« Des
étrangers sans droits dans une France bananière »
Rapport de mission en Guyane et à Saint-Martin
SUR L'ÎLE DE SAINT-MARTIN
Impossible de faire respecter
le droit du travail
Entretien avec Toussaint Jonas,
vice-président
de l'Association des Haïtiens immigrés de Saint-Martin
« Les Haïtiens sont environ 5 000 à
Saint-Martin. Depuis un an, les gendarmes procèdent à
des reconduites systématiques à la frontière :
soixante par mois au moins en 1994, beaucoup plus aujourd'hui. La majorité
des Haïtiens a des papiers. Une partie, après régularisation
de 1993, quitte Saint Martin pour la Guadeloupe ou les États-Unis.
» Depuis le rapatriement "volontaire" de 506 personnes,
les gendarmes ont accru leurs contrôles et procèdent toutes
les semaines à des rafles. Avant le cyclone, les policiers rentraient
dans les maisons en cassant les portes. Depuis Luis, nous subissons
de nombreuses rafles : 57 personnes ont été
interpellées sur une seule rafle à Saint James. Parmi
elles, 26 ont été reconduites à la frontière.
Les autres avaient un dossier en préfecture. L'association a
réagi auprès du préfet afin de négocier
les conditions du retour des Haïtiens.
» Pour la scolarisation des enfants, la discrimination
provient surtout de la municipalité qui refuse l'inscription
des Haïtiens en invoquant des problèmes de locaux. La priorité
est donnée aux Saint-Martinois. L'inscription se fait par relations,
sinon les enfants se trouvent sur une liste d'attente. Aucun refus ne
nous est jamais notifié par écrit. Ceux qui sont expliqués
le sont avec des motifs erronés, par exemple l'exigence d'un
visa ou d'une procédure de regroupement familial, ce qui fait
perdre à l'enfant des années, que la famille soit en situation
régulière ou non. Mais la situation tend à s'améliorer.
» La délivrance d'une carte de séjour
suppose des démarches très longues. L'attente dure au
moins neuf mois avant que DDTE (la direction du travail) de Guadeloupe
délivre une autorisation. L'accueil est inadmissible. Nous devons
dormir devant la sous-préfecture pour passer au guichet le matin.
L'association a obtenu la mise en place d'un système de rendez-vous,
mais l'examen du renouvellement est devenu tellement long que les demandeurs
voient leur carte périmer avant que la procédure de renouvellement
ait abouti.
» Et puis, il y a le travail. C'est impossible de faire
respecter le droit du travail en Guadeloupe. Il n'y a pas de conseil
de Prud'hommes, il faut aller à Basse-Terre (le voyage coûte
1100 F et l'indemnisation pour le justiciable n'est pas prévue
par la loi). Il n' y a pas de syndicat à Saint-Martin alors
que le salarié paie souvent le droit de travailler. L'Haïtien
est souvent obligé de payer ses cotisations auprès d'un
employeur (fictif) qui accepte contre de l'argent de le déclarer.
S'il n'accepte pas, sa carte de séjour ne pourra pas être
renouvelée car il n'aura pas de travail déclaré.
Le SMIC n'est jamais respecté.
» Les reconduites à la frontière des Haïtiens,
c'est le mardi et le vendredi . Ils peuvent rester plusieurs jours sans
rien avoir à manger dans une cellule de la DIRCILEC, sauf si
les familles les aident. Ils ne bénéficient d'aucun recours
et le papier de l'arrêté de reconduite ne leur est jamais
donné ».
Dernière mise à jour :
21-12-2000 19:21.
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/publications/1996/bananier/saint-martin/toussaint.html
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