Circulaire
« Lang-Chevènement » du 12 mai 2000
Décision du Conseil d'État
du 14 décembre 2001
CONSEIL D'ÉTAT statuant au contentieux
N° 229229
GROUPE D'INFORMATION
ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS
et SYNDICAT SUD ÉTUDIANTS
Mlle Verot
Rapporteur
Mme Prada Bordenave
Commissaire du Gouvernement
Séance du 14 novembre 2001
Lecture du 14 décembre 2001
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'État statuant au contentieux
(Section du contentieux,
2ème et 1ère sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 2ème sous-section
de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2001 au
secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée
pour le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS (GISTI),
dont le siège est 3, villa Marcès à Paris
(75011) et le SYNDICAT SUD ÉTUDIANTS, dont le siège est 23,
rue de la Mare à Paris (75020) ; le GROUPE D'INFORMATION
ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS et le SYNDICAT SUD ÉTUDIANTS
demandent au Conseil d'État l'annulation pour excès de
pouvoir de la circulaire du 12 mai 2000 du ministre de l'éducation
nationale et du ministre de l'intérieur relative à l'amélioration
des conditions d'accueil des étudiants étrangers par la
mise en place de conventions relatives à la simplification des
demandes administratives conduisant à la délivrance d'un
titre de séjour portant la mention « étudiant » ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
-
le rapport de Mlle Verot, Auditeur,
-
les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du GROUPE
D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS et du SYNDICAT SUD
ÉTUDIANTS,
-
les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la circulaire attaquée, en date du 12 mai
2000, des ministres de l'éducation nationale et de l'intérieur,
prévoit les modalités selon lesquelles les préfets
et les présidents d'établissements universitaires peuvent,
par le biais de conventions dont le modèle est annexé
à la circulaire attaquée, organiser au sein des universités
le dépôt des demandes de titres de séjour par les
étrangers qui souhaitent poursuivre leurs études en France ;
que si la circulaire attaquée se borne à inciter à
la signature de telles conventions, elle fixe la procédure et
les formalités nécessaires en vertu desquelles le dépôt
et le traitement de ces demandes doivent être organisés ;
que de telles dispositions revêtent un caractère normatif ;
qu'ainsi, le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS
et le SYNDICAT SUD ÉTUDIANTS sont recevables à en contester
la légalité ;
Considérant que, par la circulaire attaquée, les ministres
de l'éducation nationale et de l'intérieur ont entendu
améliorer les conditions d'accueil des étudiants étrangers
en France, et simplifier les démarches administratives conduisant
à la délivrance d'un titre de séjour « étudiant » ;
que toutefois les modalités selon lesquelles une telle simplification
peut être réalisée sont soumises au respect des
prescriptions législatives ou réglementaires en vigueur
à la date de la circulaire, qui régissent l'octroi de
titres de séjour à des ressortissants étrangers ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret
du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions
d'entré et de séjour des étrangers en France :
« Tout étranger, âgé de plus de dix-huit
ans, est tenu de se présenter à Paris à la préfecture
de police et dans les autres départements à la préfecture
ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande
de carte de séjour du type correspondant à la catégorie
à laquelle il appartient. Toutefois, le préfet peut prescrire
que les demandes de cartes de séjour soient déposées
au commissariat de police ou, à défaut de commissariat,
à la mairie de la résidence du requérant » ;
Considérant que la circulaire attaquée prévoit
que le dépôt des dossiers de demande de carte de séjour
se fait au sein des établissements d'enseignement universitaire
pour les étudiants inscrits dans ces établissements, soit
auprès d'agents de préfecture accueillis dans l'établissement,
soit auprès de personnels de l'université, qui sont chargés
de vérifier que les dossiers ainsi déposés sont
complets et, dans ce cas, de les transmettre à la préfecture
en vue de leur examen ; que ces dispositions méconnaissent
les dispositions de l'article 3 du décret du 30 juin
1946 précitées, qui exigent que les étrangers se
présentent personnellement à la préfecture, à
la sous-préfecture ou, le cas échéant, au commissariat
ou à la mairie de leur lieu de résidence, afin d'y présenter
leur demande de carte de séjour ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret
du 30 juin 1946 susmentionné : « II est
délivré à tout étranger admis à souscrire
une demande de première délivrance ou de renouvellement
de carte de séjour un récépissé valant autorisation
de séjour, pour la durée qu'il précise, et revêtu
de la signature de l'agent compétent, ainsi que du timbre du
service administratif chargé, en vertu de l'article 3 du
présent décret, de l'instruction de la demande » ;
Considérant que la circulaire attaquée prévoit
que les agents chargés, au sein des établissements universitaires,
de recevoir les dossiers de demande de carte de séjour délivrent
aux intéressés une attestation de dépôt de
leur dossier, qui n'a pas la valeur d'une autorisation de séjour ;
qu'elle prévoit, en outre, que le dossier ayant été
transmis à la préfecture, celle-ci adresse aux intéressés
dans les plus brefs délais, dans le cas où leur demande
est satisfaite, une convocation afin que leur soit remis leur titre
de séjour ; que ces dispositions méconnaissent les
dispositions de l'article 4 du décret du 30 juin 1946
précitées, qui exigent qu'un récépissé
valant autorisation provisoire de séjour soit remis à
l'étranger au moment où celui-ci dépose sa demande
de titre de séjour ;
Considérant que ces dispositions ne sont pas séparables
des autres dispositions de la circulaire attaquée ; qu'ainsi,
le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS et le SYNDICAT
SUD ÉTUDIANTS sont fondés à demander l'annulation
de l'ensemble des dispositions de cette circulaire ;
DÉCIDE
Article 1er : la circulaire du 12 mai 2000 du
ministre de l'intérieur et du ministre de l'éducation
nationale est annulée.
Article 2 : la présente décision sera
notifiée au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS,
au SYNDICAT SUD ÉTUDIANTS, au ministre de l'intérieur
et au ministre de l'éducation nationale.
Dernière mise à jour :
29-01-2002 23:12
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