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Plein Droit
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« Des
étrangers sans droits dans une France bananière » SUR L'ÎLE DE SAINT-MARTIN Entretien avec Antoine Pichon, sous-préfetSOUS-PRÉFECTURE DE SAINT-MARTIN, 9 décembre 1995 Après avoir rappelé, carte à l'appui, que l'île de Saint-Martin est divisée en deux parties l'une sous tutelle hollandaise, l'autre française qui dépend de la Guadeloupe à la suite du traité du Mont-Concorde en 1648, M. Antoine Pichon, sous-préfet, rappelle que, la partie hollandaise étant dotée d'un gouvernement autonome, les règles de circulation en vigueur au sein de l'Union européenne, de même que les accords de Schengen ne s'appliquent pas entre les deux parties. De ce fait aussi, le droit du travail et les charges et prestations sociales à St Maarten (partie hollandaise) sont différents de ceux qui s'appliquent en Europe et, en principe, à Saint-Martin (partie française). D'où un certain nombre de difficultés concurrentielles au détriment des entreprises françaises. Pour parvenir à un contrôle commun des flux d'étrangers sur l'ensemble de l'île, la France et les Pays-Bas ont négocié un accord [1] que le Parlement français a ratifié le 25 juillet 1995. Selon le sous-préfet de Saint-Martin, les Pays-Bas ne pourront rapidement ratifier à leur tour ce texte actuellement en cours d'examen devant le Parlement de la Fédération des Antilles néerlandaises qui siège à Curaçao, lequel semble vouloir y apporter des modifications. Les élus de La Haye s'en empareront ensuite. Il est donc probable que, au terme de cette double ratification, la France devra elle-même revoir la nouvelle mouture du traité quand elle sera disponible. C'est-à-dire dans un certain temps. Autant dire qu'il n'y aura pas de politique commune des deux parties de l'île sur les flux migratoires et le séjour des étrangers avant longtemps. A tort ou à raison, Antoine Pichon estime que les autorités de la partie hollandaise « ont intérêt à faire venir le maximum d'étrangers ». Il juge leur police « achetable » et évalue à 700 dollars le prix moyen d'une admission irrégulière sur le territoire, qui permet ensuite de glisser éventuellement en zone française, puisqu'il n'existe pas de frontière autre que juridique. Il note que le seul aéroport international de l'île Juliana et le principal port Pointe-Blanche sont tous deux situés en zone néerlandaise. Pour illustrer son avis, notre interlocuteur évoque, par exemple, l'éloignement récent vers Pékin de huit Chinois entrés frauduleusement par Pointe-Blanche. De façon générale, le nombre annuel d'éloignements exécutés depuis la seule zone française s'élève à 600 personnes par la CILEC et à 150 par la gendarmerie. Selon le sous-préfet, les « stocks » d'irréguliers s'épuiseraient. On tournerait actuellement à une douzaine d'exécutions d'APRF chaque semaine. Les reconduites s'effectueraient depuis l'aéroport régional de Grand-Case situé dans la partie française de l'île. On y chargerait l'avion-charter chaque semaine, les mardis et jeudis. Le sous-préfet précise que, par vent défavorable, la piste est trop courte pour que l'appareil de 9 places décolle avec passagers et bagages. Dans ces conditions, le fret serait acheminé par route vers l'aéroport international de Juliana (zone hollandaise). L'avion et ses passagers feraient un « saut de puce » de Grand-Case à Juliana, où il embarquerait le fret avant de décoller pour Haïti et/ou la République dominicaine. A notre interrogation sur les reconduites à la frontière de mineurs (il y a eu trois enfants tués dans l'accident d'avion du 7 décembre transportant 16 Haïtiens reconduits depuis la Guyane et la Guadeloupe), le sous-préfet répond qu'il renonce à l'exécution de la mesure quand la famille s'oppose au rapatriement de l'ensemble de ses membres. Pour mener à bien la lutte contre l'immigration clandestine, la préfecture dispose des effectifs de la CILEC, d'un peloton fixe de gendarmerie auquel s'en ajoute un autre pendant la saison touristique. La police municipale de Marigot intervient également. Si l'État dispose donc d'un contingent non négligeable de forces de l'ordre, il ne bénéficie d'aucune antenne de la direction départementale du travail et de l'emploi (DDTE) qui se trouve en Guadeloupe. Quant à l'hôpital, seul établissement public de toute l'île en matière de santé, il souffre d'un déficit de 14 millions de francs par an. A la maternité, 82 % des accouchements concernent des étrangères. Cette insuffisance des structures administratives entraîne notamment une instruction de longue durée des demandes des étrangers. La sous-préfecture pratique donc la politique des récépissés. Quand arrive l'heure de la délivrance d'une autorisation de séjour temporaire (1 an), l'autorisation de travail est prévue pour deux ans de façon à compenser les insuffisances de la préfecture. Les dossiers de regroupements familiaux sont instruits en Guadeloupe. Pour se plier à l'exigence de leur absence du territoire français (art. 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 révisée), les membres de famille à regrouper gagneraient fréquemment la zone hollandaise de l'île.
À St Maarten (côté hollandais),
on compterait
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