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Utilisation du référé administratif :
décision Hyacinthe

Jugement T. du tribunal administratif (2 février 2001)

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE ROUEN
N°010228

M. G. T.

Ordonnance du 2 février 2001

CNIJ : 54-03-01
Classement : C

Décision d'aide juridictionnelle provisoire
du 1er février 2001

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le président,

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2001, sous le n° 010228, présentée pour M. G. T., actuellement au centre de détention « Les Vignettes », Chaussée de l'Andelle, 27107 Val de Reuil, par Me Madeline, avocat au barreau de Rouen ; M. T. demande au juge du référé administratif en application de l'article L.521-2 du code de justice administrative, d'ordonner l'annulation de l'arrêté d'expulsion et de la décision préfectorale fixant l'Italie comme pays de destination pris à son encontre, de condamner l'État à lui verser la somme de 4 000 F au titre des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la présente instance ;

M. T. fait valoir que le ministre de l'intérieur a pris le 12 juillet 2000 un arrêté d'expulsion du territoire français et que le préfet de l'Eure a pris le 19 juillet 2000 un arrêté de reconduite à destination de l'Italie ; que ces décisions ont fait l'objet d'une requête en annulation et d'une requête à fin de sursis à exécution non jugées à ce jour ; qu'il vient d'être informé que sa détention prendra fin le 5 février 2001 ; qu'il y a urgence à ce qu'il soit statué sur son cas ; qu'il y a atteinte à une liberté fondamentale à savoir celle de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet depuis l'âge d'un an et demi il vit en France ; que l'ensemble de sa famille vit en France dont une partie a la nationalité française ; qu'il vit en concubinage avec Mme M. depuis 1973 de laquelle il a eu un fils né le 15 mai 1978 ; qu'il n'a plus aucune relation avec l'Italie dont il ne parle pas la langue ; que son renvoi dans ce pays porte une atteinte excessive et disproportionné à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que le rapport socio-éducatif lui est favorable ; que la mesure porte également une atteinte à la liberté fondamentale d'aller et de venir ; que les décisions contestées sont illégales pour motivation insuffisante ; que les décisions ne sont motivées que par les infractions pénales ; que le ministre de l'intérieur n'a pas procédé à un examen attentif de la dangerosité du requérant qui a fait preuve, en détention d'un comportement irréprochable ; que son expulsion ne présente pas une nécessité impérieuse poux la sûreté de l'État ou la sécurité publique ;

Vu enregistré le 31 janvier 2001, le mémoire complémentaire présenté pour M. T. tendant à déposer plusieurs pièces justificatives et à signaler que la requête tend à ce que soit ordonnée la suspension des arrêtés contestés et non leur annulation ;

Vu enregistré le 1er février 2001 le mémoire présenté par le préfet de l'Eure tendant au rejet de la requête par les moyens que son arrêté du 19 juillet 2000 a été pris en application de la décision d'expulsion du ministre de l'intérieur ; qu'il a toujours de la famille en Italie, pays où il n'encourt aucun risque de mauvais traitements ; que la proximité de ce pays n'empêche pas sa famille de lui rendre visite ;

Vu enregistré le 1er février 2001 le mémoire présenté par le ministre de l'intérieur tendant au rejet de la requête par les moyens que les conditions de l'article L 521-2 du code de justice administrative ne sont pas remplies ; que la proximité de la libération ne justifie pas le caractère nécessaire et urgent de l'annulation des décisions contestées ; que l'atteinte à la vie privée et familiale n'est pas démontrée ; que le ministre ne s'est pas basé sur les seules infractions pénales ; qu'en raison de la répétition et de la gravité des faits commis il n'y a pas atteinte à son droit à une vie privée et familiale ; que la jurisprudence du Conseil d'État est en ce sens ; que l'Italie, pays membre de l'union européenne permet de relativiser l'atteinte portée à la vie familiale ;

Vu la décision du président du tribunal en date du 1er février 2001 accordant à M. T. le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été convoquées à l'audience du 2 février 2001 ;

Après avoir entendu :

  • le rapport de M. Bèle, président-rapporteur,

  • les observations de Me Madeline, avocat, pour M. T. qui a rappelé oralement les moyens et arguments développés à l'appui de son recours, a versé au dossier diverses pièces, notamment une promesse d'embauche du requérant dès sa sortie du centre de détention, et a écarté l'argument du ministre selon lequel M. T. pourrait facilement faire venir sa famille en Italie en raison de la proximité de ce pays membre de l'Union Européenne ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.521-1 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (....) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans le délai de quarante-huit heures » ;

Considérant que la requête de M. G. T. doit être analysée comme tendant à ce que soit ordonnée, sur le fondement des dispositions précitées, la suspension de l'arrêté en date du 12 juillet 2000 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français et de l'arrêté en date du 19 juillet 2000 par lequel le préfet de l'Eure a décidé qu'à serait reconduit à destination de l'Italie, ou à destination du pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou encore dans tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. G. T., de nationalité italienne, actuellement détenu au centre de détention « Les Vignettes à Val de Reuil, doit bénéficier d'une libération définitive à la date du 5 février 2001 ; que, par suite, nonobstant la circonstance que le tribunal n'a pas encore statué sur sa demande tendant à l'annulation et au sursis à exécution des décisions contestées, il y a, en raison de la possibilité de mise à exécution prochaine des mesures susvisées, urgence, au sens des dispositions susvisées de l'article L 521-2 du code de justice administratif, à ce que soit ordonnée la suspension des décisions d'expulsion et de reconduite en Italie prises à son encontre ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si M. G. T. s'est rendu coupable de faits de vols à main armée, de vol avec violence, de tentative d'évasion avec violences, de vol, de falsification de documents administratifs et d'escroquerie entre 1983 et 1996, pour lesquels il a été condamné à plusieurs peines d'emprisonnement et de réclusion criminelle, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France depuis l'âge d'un an et demi avec ses parents actuellement décédés, que tous ses frères et sours, dont plusieurs ont acquis la nationalité française, résident en France, qu'ayant toujours vécu sur le territoire national il n'a plus d'attaches avec l'Italie dont il ne parle pas la langue, qu'il vit en concubinage avec une Française depuis 27 ans et avec laquelle il a eu un fils de nationalité française, qu'il a manifesté pendant sa détention une réelle volonté de réinsertion et qu'il peut justifier d'une promesse d'embauche ; qu'ainsi la mesure d'expulsion porte au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteints disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il suit de là que l'arrêté d'expulsion du ministre a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie familiale qui doit être regardé comme une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L.521-2 du code de justice administrative ; qu'en conséquence, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté d'expulsion et de l'arrêté préfectoral fixant le pays de destination pris à l'encontre de M. G. T. jusqu'à ce que le tribunal statue sur la requête aux fins d'annulation desdites mesures ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code
de Justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'État à verser à M. G. T. une somme de 3 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er : La suspension de l'exécution de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 12 juillet 200 et de l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 19 juillet 2000 prononçant respectivement l'expulsion du territoire français et la reconduite à destination de l'Italie de M. G. T. est prononcée jusqu'à ce que le tribunal statue sur la requête au fond tendant à l'annulation desdites décisions.

Article 2 : L'État est condamné à verser à M. G. T. une somme de trois mille francs (3 000 F) en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. G. T., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Eure.

Fait à Rouen, le 2 février 2001 :

Le président,
Philippe Bèle

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Dernière mise à jour : 3-04-2001 14:18.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/jurisprudence/2001/ta-t-2001-02-02.html


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