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Circulaire
du 25 juin 1998 sur l'asile territorial
Le Conseil d'État a annulé, par un arrêt
du 26 janvier 2000, cinq dispositions de la circulaire du 25 juin
1998 des ministères de l'intérieur et des affaires étrangères
relative à l'asile territorial. Cet arrêt permet en particulier
à toutes les victimes de persécutions ou de risques de
persécutions de bénéficier de cette forme d'asile
institutionnalisé par la loi du 11 mai 1998 (« loi
Chevènement »). Cet élargissement du champ d'application
de l'asile territorial modifie à ce point la politique de l'administration
qu'il devrait entraîner le réexamen de toutes les demandes
qui ont déjà été rejetées sur la
base des dispositions censurées. D'autres aspects de la décision
du Conseil d'État vont amener l'administration préfectorale
à modifier la procédure d'examen des demandes d'asile
territorial, définie par le décret 98-503 du 23 juin
1998, et à revoir les circonstances et les modalités du
recours à la procédure d'urgence (examen accéléré
des demandes) prévue à l'article 9 de ce décret.
Selon la loi relative au droit d'asile (art. 13 de la loi du 25 juillet
1952 modifiée), « dans les conditions compatibles
avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être
accordé par le ministre de l'intérieur après consultation
du ministre des affaires étrangères à un étranger
si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée
ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à
l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
Cette disposition a été introduite par la loi Chevènement
du 11 mai 1998 pour légaliser une pratique jusqu'alors réglée
par des instructions ministérielles sans caractère officiel.
Celle-ci avait notamment été utilisée pour accueillir
des ressortissants d'ex-Yougoslavie à partir de 1992 et
avait bénéficié, entre 1994 et 1998,
à plus de trois mille Algériens menacés dans leur
pays « du fait des activités des groupes islamistes ».
Ceux-là s'étaient vu octroyer un titre de séjour
en application d'un télégramme non publié (22 décembre
1993) du ministre de l'intérieur. Pour justifier cette pratique,
l'administration s'appuyait sur l'inapplicabilité supposée
à leur cas de la Convention de Genève, qui protègerait
exclusivement les victimes des autorités officielles de leur
pays. C'est encore à cette interprétation restrictive,
d'ailleurs contestée par le Haut Commissariat des Nations unies
pour les Réfugiés (HCR), que se réfère la
circulaire du 25 juin 1998 en prétendant, en quelque sorte,
en compenser les effets. Selon cette circulaire, l'asile territorial
est la « protection accordée par la France sous
forme d'admission exceptionnelle au séjour [...] à
un étranger dont la vie ou la liberté sont menacées
dans son pays ou qui y est exposé à des traitements inhumains
ou dégradants, contraires à l'article 3 de la Convention
européenne des droits de l'homme, lorsque ces menaces ou ces
risques émanent de personnes ou de groupes distincts des autorités
publiques de ce pays ».
Telle n'est pas l'opinion du Conseil d'État, pour qui rien ne
justifie de séparer de façon aussi tranchée les
domaines couverts par la Convention de Genève et ceux qui relèvent
de l'asile territorial : « Aucune disposition de la
loi du 25 juillet 1952 modifiée [relative à l'asile]
ne réserve l'octroi par le ministre de l'intérieur
de l'asile territorial aux seuls étrangers faisant état
de menaces ou de risques émanant de personnes ou de groupes distincts
des autorités publiques de leur pays », observe
le Conseil d'État. Désormais, donc, le ministre de l'intérieur
ne pourra plus fonder un refus d'asile territorial sur des considérations
relatives à l'auteur des persécutions alléguées
par le demandeur.
La procédure de demande d'asile territorial, décrite
par le décret du 23 juin 1998 (art. 1), est décomposée
en plusieurs phases : dans un premier temps, le demandeur déclare
son arrivée en France en vue d'une admission sur le territoire.
Une fois cette déclaration effectuée, il doit être
convoqué à la préfecture à un entretien
au cours duquel il justifiera des motifs précis de sa venue par
la production de documents et/ou du récit qui motivent sa sollicitation
d'une protection. La demande d'asile territorial proprement dite se
situe à ce stade.
