La loi Valls de 2012 et la prétendue suppression du délit de solidarité

La loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées

Modifications de l’article L. 622-4 du Ceseda

Les articles 11 et 12 de la loi introduisent les modifications suivantes de l’article L. 622-4 du Ceseda. Les parties ajoutées ou modifiées sont en italiques.

Article L. 622-4
Sans préjudice des articles L. 621-2, L. 623-1, L. 623-2 et L. 623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 l’aide au séjour irrégulier d’un étranger lorsqu’elle est le fait :
1° Des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l’étranger ou de leur conjoint ;

  • Supprimé par la loi du 31 décembre 2012 : « sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément »

Du conjoint de l’étranger, de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l’étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui  ;

  • Remplace : « Du conjoint de l’étranger, sauf si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ».

De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci.

  • Remplace : « lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la personne de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte »

Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s’appliquent pas lorsque l’étranger bénéficiaire de l’aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d’une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

Présentation par le ministère de l’Intérieur

Circulaire du 18 janvier 2013
relative à l’entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées (NOR : INT/K/13/00159/C)

Circ. du 18 janvier 2013

EXTRAITS
En modifiant les 1° et 2° de l’article L. 622-4, la loi a rationalisé le champ des immunités familiales ; l’aide au séjour irrégulier bénéficie désormais également d’une immunité pénale lorsqu’elle est le fait des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l’étranger.
En réécrivant le 3° de ce même article L. 622-4, la loi exclut les actions humanitaires et désintéressées du délit d’aide au séjour irrégulier, pour mettre enfin un terme à ce qui a été communément appelé « délit de solidarité ».
L’immunité humanitaire ne se réduit plus aux actions destinées à répondre à des situations d’urgence, lorsqu’un étranger est confronté à un danger actuel et imminent. Désormais, sont également hors champ de poursuites pénales la fourniture de conseils juridiques ou de prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci.

Analyse (ADDE, Cimade, Fasti, Gisti, Syndicat de la magistrature)

ADDE, La Cimade, Fasti, Gisti, Syndicat de la magistrature, Contrôle des étrangers : ce que change la loi du 31 décembre 2012, Gisti, Les cahiers juridiques
Chapitre 4 : Le « délit de solidarité »

Cahier juridique « loi Valls » chapitre 4

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EXTRAIT
L’objectif annoncé par le gouvernement était de protéger efficacement les personnes exerçant un travail social ou plus généralement celles qui viennent en aide à un étranger ou à une étrangère en situation irrégulière par simple humanité. Comme auparavant, l’immunité peut jouer au profit des personnes physiques et des personnes morales.

Les modifications apportées à cette fin peuvent toutefois être critiquées pour leur complexité et le fait qu’elles ne garantissent pas une véritable protection contre les poursuites. En effet, pour pouvoir se prévaloir de cette immunité, il faut remplir cumulativement trois conditions.

  • L’aide ne doit donner lieu à aucune contre- partie directe ou indirecte.
    Cette condition extrêmement large interdit que l’aidant ait reçu une quelconque contre-partie en échange de l’aide apportée. Ce critère semble aller au delà de celui prévu par la directive n° 2002/90/CE du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, et qui fait du « but lucratif » un élément constitutif de infraction (art. 1, b)..
  • L’aide doit consister à fournir des prestations de restauration, d’hébergement, de soins médicaux ou de conseils juridiques.
    En énumérant de manière limitative le type de prestations pouvant entrer dans le champ de l’immunité, la loi semble exclure tout autre type d’aide. Si on interprète le texte strictement, les conseils non juridiques, par exemple, n’entreraient pas a priori dans le champ de l’immunité, non plus que le don d’argent.
  • L’objectif de l’aide doit être d’« assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger » ou de « préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ».
    Ce critère supplémentaire vient encore restreindre le champ de l’immunité et pourrait lui aussi donner lieu à des interprétations très différentes d’une juridiction à l’autre.

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Dernier ajout : mardi 31 janvier 2017, 07:49
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