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Rapport « Immigration, emploi et chômage » du CERC

Deuxième partie
Les discriminations légales
sur le marché du travail

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Introduction

Les inégalités de droit entre nationaux et étrangers les plus connues et les plus admises sont celles relatives au droit de circulation et de séjour et celles relatives aux droits politiques. Mais ces inégalités ne doivent pas cacher d'autres inégalités importantes, quoique plus méconnues, dans la sphère des droits économiques et sociaux. Les textes contiennent de nombreuses discriminations en matière d'accès aux emplois et aux dispositifs de protection sociale [20]. La question de l'intégration des populations immigrées soulève la question de la légitimité de telles exclusions. Dans un communiqué du 21 octobre 1998 consacré à la politique dite d'intégration et plus particulièrement à la « mise en oeuvre du principe républicain d'égalité en luttant contre les discriminations », le Conseil des ministres aborde la question de l'accès aux emplois des étrangers et prévoit qu'« une analyse exhaustive des différentes professions dont l'exercice est juridiquement interdit aux étrangers sera réalisée par un groupe de travail interministériel afin d'envisager la suppression des discriminations qui ne sont plus justifiées ». La tâche de ce groupe de travail devrait être facilitée par les nombreux travaux qui existent déjà : les inégalités du droit en matière d'emploi ont fait l'objet d'examens exhaustifs à la fin des années quatre-vingt [21]. Ces examens n'ont pas pris une ride, puisque rien, ou presque, n'a changé depuis. Pourtant, le Conseil national des populations immigrées avait déjà remis en 1991 un rapport officiel comportant un état des lieux et des propositions de réforme. A ce jour, il est resté sans suite.

Avant d'aborder cette question, il convient toutefois de dire quelques mots également sur les discriminations illégales (cf. encadré 10), qui ne sont pas l'objet de cette étude bien qu'elles limitent aussi l'accès à l'emploi, mais qui doivent être bien distinguées des discriminations prévues par la loi [22]. Les discriminations illégales, notamment dans le domaine de l'emploi, ont pris ces dernières années une ampleur et une visibilité accrues. En dépit du développement de nombreux textes (encadré 10), il s'avère particulièrement difficile de lutter contre de telles discriminations [BIT, 1995 ; Bataille, 1997  HCI, 1998]. Les populations étrangères et immigrées, ou supposées telles du fait de leur apparence physique ou de leur nom, en sont les principales victimes, avec pour conséquence visible des difficultés d'insertion sur le marché du travail et un haut niveau de chômage. On constate un regain d'intérêt pour rechercher les moyens de combattre les discriminations basées sur la race ou l'origine ethnique supposée [23], comme en témoignent en particulier certaines initiatives syndicales émanant de la CFDT [24] et de la CGT [25], et plus récemment émanant d'une instance institutionnelle. En effet, les préoccupations récentes exprimées par le Haut Conseil à l'Intégration [HCI, 1998] et le programme annoncé par le Conseil des ministres du 21 octobre 1998 [26] érigent la lutte contre ces irrégularités en priorité des pouvoirs publics. Ces discriminations ne se limitent pas aux problèmes des embauches mais sont aussi réelles en matière de licenciements et dans le monde du travail (promotions, racisme au travail, brimades, etc.). Ce dernier point les distingue des discriminations légales qui portent presque exclusivement sur la question de l'accès à l'emploi, car, à notre connaissance, l'égalité de droit entre travailleurs nationaux et étrangers dans le monde du travail est désormais quasiment réalisée.

Si les discriminations légales et illégales recouvrent des réalités bien distinctes, elles sont loin d'être indépendantes comme nous le développerons en conclusion.

Encadré 10 - Le principe d'interdiction des discriminations sur le marché du travail

