Article extrait du Plein droit n° 27, juin 1995
« Dénoncer et expulser »

Le point sur la réglementation

Parents étrangers d’enfants français : une régularisation à l’arraché

Sous la pression d’une mobilisation importante autour des six parents grévistes de la faim, le ministre de l’Intérieur a été contraint, pour la première fois, à admettre qu’une des dispositions de sa loi d’août 1993 avait généré une situation injuste et inhumaine pour l’ensemble d’une catégorie d’étrangers présents sur notre territoire.

Sur le fond, cette circulaire ne fait que rappeler aux préfets que la loi leur confère la possibilité de régulariser toutes les situations qu’ils estiment devoir l’être. Il leur est ainsi demandé de procéder à l’admission au séjour des « cas humanitaires » après avoir porté une appréciation d’ensemble sur la situation de chaque famille.

Ces instructions ministérielles peuvent permettre une très large régularisation des parents d’enfants français dès lors qu’aucun critère d’exclusion ne limite le pouvoir des préfets en dehors des références habituelles à l’ordre public et à la fraude. L’étendue de la régularisation dépendra uniquement des autorités préfectorales, sans qu’il leur soit possible de se retrancher derrière un texte de l’administration centrale.

De façon non limitative, deux séries d’éléments sont tout de même précisés pour l’examen des demandes de régularisation :

  • d’une part, les conditions posées par l’article 15-3° l’ordonnance du 2 novembre 1945. Pour pouvoir prétendre à une carte de résident, les parents d’enfants français doivent justifier de la réalité du lien parental, soit en exerçant l’autorité parentale sur l’enfant, soit en subvenant effectivement à ses besoins. Il s’agit donc de conditions impératives ;
  • d’autre part, les éléments d’appréciation qui permettraient de révéler « les situations personnelles et familiales délicates qui justifieraient une attention particulière » comme l’importance de la durée de résidence des intéressés en France ou le statut juridique du conjoint.

Quant à la prise compte de la date d’acquisition ou de reconnaissance de la nationalité française de l’enfant par rapport à la première demande de titre de séjour du parent, on ne voit pas comment elle pourrait constituer un élément d’appréciation pertinent. Si l’intéressé a déposé une demande de titre de séjour avant la naissance de son enfant ou l’acquisition par celui-ci de la nationalité française, il ne peut lui être fait grief d’avoir tenté de respecter les règles sur l’entrée et le séjour des étrangers en France. Dans le cas contraire, comment reprocher à un étranger en situation irrégulière d’avoir attendu d’être protégé contre une mesure d’éloignement, avant d’essayer de régulariser sa situation ? Il s’agira de veiller tout particulièrement à l’interprétation que feront les préfectures de cette disposition.

Enfin, la circulaire précise que le réexamen de la situation des parents d’enfants français s’applique aussi aux ressortissants algériens, alors même que les accords franco-algériens ne prévoient aucune délivrance de titre de séjour.

Mais rien n’est acquis !

Si ce texte n’interdit rien, il n’ordonne rien non plus. Les pratiques et les obstacles que l’administration oppose quotidiennement aux étrangers ne vont pas disparaître comme par enchantement. Les préfectures n’accepteront de régulariser les parents étrangers d’enfants français que si les associations et les syndicats, dans chaque département, les contraignent à le faire.

Il en sera de même pour les modifications législatives qui s’imposent pour que le droit des immigrés à vivre en famille soit respecté – qu’il s’agisse des parents, des conjoints de Français, du regroupement familial ou de la protection sociale. Sans pression auprès des élus locaux des députés, des groupes parlementaires, sans organisation des intéressés, sans la coordination et la complémentarité des interventions des organisations de défense des droits de l’homme, des syndicats, des associations familiales, des forces morales laïques ou religieuses, l’avancée politique qui a été obtenue sera sans effet.


Schengen

La Convention de Schengen, publiée par décret du 21 mars 1995 (JO du 22 mars) est entrée en application depuis le 27 mars 1995. Cet aboutissement, après 10 ans de travaux, a de fortes implications sur le sort des étrangers non communautaires, en matière d’accès au territoire et de circulation, mais aussi dans le domaine du séjour. Rappelons que l’ordonnance de 1945 (articles 5, 22, 26 bis, et 33) avait déjà intégré, bien avant l’entrée en vigueur de la Convention, les dispositions issues de Schengen dans la loi française. On trouvera ici un rappel des principaux textes d’application de la Convention en droit interne :

  • Décret du 6 mai 1995 : décrit le fonctionnement du système d’information national (N-SIS) du système d’information Schengen créé par la Convention (JO du 7 mai 1995).
  • Arrêté du 9 mars 1995 : précise les modalités de la déclaration d’entrée sur le territoire instaurée par la Convention (JO du 11 mars 1995).
  • Arrêté du 23 mars 1995 : désigne les ports, aéroports et gares ouverts au trafic international dont les zones donneront lieu à application de 78-2 Code pénal (JO 25 mars 1995)
  • Circulaire du 24 février 1995 (ministère de la Justice) : commente la loi du 27 décembre 1994 (modif. art. 21 et 35 quater de l’ordonnance de 1945 en perspective de l’entrée en application de Schengen) [ non publiée ].
  • Circulaire du 15 mars 1995 (ministère de l’Équipement : traite de la mise en œuvre de Schengen (Déclaration d’entrée sur le territoire et visa de transit aéroportuaire) [ non publiée ].
  • Circulaire du 17 mars 1995 (ministère de l’Intérieur) : porte sur la mise en œuvre de Schengen pour ce qui concerne le franchissement des frontières et le droit des étrangers (non publiée).
  • Circulaire du 21 mars 1995 (ministère de l’Intérieur) : aborde la question du traitement des demandes d’asile (non publiée).
  • Circulaire du 23 mars 1995 (ministère de l’Intérieur) : consacrée aux dispositions autres que l’asile (non publiée).

N.B. L’ensemble des circulaires, ainsi qu’une brève présentation du dispositif Schengen, seront publiés par le Gisti et France Terre d’asile sous forme de brochure.



Article extrait du n°27

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Dernier ajout : lundi 30 juin 2014, 14:14
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