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Plein Droit
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« Des
étrangers sans droits dans une France bananière » EN GUYANE Entretien avec Pierre-André Durand, directeur de cabinet du préfet et Gérard Vazère, directeur de la réglementationAprès avoir observé que la Guyane comptait 80 000 Français et 70 000 étrangers, dont 40 000 réguliers, le directeur de cabinet du préfet rappelle que la préfecture de Cayenne a exécuté 12 000 reconduites à la frontière en 1994 (auxquelles s'ajoutent environ 400 retours volontaires de Haïtiens en liaison avec le consulat local d'Haïti) et entre 3 000 et 4 000 refus d'admission. Pour l'essentiel, les reconduites s'effectuent par avion vers les pays d'origine. Mais quelque 2 000 Brésiliens ont été éloignés par la route, ainsi que 6 000 ressortissants du Surinam (notre interlocuteur n'évoque pas le cas des Haïtiens renvoyés au Surinam par lequel ils sont entrés en Guyane). De l'ordre de 90 % des reconduites seraient exécutées dans les 72 heures après interpellation, soit deux fois 24 heures de garde à vue et moins de 24 heures de rétention. Cette stratégie explique que le recours aux juges du TGI « soit marginal » pour prolonger les rétentions. S'agissant du traitement des mineurs à l'occasion des reconduites, la doctrine de la préfecture veut qu'on ne laisse pas des enfants seuls. D'où leur éloignement en compagnie de leurs parents. Notre interlocuteur admet qu'il peut y avoir là un problème de droit, mais il objecte qu'« on est avec le tiers-monde aux portes » (voir aussi notre note sur le centre de rétention de Rochambeau). Les Chinois sont la nouvelle cible de l'administration qui vise particulièrement ceux d'entre eux qui sont arrivés dans les dix dernières années et ne se fondent pas dans la communauté des « Chinois créoles », d'installation beaucoup plus ancienne. La préfecture fait ici donner tous les moyens : police, inspection du travail, inspection des impôts. Un groupe de Chinois a été reconduit à Pékin via Paris récemment. Ce n'est, semble-t-il, qu'un début. Il n'y aurait pas, sauf exceptions rares, de difficultés pour établir la nationalité des reconduits, ni pour obtenir des sauf-conduits de la part des autorités des pays de destination, sauf parfois avec les Chinois. Selon notre interlocuteur, il y a consensus au sein de la société civile sur cette politique d'éloignement qui touche annuellement presque 10 % de la population. Il explique à la fois le phénomène et sa popularité par l'explosion démographique la commune de Maturi, où se trouve l'aéroport de Rochambeau, est passée de 500 habitants en 1985 à 15 000 aujourd'hui (NDLR : oui, mais il y a l'aéroport) et par les exigences qui lui sont liées en matière d'équipement à Saint-Laurent-du-Maroni, on aurait ouvert 21 nouvelles classes à la rentrée dernière dans l'enseignement primaire. La fermeté dans la lutte contre l'immigration tient aussi au
fait que la Guyane est le seul département français à
avoir des frontières terrestres avec des États du tiers-monde
(Brésil et Surinam, notamment). Avec ces deux pays, il admet
que les éloignements ressemblent souvent à des « reconduites
en boucle », c'est-à-dire qu'ils se soldent souvent
par des retours immédiats en Guyane de la part de ceux qui ont
été rapatriés ou refoulés. Dispositif de lutteLe dispositif anti-immigration monte en puissance depuis 1990. Il compte les forces de la DICILEC (Direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi clandestin), les effectifs de la gendarmerie (300 territoriaux et trois escadrons de 90 mobiles de métropole en place pour trois mois), ainsi que les polices municipales (surtout à Cayenne). Depuis 1993 ou 1994, l'armée renforce ce dispositif dans le cadre des plans « Alizé bis », qui mobilise le 9ème RIMA (infanterie de marine), et « Galerne », qui implique la Légion étrangère. Les militaires patrouillent à bord de pirogues sur les fleuves, en particulier sur le Maroni , avec un gendarme à bord (mais il nous a semblé voir des pirogues sur le Maroni sans le moindre gendarme, NDLR). Cette mobilisation porterait ses fruits, surtout sur la frontière avec le Brésil où, en 1994, on n'aurait procédé qu'à 2 000 reconduites contre 4 000 en 1993. La préfecture admet que le fléchissement de l'activité économique n'est pas pour rien dans l'affaiblissement des flux.La Guyane connaît en permanence des opérations de police visant à interpeller des étrangers en situation irrégulière. Pour les actions d'ampleur, il s'agit, selon le représentant de la préfecture, d'opérations combinées de la CILEC (Contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi clandestin) avec la gendarmerie ou de la police municipale avec la gendarmerie, sur réquisition du procureur de la République. Les relations entre la préfecture, la justice et l'armée seraient excellentes. Les contrôles de routine relèvent, quant à eux, de la police administrative. D'ampleur plus modeste, ils se déroulent de nuit comme de jour. La CILEC est composée de « policiers créoles motivés ». La gendarmerie départementale ferait preuve de sagesse. C'est du côté de la gendarmerie mobile, dont les effectifs sont de passage, qu'il peut y avoir des problèmes de violences et de contrôles musclés. A cette lutte frontale contre les étrangers s'ajouterait un début de répression contre le travail clandestin, notamment dans les secteurs du BTP et de l'orpaillage. Respect du droit
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