La circulaire du 25 juin 1998 invitait les agents de la préfecture
à sauter une étape, en les autorisant, s'ils en avaient
la possibilité, à auditionner le demandeur immédiatement
après le dépôt de sa demande d'admission. Pour le
Conseil d'État, il y a là méconnaissance des prescriptions
du décret, dont les dispositions « ont pour but
de permettre à l'intéressé de disposer d'un délai
suffisant pour préparer utilement son audition et user des droits
qu'elles lui confèrent ».
Le décret du 23 juin 1998 prévoit que le demandeur,
lorsqu'il est auditionné en préfecture, peut demander
l'assistance d'un interprète (art. 2). Pour le ministre
de l'intérieur, les frais d'interprète étaient
à la charge du demandeur. Le Conseil d'État estime, pour
sa part, que l'administration doit mettre gratuitement l'interprète
à la disposition du requérant s'il en a effectivement
besoin.
Le décret du 23 juin 1998 autorise l'examen en urgence
de la demande d'asile territorial dans trois types de circonstances :
- quand l'étranger a fait l'objet d'une mesure d'éloignement
et est, pour cette raison, placé en rétention administrative ;
- lorsque sa présence constitue une menace pour l'ordre public ;
- lorsque sa demande est de nature abusive, frauduleuse ou dilatoire.
Dans ces cas, l'étranger est entendu « sans délai »
(art. 9 du décret). Ce qui ne permet pas pour autant de
déroger au principe, tiré de l'article 2 du même
décret, selon lequel l'étranger est auditionné
« en préfecture ». Pour le Conseil
d'État, cette disposition exclut que le demandeur, s'il relève
de la première hypothèse, « puisse être
entendu par un fonctionnaire chargé de la surveillance du centre
de rétention », comme le prévoyait la circulaire.
Il faut donc qu'un agent de la préfecture se déplace au
centre de rétention pour procéder à l'audition.
On l'a vu, l'article 9 du décret énumère
les trois circonstances dans lesquelles le décret permet à
l'administration de recourir à la procédure d'urgence
pour examiner une demande d'asile territorial. Cette énumération
est limitative. La circulaire du 25 juin 1998 ajoutait un autre
cas, celui de l'étranger ayant sollicité, en plus de l'asile
territorial, le statut de réfugié et ayant fait l'objet,
dans le cadre de cette seconde demande, d'un refus de séjour
au motif qu'il est originaire d'un pays pour lequel ont été
mises en uvre les dispositions de l'article 1er C5 de
la Convention de Genève (c'est-à-dire dans lequel les
circonstances permettant de reconnaître les ressortissants comme
réfugiés ont disparu).
Le Conseil d'État considère cette extension abusive :
« Aucune disposition de l'article 9 du décret
du 23 juin 1998, qui énumère limitativement les cas
où le ministre de l'intérieur statue en urgence sur la
demande d'asile territorial, n'autorisait les auteurs de la circulaire
attaquée à y ajouter [ce cas supplémentaire
tiré de la Convention de Genève] », indique-t-il.
Les trois associations Amnesty International, France Terre
d'Asile et le Gisti, qui avaient saisi le Conseil d'État d'un
recours en annulation contre la circulaire du 25 juin 1998
ont demandé aux ministres concernés, étant donnée
l'importance de cet arrêt, d'abroger non pas seulement les passages
censurés, mais toute la circulaire, et d'en reprendre une
autre.
Elles leur ont également demandé de se donner les moyens
de faire connaître les conséquences de cet arrêt,
en publiant par exemple cette nouvelle circulaire au Journal Officiel.
Enfin, elles ont demandé au ministre de l'intérieur d'ordonner
le réexamen de toutes les demandes d'asile territorial susceptibles
d'avoir été rejetées sur la base des consignes
de la circulaire aujourd'hui déclarées illégales.
Quelle que soit la réponse du ministre à cette requête,
il faut d'ores et déjà saisir le ministre de l'intérieur
de demandes de réexamen des cas individuels à propos desquels
il a pris des décisions de rejet. À noter que, puisque
ces rejets ne sont pas motivés (art. 13 de la loi relative
à l'asile), rien ne permet a priori de savoir si le motif
du rejet n'est pas tiré d'une disposition illégale de
la circulaire. De ce fait, toutes les anciennes demandes d'asile territorial
rejetées pourraient en principe faire l'objet d'une nouvelle
instruction de leurs motivations.
Dernière mise à jour :
15-05-2001 22:31.
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