« Des
étrangers sans droits dans une France bananière »
Rapport de mission en Guyane et à Saint-Martin
SUR L'ÎLE DE SAINT-MARTIN
« La femme gendarme m'a
dit
qu'ils avaient le droit
de détruire les cases »
CÉLINE ROBERT,
UNE FRANÇAISE DE COLOMBIER
« J'habite à Colombier, en sortant de Marigot
vers Grand-Case. La maison est partagée en quatre : j'habite
seule ; à côté, il y a un autre Français;
de l'autre côté, un Guadeloupéen et deux Haïtiens
avec une fille. À côté, il y a trois autres cases,
non détruites par le cyclone.
» Début novembre, les Haïtiens m'ont dit qu'il
va falloir que je déménage, car les gendarmes étaient
venus et leur ont demandé de partir, car ils allaient démolir
les cases. Je me suis étonnée, j'ai trouvé ça
pas normal. Je suis allée prendre des informations pour savoir
quels étaient mes droits.
» Trois jours après, les gendarmes sont arrivés,
très étonnés qu'on soit encore là. Deux
gendarmes une femme et un homme, et un monsieur en civil
qui n'a pas tout de suite voulu me dire son identité (après,
on a appris qu'il faisait parti de la SEMSAMAR). C'était M. Malaki
ou Molaki. Je leur ai demandé une décision de justice.
La femme gendarme m'a répondu qu'il n'y avait pas de décision
de justice, qu'il y avait un arrêté préfectoral
et qu'ils avaient le droit de détruire les cases qui n'étaient
pas construites dans les normes. Ils n'ont pas montré l'arrêté,
ils ont dit : " Dans trois jours, on revient pour démolir
la case ". Je leur ai dit : " Qu'est-ce que je vais faire, je suis
sans emploi, je vais me retrouver à la rue, j'ai même pas
le temps de rechercher un logement nul part. C'est pas normal
» Ils sont partis. Je suis allée me renseigner
au sujet de l'arrêté préfectoral et j'ai vu qu'il
ne parlait pas de destruction, mais uniquement d'empêcher la reconstruction
des cases. Je suis allée à la SEMSAMAR me renseigner qui
était ce monsieur, de quel droit il me demandait de partir. La
discussion s'est mal finie. Il nous a demandé de prendre la direction
de la porte, mais il était un peu gêné. C'était
le même monsieur qui était monté.
» Ensuite, je suis allée à la mairie, au
service de l'urbanisme. je suis tombée sur une dame qui m'a dit
qu'elle ne pouvait rien faire pour moi, que c'était normal qu'ils
cassent les cases.
» De là, je suis allée à la gendarmerie
et j'ai demandé une décision de justice. Ils m'ont dit
qu'ils l'avaient pas. Je leur ai dit que l'arrêté préfectoral
n'était pas valable puisqu'il ne parlait pas de la destruction.
On est resté un moment à parler et on a demandé
qu'ils nous accordent un délai. On a demandé le maximum.
Il est parti dans un autre bureau et est revenu avec un papier tapé
à la machine.
» Le papier disait : "Mlle Robert Céline et
M. Péra Jean-Michel (le voisin) acceptent de plein gré
la destruction de la case. "C'était tamponné et signé.
En bas, c'était marqué qu'ils nous laissaient un délai
de 15 jours si on acceptait la démolition. J'ai refusé
de signer.
» Ils ont que c'était une décision du maire,
qu'ils ne pouvaient rien faire, qu'ils faisaient que leur travail. Le
gendarme était un peu fâché, il m'a dit : "
Faites ce que vous voulez, sortez d'ici."
» Je suis retournée chez moi les attendre, j'ai
passé une semaine à les attendre. Après, j'ai su
qu'ils avaient décidé d'arrêter, qu'ils avaient
été accusés de démolition illégale.
Le jour où ils m'ont demandé de partir, une équipe
d'une dizaine d'hommes est venue casser les cases autour. Ma case est
la seule qui reste.
» Qui a fait ça ? Je pense que c'est des Saint-Martinois,
employés par la mairie. D'après ce que j'ai entendu dire,
ils étaient employés en CES (contrats emploi-solidarité)
par la mairie.
» Avant le cyclone, je travaillais depuis six mois comme
peintre en céramique dans un atelier, non déclarée.
J'ai cherché un travail déclaré, mais c'est pas
évident ».
LE VOISIN (GUADELOUPÉEN)
» Le propriétaire du terrain m'a
dit : "Tu habites là haut, tu savais pas que tu dois laisser
la case, car on doit venir la casser ?". J'ai demandé :
"Quand on est venu me le dire ?". Il a dit qu'à RCI (c'est
une radio), on avait passé des annonces.
» Il m'a dit : " Je te laisse un mois pour quitter ta
case...". Il est jamais revenu.
CÉLINE ROBERT
« Dix jours après la destruction
des maisons, ils sont venus brûler le reste des maisons. C'était
des CES, on a discuté avec les personnes ».
LE VOISIN
« Ils voulaient m'emmener dans les tentes
(à Concordia). J'ai dit : " Vous, vous dormez chez
vous. Et vous voulez me casser ma case ? ».
Dernière mise à jour :
25-01-2001 15:01.
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