La non discrimination entre travailleurs, qu'elle découle de la nationalité, de la race, du sexe ou de l'appartenance syndicale est un principe général du droit [Lyon-Caen et al, 1996, n° 118]. Seule l'aptitude professionnelle peut être prise en compte pour traiter différemment les travailleurs. En matière de salaire et de conditions du travail, l'étranger jouit de l'égalité de traitement (art L. 122-45, L. 133-5-10 et R. 341-4-3 du Code du travail). La loi du 1er juillet 1972 contre le racisme et la xénophobie condamne les pratiques de discrimination à l'embauche. Les conventions de l'OIT n°97 et n°111 rejettent toute discrimination. La convention de l'OIT n° 111 adoptée le 28 juin 1958 et ratifiée par la France en mai 1982 pose que toute discrimination ethnique ou nationale ne peut justifier une sanction disciplinaire ou un licenciement, alors nuls de plein droit. Les lois Auroux ont introduit en 1982 dans le Code du travail une disposition explicite, complétée par d'autres lois ultérieures, interdisant toute discrimination en matière d'embauche, de sanctions ou de licenciement, en raison de l'origine, des moeurs, des opinions politiques, de l'appartenance ou de la non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées. (art. L.122-45 du Code du travail et 225 du Code pénal).

Toute convention de branche conclue au niveau national doit contenir, pour être étendue, des dispositions sur l'égalité de traitement entre les salariés français et étrangers (article L. 133-5-10 du Code du travail). Il en va de même pour le règlement intérieur (art. L. 122-35). L'article 225-2 du Code pénal punit de deux ans d'emprisonnement et/ou 200 000 francs d'amende les actes discriminatoires en matière d'offre d'emploi, de refus d'embauche ou de licenciement. Les articles 432-7 et 432-17 du Code pénal aggravent la sanction lorsque la discrimination est le fait d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de sécurité publique.

Dans un premier temps, nous repartons de la genèse sociale et historique des discriminations légales, autrement dit l'histoire des interdictions et des exclusions touchant les étrangers qui ont été mises en place par les pouvoirs publics, incités et soutenus par certains corps intermédiaires (chapitre III). Dans un second temps, nous établissons un état des lieux des emplois interdits aujourd'hui aux étrangers et nous tentons d'en évaluer l'ampleur ainsi que les conséquences sur la structure et la dynamique de l'emploi des étrangers (chapitre IV). [27]


Notes

[20] Nous n'aborderons pas la question des discriminations légales en matière de protection sociale frappant encore les étrangers résidant en France. Pour un examen exhaustif, se reporter au Guide de la protection sociale des étrangers en France, Syros (GISTI, 1997). Voir également Toullier (1997) et Gacon (1998). Pour une approche de ces discriminations au niveau des pays de l'Union européenne, voir Commission Européenne (1995).

[21] Essentiellement les travaux de Danièle Lochak (cf notamment Lochak, 1990, 1995e). Voir également Conseil national des populations immigrées (1991) et la revue Plein Droit n°7, 1989.

[22] Nous préférons utiliser les termes de discriminations légales et illégales à celles de discriminations formelles et informelles, distinction utilisée par Wrench (1998) et probablement traduite de l'anglais. Le terme de « légal » est plus explicite : il s'agit bien de discriminations non seulement permises mais imposées par les textes, lois ou règlements.

[23] Il semble que ce soit également le cas chez nos voisins. Par ailleurs, le nouvel article 13 du Traité d'Amsterdam pourrait conduire à des actions au niveau européen permettant de lutter contre les discriminations en matière d'emploi.

[24] La CFDT a mené conjointement avec une équipe de recherche du CADIS (EHESS/CNRS) une étude très importante sur le racisme dans l'entreprise. Elle a donné lieu à un ouvrage absolument incontournable sur la question (Bataille, 1997).

[25] La CGT a mené en 1998 une campagne contre le racisme et les discriminations et a réalisé à cette occasion une vidéo. La fédération des finances de la CGT, en collaboration avec les chercheurs de l'URMIS (CNRS) et de l'ISERES (CGT), a mené entre juillet 1997 et mars 1998 une étude sur « racisme et comportements professionnels aux Finances », ponctuée par deux séminaires de recherche.

[26] Voir également une circulaire du ministère de l'emploi (direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle du n°98-30) du 21 octobre 1998 et relative à la lutte contre les discriminations raciales sur le marché du travail.

[27] Ce panorama historique des discriminations légales à l'emploi des étrangers s'appuie essentiellement sur les ouvrages de G. Noiriel (1988), D. Lochak (1985), O. Milza (1988), P. Weil (1995), R. Schor (1996) et V. Viet (1996, 1998), et sur les articles de M.C. Laval-Reviglio (1996) et D. Lochak (1995a, 1995b, 1995d).

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Dernière mise à jour : 13-11-2000 16:44.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/presse/1999/cerc/partie-1.html


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