même que l’intéressée soutient avoir suivi plus de deux cents heures de formation et indique que ses difficultés d’apprentissage du français s’expliquent par un état de santé fragile dû à son passé traumatique, justifié par des certificats médicaux, le ministre a pu, sans entacher sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation, ajourner à deux ans, pour ce motif, sa demande de naturalisation.
Il arrivait, avant la réforme de 2011, que la personne arrive à faire la preuve qu’elle sait suffisamment le français, malgré les conclusions négatives de l’entretien d’assimilation
  • CAA Nantes, n° 98NT02425, 25 juin 1999
    « Considérant qu’il est constant que Mme X... lit et écrit le français ; que les pièces versées au dossier, notamment les documents relatifs aux formations suivies par l’intéressée, sont de nature à infirmer, dans les circonstances de l’espèce, les indications du procès-verbal d’assimilation du 26 octobre 1995 selon lesquelles Mme X... n’aurait qu’une compréhension médiocre de la langue française et ne pourrait soutenir une conversation courante qu’avec difficulté ».
  • CAA Nantes, n° 99NT00295, 29 février 2000
    « Considérant que si selon le procès-verbal d’assimilation Mme A.Z ne ferait preuve que d’un degré médiocre de compréhension de la langue française, ne pourrait soutenir une conversation courante qu’avec difficulté, ne saurait que très peu lire le français et ne saurait pas l’écrire, il ressort des pièces du dossier que l’intéressée, née en Iran en 1926 où elle a suivi des études secondaires, vit en France depuis 1979, où réside également sa fille mariée à un ressortissant français ; que les attestations produites sont de nature à établir qu’elle a manifesté des capacités linguistiques suffisantes pour assurer les démarches de la vie courante et participer activement à la vie sociale dans un milieu français ».

Outre mer : une situation paradoxale

En outre-mer, une partie importante de la population française parle peu ou à peine le français. Le français y coexiste en effet avec d’autres langues souvent prédominantes : créole dans les départements d’Amérique et à la Réunion ; langues amérindienne, bushinenge et hmong en certains lieux de la Guyane ; anglais à Saint-Martin ; shimaore et kibushi à Mayotte, où à peine 5% de la population parlait français en 1975, avant la généralisation de la scolarisation qui a commencé à la fin des années 1990 ; tahitien et autres langues polynésiennes en Polynésie française ; langues kanak en Nouvelle-Calédonie …
Malgré cela, on continue à exiger des personnes habitent dans ces territoires et qui demandent leur naturalisation une connaissance suffisante de la langue française, exigence reconnue comme légale par le Conseil d’Etat.

  • CE, 28 juin 2002, n° 2365445
    « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux d’assimilation établis à la préfecture de Mayotte les 5 mai 2000 et 27 février 2001, qu’à la date du décret attaqué, Mme X... avait une très mauvaise compréhension de la langue française, ne la parlait pas intelligiblement et ne savait ni la lire, ni l’écrire ; qu’elle ne saurait utilement se prévaloir de ce que beaucoup d’habitants de Mayotte ne maîtriseraient pas la langue française ; qu’en admettant qu’elle ait amélioré sa connaissance du français après l’intervention du décret attaqué, cette circonstance est sans incidence sur la légalité dudit décret, laquelle doit être appréciée à la date à laquelle ce décret a été pris ; qu’ainsi, en s’opposant, pour défaut d’assimilation, à l’acquisition de la nationalité française par la requérante, le Gouvernement a fait une exacte application des dispositions de l’article 21-4 du code civil. »
  • CE, 7 nov. 2001, n° 212057
    La postulante était une ressortissante dominicaine résidant en Guyane depuis 1990, comprenant et parlant très peu le français, qu’elle ne sait ni lire ni écrire, et ne pouvant soutenir une conversation courante en français. Dans ces conditions, et alors même que cette personne parle couramment le créole, qui est habituellement utilisé en Guyane, le ministre de l’emploi et de la solidarité a pu légalement s’opposer, en estimant qu’elle témoignait d’une assimilation insuffisante à la communauté française, à ce qu’elle acquière la nationalité française par mariage.

titre documents joints

[retour en haut de page]

Dernier ajout : mercredi 10 juillet 2024, 20:28
URL de cette page : www.gisti.org/article2769