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Rapport « Immigration, emploi et chômage » du CERC Chapitre I
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Années |
Travailleurs permanents |
Regroupement familial (1) |
Conjoints de Français (2) |
---|---|---|---|
1973 |
132 055 |
- |
- |
1986 |
9 867 |
- |
- |
1990 |
22 393 |
36 949 |
15 254 |
1991 |
25 607 |
35 625 |
18 763 |
1992 |
42 255 (3) |
32 665 |
19 045 |
1993 |
24 381 |
32 421 |
20 062 |
1994 |
18 349 |
20 646 |
13 145 |
1995 |
13 106 |
14 360 |
13 387 |
1996 |
11 450 |
13 889 |
11 635 |
1997(4) |
11 004 |
15 535 |
11 099 |
(suite du tableau)
Réfugiés |
Actifs non salariés |
Autres motifs |
Total |
---|---|---|---|
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
13 486 |
1 439 |
7 476 |
96 997 |
15 467 |
1 442 |
5 579 |
102 483 |
10 819 |
1 282 |
5 156 |
111 222 |
9 914 |
1 778 |
5 542 |
94 098 |
7 025 |
1 204 |
3 733 |
64 102 |
4 742 |
956 |
3 836 |
50 387 |
4 344 |
486 |
4 884 |
46 688 |
4 112 |
655 |
23 445 |
65 750 |
(1)Hors Communauté européenne
(2)Les mineurs éventuellement introduits avec eux ne sont pas comptabilisés.
(3)Dont la régularisation d'environ 16 000 travailleurs portugais et espagnols, devenus bénéficiaires à cette date de la libre circulation en tant que ressortissants de l'Union Européenne.
(4)Dans les chiffres de 1997, la colonne « autres motifs » a été gonflée par l'opération de réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en situation irrégulière suite à la circulaire du 24 juin 1997. Ils sont près de 19 000 à avoir été comptabilisés dans les chiffres de 1997, ce qui correspond au nombre de personnes régularisées passées par la visite médicale de l'OMI en 1997.
Sources : OMI-OFPRA
« L'augmentation des femmes dans la population active introduite et régularisée touche toutes les nationalités avec une part importante de Maghrébines, Turques et Portugaises. Les jeunes femmes étrangères arrivées par l'intermédiaire du regroupement familial viennent donc s'ajouter à celles déjà installées en France depuis longtemps et cherchent de plus en plus à entrer sur le marché du travail » [Viprey, 1998, p. 44].
On constate une évolution rapide des taux d'activité des étrangères, qui se rapprochent de ceux des Françaises. En 1973, les Portugaises n'étaient que 30, 7% à travailler, elles sont 64,4 % en 1995. De même, le taux d'activité des Maghrébines a quadruplé en vingt ans, passant de 8,4 % à 36,6 %, dépassant notamment celui des Italiennes [Mucchielli, 1997].
Parallèlement, la composition par origine nationale de la population active étrangère s'est quelque peu modifiée, notamment du fait de la part croissante d'étrangers non ressortissants de l'Union européenne. Les Portugais demeurent les actifs les plus nombreux, mais leur part dans la population active étrangère baisse (Tableau 4). La part des Algériens est plutôt stable et celle des Marocains est en augmentation.
