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Rapport « Immigration,
emploi et chômage » du CERC
Pour comprendre les discriminations légales actuelles qui frappent
les étrangers sur le marché du travail, on ne peut faire
l'économie d'un détour par l'histoire. En matière
d'interdictions de certains emplois et contrairement à d'autres
domaines de la législation des étrangers, la tendance
sur plus d'un siècle a été à une augmentation
des discriminations légales, car « parmi [les] dispositions
prises dans la précipitation et sous la pression de l'événement,
beaucoup sont restées durablement voire définitivement
en vigueur » [Lochak, 1995a]. Les dispositions visant à
interdire certaines professions aux étrangers se sont en fait
ajoutées les unes aux autres. Il n'a jamais été
question de mettre à plat ou de faire table rase de cet empilement
d'interdictions qui, en conséquence, ont perduré, et n'ont
été levées récemment que pour les ressortissants
de l'Union européenne sous la pression du droit communautaire.
Pour comprendre cette « sédimentation » progressive
des discriminations légales, il est donc nécessaire de
remonter assez loin dans le temps.
Il est par ailleurs indispensable de tenir également compte
de l'histoire des conditions posées au séjour des étrangers,
et non plus seulement à leur travail, car il existe un lien plus
ou moins étroit selon les époques entre droit au séjour
et droit au travail, notamment à travers l'instauration progressive
de « papiers » autorisant le séjour et/ou
le travail.
En matière de législation sur l'immigration depuis plus
d'un siècle, on est effectivement passé à l'institutionnalisation
progressive d'une politique migratoire, du laissez-faire au dirigisme,
d'une immigration libre dans un contexte de réglementation et
d'intervention minimale de l'Etat à une police des étrangers
destinée à réglementer et contrôler strictement
l'immigration. Les politiques migratoires, réellement initiées
à la fin du XIXe siècle, ont mêlé politiques
de peuplement, à visée principalement démographique
et politiques de main-d'oeuvre, à visée économique
[Lochak, 1985].
Avant 1945, les préoccupations démographiques expliquent
en grande partie la tournure libérale prise par la législation
sur la nationalité (lois de 1851, 1889, 1927), ainsi que la faveur
relative donnée en France à l'immigration familiale, contrairement
à d'autres pays d'immigration en Europe. Pour ce qui est des
questions de la main-d'oeuvre, la législation donne l'impression
de « courir après » l'évolution spontanée
de l'immigration plutôt que de chercher à la contrôler,
ce qui a incité de nombreux observateurs à conclure à
l'absence d'une véritable politique de l'immigration avant 1945
[Lochak, 1985]. Les préoccupations liées à l'emploi
des étrangers ont cependant été fortes à
certaines périodes plus ou moins sporadiques lors de guerres,
de crises ou de troubles, périodes au cours desquelles les nombreuses
interdictions faites aux étrangers sur le marché du travail
ont été adoptées (III.1).
En 1945 est mis en place le cadre d'une nouvelle politique d'immigration
prétendant poursuivre à la fois un objectif démographique
et un objectif économique, particulièrement en voulant
donner le monopole du recrutement de la main d'oeuvre à l'Etat.
Les politiques menées en direction des étrangers ont reflété
la volonté de contrôler et d'instrumentaliser la présence
des étrangers sur le marché du travail, avec selon les
périodes la volonté de la favoriser, la sélectionner,
ou, comme c'est le cas depuis vingt-cinq ans, la limiter voire la réduire.
Depuis la Libération, la plupart des discriminations légales
ont été maintenues (III.2).
Dernière mise à jour :
13-11-2000 16:44.
Cette page : https://www.gisti.org/doc/presse/1999/cerc/chapitre-3-1.html
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