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Un nouvel outil léger et rapide :
le « référé administratif »

Sommaire du dossier

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25/02/2001 Quatre jugements (entre autres) viennent d'être prononcés par des juridictions administratives. Ils donnent une idée du champ d'application d'une innovation entrée en vigueur le 1er janvier 2001, le « référé administratif ». Le Gisti éditera (sur papier et sur ce site) très prochainement une note qui expliquera quand et comment utiliser le nouvel outil.

En attendant, il est possible, grâce aux exemples évoqués ci-dessous, de commencer à comprendre les potentialités et les limites du référé administratif, qu'il s'agisse du « référé-liberté » ou du « référé-suspension ».

1) Référé-liberté

— Réponse positive à une demandeuse d'asile ne parvenant pas à pénétrer dans une préfecture en vue d'obtenir l'autorisation de séjour lui permettant ensuite de requérir le statut de réfugiée

Tel est le cas de Rose-Michèle Hyacinthe (voir les différents épisodes de son histoire mouvementée dans Libération, 11 et 20 décembre 2000, La Croix, 3 et 16 janvier 2001, Libération, 13 janvier 2001, le Monde, 16 janvier 2001). Arrivée en France métropolitaine par Orly le 30 novembre 2000, elle fait, comme des dizaines d'autres demandeurs d'asile, pendant deux nuits, la queue devant la préfecture de la Seine-Saint-Denis à Bobigny en vue d'engager la procédure conduisant à la demande d'asile. Elle ne parvient pas à accéder aux guichets, notamment parce qu'elle est démunie d'un passeport. Le préfet de la Seine-Saint-Denis est averti par deux fois de la situation par télécopies (26 et 30 décembre 2000) et par courrier recommandé (30 décembre). Rose-Michèle Hyacinthe dispose, par ailleurs, de deux témoignages sur l'honneur écrits (accompagnés de la photocopie d'un document d'identité des témoins) de ces vaines attentes.

Elle saisit, le 2 janvier 2001, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'un « référé liberté » en application de l'article 
L 521-2 (une des dispositions de la toute nouvelle réforme) du code de justice administrative, avec un gros « référé » écrit sur l'enveloppe et sur la lettre (c'est la loi). Le Gisti intervient volontairement (voir sa requête). Il a fallu à Rose-Michèle Hyacinthe montrer par écrit que (voir son recours) :

  1. l'administration viole manifestement la loi ;
  2. cette violation porte manifestement atteinte à une liberté ;
  3. il y a urgence à faire cesser cette illégalité.

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejette son référé le jour-même (2 janvier) et sans audience (il en a le droit) parce que le problème n'est pas, selon lui, urgent (voir la décision) :

Rose-Michèle Hyacinthe saisit, dès le 10 janvier, le Conseil d'État en appel (voir sa requête et celle du Gisti, intervenant volontaire), lequel audience l'affaire le 12 janvier. Ça va donc très vite.

Dans l'intervalle, craignant une condamnation, le ministère de l'intérieur et la préfecture de Bobigny ont décidé in extremis de proposer un rendez-vous à Mme Hyacinthe, de sorte que le Conseil d'État prononce un « non-lieu à statuer », estimant que le litige est réglé. Mais, dans sa décision, le Conseil d'État souligne les violations du droit commises par l'administration et condamne l'État à verser 10 000 F à Rose-Michèle Hyacinthe en remboursement des frais exposés (voir l'ordonnance).

— Réponse positive à un demandeur d'asile constitutionnel auquel la préfecture refuse d'enregistrer sa requête parce qu'il est d'abord passé par l'Allemagne en application de la convention de Dublin

M. S. est un Mauritanien entré en Europe grâce à un visa de l'Allemagne. Il arrive en France en juillet 2000, et demande à la préfecture de la Seine-Saint-Denis une autorisation provisoire de séjour en vue de requérir l'asile constitutionnel auprès l'OFPRA. La préfecture lui refuse cette possibilité car, selon elle, le passage de M. S. en Allemagne implique qu'il y retourne pour saisir ce pays de sa demande de protection en vertu de la Convention de Dublin.

M. S. saisit donc, le 17 janvier 2001, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'un référé-liberté. Le 19 janvier, au terme d'une audience contradictoire, le juge statue au non-lieu car la préfecture de Bobigny lui a soudainement accordé l'autorisation de séjour qu'elle lui avait jusque là refusée.

