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Rapport « Immigration, emploi et chômage » du CERC

Introduction générale

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Dans le débat public, la relation entre immigration et situation du marché du travail paraît s'imposer d'elle même : il existerait un lien direct entre flux nets d'immigration et volume de chômage dans le pays d'accueil. L'immigration, dont chacun reconnaît le rôle économique positif dans les bonnes conjonctures, serait tout aussi évidemment un facteur d'aggravation du chômage en période de difficultés.

Bien sûr, il n'est, le plus souvent, pas question d'imputer le chômage de masse aux seuls immigrés. Cette équation est trop simpliste pour convaincre au-delà des rangs de l'extrême droite. En revanche, l'idée qu'en période de crise, toute immigration supplémentaire viendrait encore aggraver les difficultés du marché du travail, est à bien des égards une idée proprement indiscutable car elle présente toutes les apparences du bon sens. Les pouvoirs publics seraient face à un arbitrage nécessaire et incontournable entre l'entrée de migrants supplémentaires et la préservation des emplois ou des acquis sociaux des personnes déjà résidentes. Les lois de fonctionnement du marché du travail imposeraient d'arbitrer entre la lutte contre le chômage et l'égalité de traitement pour les étrangers.

Le lien supposé entre immigration et marché du travail est d'abord perçu sous l'angle quantitatif. Toute immigration nouvelle est implicitement considérée a priori comme une source de main-d'oeuvre supplémentaire, « donc » de concurrence et de chômage pour les salariés autochtones : la recherche du « vrai chiffre » de l'immigration ou du véritable nombre de « clandestins » focalise l'attention, comme si ces chiffres représentaient l'ampleur de la menace. Pourtant, à y regarder de près, la main-d'oeuvre étrangère occupe des emplois de qualité assez différente, en particulier par les statuts et les rémunérations, de ceux de la main-d'oeuvre autochtone. Surtout, l'analyse des données statistiques concernant l'évolution des étrangers sur le marché du travail (premier chapitre) inciterait plutôt à renverser le rapport de causalité évoqué précédemment : l'installation progressive et durable dans la crise a touché de plein fouet, dès la fin des années soixante-dix, la main-d'oeuvre étrangère qui, au gré des restructurations, a été amenée à jouer malgré elle le rôle « d'amortisseur de crise » pour l'ensemble du marché du travail. Parallèlement, les durcissements successifs de la législation sur le séjour ont placé les primo-migrants, contraints de s'installer sans autorisation légale, dans la situation de cible privilégiée, de « cobayes » des nouvelles formes précaires d'emploi.

Les observations statistiques apparaissent donc, a priori, décalées par rapport à l'opinion commune. Mais de façon plus précise, que dit la théorie économique concernant l'impact de l'immigration sur le marché du travail ? Dans le deuxième chapitre de ce dossier, on se propose d'examiner les conclusions des principaux travaux consacrés aux mécanismes économiques mis en mouvement par l'immigration, du point de vue des impacts partiels, mais aussi par rapport à l'équilibre économique global du marché du travail. Le pari peut paraître ambitieux, d'autant que la théorie économique ne constitue pas un champ totalement unifié et que, selon les hypothèses de chaque modèle, les aspects étudiés diffèrent et les conclusions se révèlent parfois contradictoires. Pourtant, au delà de la diversité des approches, on verra qu'elles se rejoignent pour conclure au rôle négligeable, voire contraire à l'opinion commune, de l'immigration sur le chômage. En tout état de cause, il apparaît difficile, à la lumière de ces travaux, de justifier scientifiquement des politiques migratoires restrictives en arguant de la nécessaire lutte contre le chômage.

Mais le présupposé de l'existence avérée d'un lien direct entre flux nets d'immigration et volume de chômage est loin d'être seulement une idée fausse ou un raisonnement paresseux. Dans le troisième chapitre de ce document, on se propose de montrer les conséquences à la fois pratiques et politiques que cette équation implique au regard de l'histoire. Cette véritable idée fixe a traversé les décennies : depuis la fin du dix-neuvième siècle, elle a orienté la plupart des politiques migratoires, souvent accompagnées d'un arsenal juridique (ou plutôt d'un ensemble de discriminations légales) destiné à protéger la main-d'oeuvre « nationale » en interdisant l'accès des étrangers à certains secteurs du marché du travail. La plus connue et la plus massive de ces discriminations demeure sans doute celle qui touche les emplois de la Fonction publique, mais elle s'accompagne en réalité d'un ensemble beaucoup plus vaste de restrictions accumulées au fil de l'histoire et qui pour la plupart se sont maintenues encore jusqu'à aujourd'hui. Le quatrième chapitre conclura donc ce dossier par une quantification du poids de ces discriminations légales, en termes de nombre d'emplois dont l'accès est soumis à condition de nationalité sur le marché français du travail.

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Dernière mise à jour : 13-11-2000 16:33.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/presse/1999/cerc/intro.html


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