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« Des étrangers sans droits dans une France bananière »
Rapport de mission en Guyane et à Saint-Martin

EN GUYANE

Rapport de gendarmerie mensonger

TÉMOIGNAGE DE GUYANE

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« Les gendarmes sont venus le 25 octobre vers 7H30 du matin. J'avais ouvert la porte. Parce que, quand les gendarmes viennent, si tu n'ouvres pas la porte tout de suite, ils la cassent avec des pieds-de-biche. Moi, je l'ai ouverte. Ils ont dit comme ça que, puisqu'ils ont vu deux personnes chez moi, que je recevais des immigrés chez moi. J'ai dit que non.

— Le gendarme a vu deux personnes qui rentraient chez vous ?

« Oui, ils ont vu quelqu'un qui rentrait chez moi. « Monsieur K. », il m'a dit, parce que j'avais déjà identifié ma carte de séjour. Il a dit « Qu'est-ce qu'ils font là ? ». J'ai dit « Je ne sais pas ». Parce que je suis seul avec ma fille. Après, les autres, je ne sais pas. C'étaient des Brésiliens. Les gendarmes, ils ont dit que c'étaient des Haïtiens. Et ils ont dit quatre. « Mais non, j'ai dit, c'est deux Brésiliens ».

— Ils étaient où, les Brésiliens ?

« Ils habitent ici, dans le village. Ils étaient monté sur le toit de ma maison. Parce que, quand les gendarmes ont ouvert la porte de leur maison, ils courent parce qu'ils n'ont pas de papiers. Ils ont peur. Après, les gendarmes m'appellent ; ils appellent ma fille. Ils l'ont menottée. Et moi aussi. Ma fille, elle est malade. On l'a traitée. Elle a fait un mois à l'hôpital. J'ai demandé qu'on lui enlève les menottes. Ils ont dit non, qu'ils n'ont pas la clef. Ma fille, elle a vingt-cinq ans.

» Après, à la gendarmerie, on m'a posé des questions. « Comment il y avait les gens chez vous ? ». J'ai dit « Je ne sais pas ». Après, il a fait des dossiers. Il a dit « Signez ». J'ai dit « Je ne veux pas signer, parce que je ne sais pas pourquoi les gens étaient chez moi ». Il a dit « Si tu veux pas signer, ça va aller très mal pour toi ». Il a commencé à mettre la main comme ça (il claque son crâne avec sa main). Comme j'étais déjà menotté, j'ai signé. Après, il casse mon armoire ».

— Ils ont arrêté les Brésiliens ?

« Oui, ils ont attrapé les Brésiliens. Ils les renvoient chez eux ».

— Après, que s'est-il passé ?

« Ils ont renvoyé ma fille en Haïti. Elle n'avait pas les papiers. Tout de suite. Ils l'ont emmenée à la gendarmerie. Elle dort à la gendarmerie le mercredi 25 (octobre 1995). Le jeudi 26, ils l'envoient en Haïti. J'avais montré le papier du docteur aux gendarmes : ils savaient qu'elle était malade. Surtout que c'était une maladie grave, la maladie de la tuberculose. Maintenant, j'ai des nouvelles. C'est pas tellement bien pour la santé. Avec l'hôpital ça avait commencé à aller mieux. Elle se soigne moins bien là-bas à cause du manque d'argent ».

— Et à vous, qu'est-ce qui vous est arrivé ?

« J'ai attendu jusqu'à aujourd'hui où je suis passé au tribunal. Le juge m'a posé des questions. Il m'a dit « Monsieur K., est-ce que tu connais le nom des Haïtiens qui sont montés sur votre toit ? ». Parce que les gendarmes avaient écrit que c'étaient des Haïtiens, alors que c'étaient des Brésiliens. J'ai dit « Non, c'est pas des Haïtiens, c'est des Brésiliens ». J'ai bien expliqué que les gens couraient, que ceux-là rentrent chez moi.

» Après, l'avocat prend la parole. Il a discuté pour moi. Après, le juge m'a dit d'aller m'asseoir. Après il m'a appelé. Il m'a dit « Monsieur K., le jugement c'est annulé » [1].

— Qu'est-ce que vous pensez de tout ça, des portes cassées, des menottes, du faux rapport des gendarmes ?

« Je ne sais pas si c'est le président français qui donne le droit d'entrer chez nous, de faire tout ça. Je ne sais pas pourquoi les gendarmes entrent chez nous, cassent la porte, cassent les plafonds, tout ça. Pourquoi ils m'ont cassé l'armoire ? J'avais tout acheté en mai 1995, et ils la cassent. J'habite à Suzini depuis 1982. Les gendarmes ont commencé à casser les portes ici depuis 1993. Même si vous avez les papiers et que vous ne les présentez pas tout de suite, ils cassent la porte. Ils disent « Vous avez les papiers, Monsieur ? », et ils cassent la porte.

» Quand les gendarmes ont commencé à casser les portes, les gens qui n'ont pas la carte de séjour, ils sont partis en Haïti. Il y en a qui sont partis volontairement ; ils sont allés chez le consul demander à partir. Mais 90 % de ceux qui partent, ce sont les gendarmes qui les renvoient. De force. Ici, sûrement, c'est la moitié des habitants qui est partie ».

— Ils sont partis au Surinam ou en Haïti ?

« En Haïti. C'est des avions pour Haïti ».

— Est-ce qu'il reste des gens sans papiers ici ?

« Pas beaucoup ».

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[1] M. K., en France depuis 1980 — sa fille depuis 1993 — avait obtenu sa carte de séjour temporaire en 1992, après avoir eu des récépissé dès 1986. Il est charpentier.
Le juge l'a relaxé en dépit d'un procès verbal mensonger de la gendarmerie qui prétendait qu'il avait volontairement caché quatre — et non deux — ressortissants haïtiens comme lui, alors qu'il s'agissait de Brésiliens. La gendarmerie le savait d'autant mieux que les Brésiliens en question ont été reconduits au Brésil.

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Dernière mise à jour : 8-01-2001 18:26.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/publications/1996/bananier/guyane/rapport.html


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