Le tribunal condamne néanmoins l'État à payer au plaignant la somme de 6 000 F car, ayant sollicité l'asile constitutionnel, « il ne pouvait faire l'objet d'une mesure de non-admission sur le territoire [ni] de transfert à destination de l'Allemagne ». En effet, « si au regard de la convention [de Dublin] du 15 juin 1990 (...) et de l'article 10-1° de la loi [française] du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, l'autorité préfectorale peut refuser l'examen de la demande d'admission au titre de l'asile par un étranger dès lors que cet examen relève d'un autre État membre de la communauté européenne, les dispositions de la loi du 25 juillet 1952, dans leur rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, prévoient que l'OFPRA comme la commission des recours des réfugiés peuvent reconnaître la qualité de réfugié à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté sur le fondement de l'asile constitutionnel (...). Ainsi, un étranger séjournant en France qui demande à bénéficier de ces dispositions particulières ne peut faire l'objet d'un refus d'examen de sa demande d'asile (...) » (voir la décision).

La préfecture n'ayant pas fait appel, cette décision est définitive.

— Réponse négative à un étudiant étranger auquel une université vient de refuser l'inscription faute d'une carte de séjour

Un étudiant, admis dans une formation de troisième cycle, se voit refuser son inscription, et donc le droit de suivre les cours, le 8 décembre 2000, par l'Université de Paris 8 Saint-Denis, au motif qu'il ne produit pas une carte de séjour « étudiant » ou un récépissé de demande de carte.

L'intéressé demande, le 6 janvier 2001, au tribunal administratif de Cergy-Pontoise et en référé, au titre de l'article 521-2 du code de justice administrative (le nouveau « référé liberté » ), d'ordonner son inscription. Il invoque l'urgence du fait que les cours reprennent le 8 janvier 2001.

Dès le 8 janvier, le tribunal administratif, jugeant

  1. que la décision est manifestement illégale,
  2. qu'elle porte atteinte à une liberté fondamentale (l'accès à l'enseignement),
  3. qu'il y a urgence,

lui donne satisfaction (voir l'ordonnance).

Saisi en appel par l'Université de Paris Saint-Denis, le Conseil d'État annule, le 24 janvier 2001, l'ordonnance du TA de Cergy. Il considère que, si le juge du référé peut statuer « par des mesures qui présentent un caractère provisoire » ( art.
L 511-1 du code de justice administrative) et qu'il « peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale » (art. L 512-2), « il ne saurait, sans méconnaître l'article L 511-1 précité et excéder sa compétence, prononcer l'annulation d'une décision administrative » (voir la décision).

Le Conseil d'État considère, par ailleurs, que « l'accès à une formation de troisième cycle de l'enseignement supérieur ne constitue pas une liberté fondamentale ». Il n'y avait non plus, selon lui, une illégalité « grave et manifeste » dans la décision de l'Université car l'étudiant (algérien) « ne justifiait ni détenir [un] certificat [de résidence] ni l'avoir demandé » (si l'étudiant n'avait pas été algérien, on aurait parlé de titre de séjour au lieu de certificat de résidence).

2) Référé-suspension

— Suspension de l'arrêté d'expulsion et de l'arrêté de reconduite à la frontière frappant un Italien sur le point d'être libéré de prison notamment parce que « la vie familiale (...) doit être regardée comme une liberté fondamentale »

Un Italien, pénalement condamné pour divers délits, doit être libéré de prison le 5 février 2001. Comme le ministre de l'intérieur a pris contre lui, le 12 juillet 2000, un arrêté d'expulsion et que le préfet de l'Eure lui a notifié, le 19 juillet 2000, un arrêté de reconduite à la frontière fixant l'Italie comme pays de destination, il est à craindre qu'il soit éloigné dès sa libération.

L'intéressé a déjà demandé l'annulation de ces deux mesures au juge administratif. Mais la vitesse de réaction de la justice administrative étant ce qu'elle est, l'expulsion peut avoir lieu avant qu'elle statue.

C'est pourquoi l'Italien saisit, le 31 janvier 2001, le tribunal administratif de Rouen d'un référé, qui sera un « référé-suspension » (puisque l'annulation est déjà demandée par ailleurs).

Le 2 février, le juge reconnaît qu'« il y a, en raison de la possibilité de mise à exécution prochaine des mesures susvisées [d'éloignement], urgence au sens des dispositions de l'article L 521-2 du code de justice administrative » (voir la décision).

Le juge considère que « l'arrêté d'expulsion du ministre a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie familiale qui doit être regardé comme une liberté fondamentale ». L'intéressé vit, en effet, en France depuis l'âge d'un an et demi ; il y entretient, depuis 1973, une relation de concubinage ; il a un enfant français né en 1978 ; il ne parle pas l'italien ; l'ensemble de sa famille vit également en France.

De ce fait, le juge estime qu'« il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté d'expulsion et de l'arrêté préfectoral fixant le pays de destination (...) jusqu'à ce que le tribunal statue sur la requête aux fins d'annulation », et condamne l'État à verser à l'intéressé 3 000 F au titre des frais exposés (art. L 761-1 du code de justice administrative).

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Dernière mise à jour : 25-02-2001 16:10.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/actions/2001/hyacinthe/index.html


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