action collective
Campagne « Justice et dignité pour les chibani-a-s »
Non, les vieux migrants ne sont pas des fraudeurs !
Par une décision du 28 mai 2015, la Cour de Cassation a mis un terme à un feuilleton judiciaire engagé depuis 2009. Ce feuilleton est le symbole de l’acharnement institutionnel contre les chibani-a-s, ces vieux migrant-e-s longtemps rendu-e-s invisibles, à qui l’on offre de choix qu’entre l’oubli ou le mépris. |
La Cour de Cassation rejette définitivement la demande de la Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail (CARSAT) Midi-Pyrénées qui s’acharnait à réclamer à un chibani de Toulouse la somme de 6558.75€ de “trop perçu” au titre de l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées) au motif que cette personne âgée aurait “fraudé” en ne respectant pas l’obligation qui lui est faite, notamment de résider au moins 6 mois en France par an. Cette décision confirme que les CARSAT ne peuvent exiger le remboursement des sommes déjà versées au titre de l’ASPA sans démontrer que l’allocataire a commis une fraude ou a transféré sa résidence à l’étranger. S’agissant de la fraude avancée par la caisse, la Cour de Cassation dit qu’elle ne peut être constituée « par le seul fait que l’allocataire ait résidé moins de 6 mois en France dès lors que celui-ci n’a pas été informé des obligations pesant sur lui comme le prévoit pourtant la loi ».
Cette décision de justice confirme les positions défendues par les chibani-a-s et le Collectif “Justice et Dignité pour les Chibani-a-s” depuis 6 ans en considérant que ces personnes ne sont pas des fraudeurs et, comme aucune information digne de ce nom ne leur avait été donnée, c’est la CARSAT qui est coupable de ne pas avoir informé ses assurés !
Au bout de longues procédures, après des années de lutte, un peu de justice est rendu aux chibani-a-s qui n’ont pas cédé au découragement. D’autres dossiers concernant des chibani-a-s sont en cours. La justice connaîtra en septembre prochain des cas de discriminations par la SNCF. Les plaintes déposées contre le marchand de sommeil de l’hôtel du Faubourg Saint-Antoine à Paris sont encore sans réponse. Harcèlement et privation de droits, discriminations racistes, conditions de vie dégradées... le fond de ces instances judiciaires révèle tout de la situation qui est faite aux chibani-a-s en France.
Pendant ce temps-là, l’Etat ne fait rien. Ou plutôt fait comme trop souvent en créant une mission d’information parlementaire qui a été conduite en 2013 et qui avait fondé quelques espoirs vite déçus. Des 82 propositions qui en ont été tirées, aucune n’a trouvé de concrétisation à ce jour. Pire, le gouvernement n’a pris qu’une décision depuis : faciliter l’accès à la nationalité française, pour ceux qui atteindront 65 ans, qui ont des enfants français et résidant en France depuis plus de 25 ans. Concernant les droits sociaux des chibani-a-s, dans le cadre des relations de coopération avec le Maroc, la France vient d’accepter le principe « d’étudier la proposition de créer un groupe de travail »... On est très loin du compte !
Le collectif “Justice et Dignité pour les Chibani-a-s” demande :
- Que tous les chibani-a-s ayant fait l’objet de mesures de réclamation d’indus de la part de la CARSAT, de la MSA, de la Caisse des Dépôts et Consignations ou de la CAF soient rétablis dans leur droits et remboursés, dans l’esprit de la décision de la Cour de Cassation.
- L’arrêt du harcèlement et des contrôles discriminatoires contre les Chibani-a-s
- Une reconnaissance du droit fondamental d’aller et venir sans suspension des droits sociaux en France.
Signataires :
- Le collectif “Justice et Dignité pour les Chibani-a-s” (www.chibanis.org)
- Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF)
- Association des Tunisiens en France (ATF)
- Ayyem Zamen (Café social Belleville et Dejean - Paris)
- Calima (Strasbourg)
- La Case de Santé (Toulouse)
- Chibanis 06 (Nice)
- Elghorba (Lyon)
- Espace Farabi (Paris)
- La Fasti
- GISTI
- Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR)
- Globe 42 (Saint-Etienne)
- L’olivier Des Sages (Lyon)
- Rachid OUJDI (auteur- réalisateur)
- Pays’âges (Grenoble)
- uliette PEPIN (Avocate, Toulouse)
- Tactikollectif (Toulouse)
- ZEBDA (Artistes- Toulouse)
Annexe : Retour sur les campagnes de harcèlement par les caisses Depuis 2009 et sous couvert de lutte contre la fraude, les caisses de sécurité sociale (CARSAT, CAF, CPAM, MSA) multiplient les contrôles sur les vieux migrants, en particulier ceux vivant en foyer. Du point de vue de l’administration, il s’agit de vérifier la condition de résidence en France et donc de vérifier le temps passé par les personnes sur le territoire français. Si le temps passé hors de France est trop long, les personnes sont considérées comme « non résidentes » et la quasi-totalité de leurs droits sociaux en matière de vieillesse, d’aides au logement ou de protection maladie leur est supprimée, souvent sans que la décision ne leur soit notifiée ni qu’ils aient la possibilité de pouvoir s’expliquer ou contester. Et peu importe que l’application des textes ne soit pas respectée par les caisses ! Peu importe aussi que les conditions dans lesquelles s’opèrent ces contrôles soient souvent discriminatoires et entachées d’illégalités comme l’a dénoncé la HALDE dans une délibération prise à la suite d’un contrôle par une CAF dans un foyer de travailleurs migrants [1] Bien plus grave encore, à la suite de ces contrôles, les caisses opèrent des redressements insupportables pour des vieux migrants - des milliers voire dizaines de milliers d’euros - dont les revenus sont souvent de l’ordre de 700 euros par mois en raison de leur vie de travail précaire, souvent faite de travaux pour lesquels les employeurs peu scrupuleux n’ont pas versé de cotisations. On imagine le désarroi et la colère de ces personnes âgées particulièrement vulnérables, qui ne savent pas toujours lire et écrire le français et éprouvent des difficultés à comprendre et remplir les papiers. A la fois « d’ici et de là-bas », beaucoup passent leur fin de vie entre leur logement en France et leur famille restée au pays. Pourtant, après une vie passée à faire les travaux les plus pénibles en France, ils devraient avoir le droit d’être tranquilles et de ne pas devenir les cibles privilégiées de contrôles abusifs et indignes. |
[1] Délibération de la Halde 2009-148 du 6 avril 2009
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