Article extrait du Plein droit n° 15-16, novembre 1991
« Immigrés : le grand chantier de la « dés-intégration » »
Arlette
Arlette Grunstein est morte, le 26 septembre dernier. Tous ceux qui l’ont connue garderont le souvenir de sa personnalité chaleureuse et toujours attentive aux autres, de son dynamisme et de son dévouement, autant de qualités qu’elle a mises au service du GISTI et qui ont contribué à faire du groupe non seulement un instrument performant au service des idées qu’il défend, mais aussi un lieu de convivialité où les gens sont contents d’être ensemble.
Arlette est arrivée au GISTI en 1974, peu de temps après sa création, et très vite elle y a joué un rôle important. Lorsque, au début de l’année 1976, se déclenchent les grèves des foyers Sonacotra, elle est mandatée par le GISTI pour assurer la défense des résidents des foyers et devient une des chevilles ouvrières de la commission juridique et technique du comité de coordination de la lutte des résidents : cette commission, composée d’une dizaine d’avocats, d’architectes, de comptables, se réunit tous les quinze jours avec les délégués du comité de coordination, avec pour mission d’aider les résidents à formuler et donner une base solide à leurs revendications en vue des négociations avec les pouvoirs publics. Pendant toute cette période, qui va durer jusqu’en 1980, elle participe aux manifestations nationales ou locales, aux assemblées générales des foyers, à des journées « portes ouvertes », etc... « Maître Arlette », comme l’appellent les résidents, devient leur conseiller et leur soutien, non seulement dans la lutte mais aussi face aux problèmes individuels qu’ils peuvent rencontrer.
En 1978, alors qu’est prise la décision de doter le GISTI de permanents, Arlette accepte d’en assurer la présidence : elle contribuera à la mise en route de cette nouvelle structure au sein de laquelle il faut trouver un équilibre entre les permanents et les autres membres de l’association.
En 1979, lorsque la politique gouvernementale se durcit à l’égard des immigrés, elle participe au fonctionnement de SOS Refoulement, collectif d’associations parisien, puis national, contre les expulsions, et prend part à la lutte contre les projets de loi Bonnet-Stoléru. En 1980, elle apporte son soutien actif à la lutte des Turcs sans papiers travaillant dans la confection.
En 1981, l’arrivée de la gauche au pouvoir prive le GISTI de plusieurs de ses membres hauts fonctionnaires, appelés à des postes de responsabilité. Arlette contribue alors à éviter la déstabilisation du groupe et à maintenir son dynamisme en favorisant l’arrivée de nouveaux membres. Elle veille également à ce que le GISTI conserve sa liberté critique par rapport au gouvernement et reste vigilant face à la politique mise en oeuvre par la gauche. En 1982, lorsqu’à la fin de la régularisation exceptionnelle des travailleurs africains entament des grèves de la faim, elle leur apporte, au nom du GISTI, son soutien actif.
Arlette était très attachée, on le voit, à que le GISTI, tout en gardant sa compétence technique, reste en prise directe avec les mouvements importants qui se déroulaient dans l’immigration et manifeste sa présence sur le terrain des luttes. Une présence qu’elle-même contribuait personnellement à assurer en chaque occasion.
C’est au début de l’année 1985 que, se sentant fatiguée, elle abandonne la présidence du GISTI ; et c’est dans le courant de l’été que l’on découvre la maladie contre laquelle elle va lutter, avec discrétion, avec courage, six années durant, et qui finira par l’emporter.
Mais pendant ces six années, elle continue à participer à la réflexion sur les orientations du GISTI, à assister à nos réunions, et à être présente sur le terrain , à chaque fois que son état de santé le lui permet : elle est là, en décembre dernier, au rassemblement à la Bourse du Travail pour les demandeurs d’asile déboutés, elle vient à l’Eglise Saint Joseph manifester son soutien aux grévistes de la faim, elle défile encore, le 25 mai, de la République à la Madeleine.
Aujourd’hui, elle nous manque.
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