Tableau 3 - Évolution de la place des femmes dans la population étrangère et active étrangère (en %)
Années |
Part des femmes dans la population étrangère |
Part des femmes dans la population active étrangère |
---|---|---|
1962 |
38,2 |
15,2 |
1968 |
39,3 |
16,5 |
1975 |
40,1 |
18,8 |
1982 |
42,8 |
23,7 |
1990 |
44,9 |
30,3 |
Source : Insee, Recensements de la population
Tableau 4 - Répartition de la population active étrangère
selon la nationalité en 1990 et en 1998 (en %)
Nationalité |
1990 |
1998 |
---|---|---|
Espagnols |
7,0 |
5,6 |
Italiens |
6,3 |
4,6 |
Portugais |
27,7 |
19,9 |
Total Union européenne |
46,3 |
36,3 |
Algériens |
16,0 |
15,2 |
Marocains |
10,9 |
14,5 |
Tunisiens |
4,8 |
5,3 |
Afrique noire |
4,1 |
7,7 |
Turcs |
3,5 |
5,0 |
Total hors CEE |
53,7 |
63,7 |
Total |
100,0 |
100,0 |
Source : Insee, Enquêtes sur l'emploi
Historiquement, la main d'oeuvre étrangère a longtemps été concentrée dans les secteurs les moins attractifs pour les nationaux. Ces secteurs, employant massivement de la main-d'oeuvre ouvrière peu qualifiée, ont pendant longtemps recruté beaucoup d'étrangers, en particulier dans le bâtiment et les travaux publics, les mines, l'automobile, le textile. Dans certains secteurs du tertiaire, les ouvriers non qualifiés sont aussi depuis longtemps en priorité des étrangers : on connaît les figures traditionnelles de l'éboueur ou du laveur de carreaux immigrés. Dans l'agriculture, aussi : « En 1982, ils (les étrangers) sont par exemple, 18 % des ouvriers agricoles alors qu'ils ne représentent que moins de 1 % des exploitants agricoles » [Taïeb, 1998, p. 159]. Cette concentration tant sectorielle que professionnelle est aussi le résultat d'importantes discriminations légales dans certaines professions relativement prisées : fonctionnaires, professions judiciaires et médicales etc. (cf. infra, 2ème partie).
Tableau 5 - Répartition de la population active étrangère ayant un emploi par nationalité selon l'activité économique en 1990 (en %)
Part de chaque activité économique par nationalité |
Union européenne |
dont : |
||
---|---|---|---|---|
Espagnols |
Italiens |
Portugais |
||
Agriculture |
3,3 |
6,1 |
2,2 |
2,6 |
Industrie |
24,3 |
24,4 |
28,4 |
24,1 |
Bâtiment |
24,7 |
19,5 |
27,1 |
29,9 |
Services |
47,7 |
50,1 |
42,3 |
43,5 |
Total |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
Effectifs en milliers |
605 |
84 |
90 |
352 |
(suite du tableau)
Maghrébins |
Ensemble étrangers |
Ensemble population active occupée |
---|---|---|
4,7 |
3,4 |
5,6 |
27,1 |
26,2 |
22,7 |
21,2 |
20,6 |
7,4 |
47 |
49,8 |
64,3 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
413 |
1 304 |
22 233 |
Source : Insee, Recensement de la population 1990
Ainsi, en 1990, toutes nationalités confondues, 57 % des étrangers sont ouvriers, 21 % sont employés et 22 % cadres et indépendants. La structure de la population active étrangère demeure caractérisée par la très forte proportion d'ouvriers et on retrouve là un résultat classique de la sociologie de l'immigration [Tripier, 1990]. En général, pour une communauté donnée, le monde ouvrier est massivement investi au début de la vague migratoire puis l'ancienneté du séjour entraîne souvent une diversification sociale progressive.
Tableau 6 - Répartition des actifs par catégorie socioprofessionnelle selon la nationalité en 1990 (en %)
Catégorie Socioprofessionnelle |
Français |
Union européenne |
---|---|---|
Agriculteurs exploitants |
4,3 |
0,9 |
Artisans, commerçants, chefs d'entreprise |
7,4 |
6,9 |
Cadres et professions intellectuelles supérieures |
11,1 |
5,9 |
Professions intermédiaires |
19,6 |
8,9 |
Employés dont services directs aux particuliers |
28,2 4,5 |
21,1 11,5 |
Ouvriers Ouvriers qualifiés Ouvriers non qualifiés Ouvriers agricoles |
28,5 16,4 11,1 1,0 |
55,3 27,8 25,2 2,3 |
Chômeurs n'ayant jamais travaillé |
1,0 |
0,9 |
Ensemble |
100,0 |
100,0 |
Effectifs en milliers |
23 667 |
678 |
(suite du tableau)
dont |
Maghrébins |
Autres nationalités |
||
---|---|---|---|---|
Espagnols |
Italiens |
Portugais |
||
1,1 |
1,3 |
0,2 |
0,1 |
0,4 |
6,5 |
12,9 |
4,7 |
5,2 |
5,9 |
4,0 |
6,1 |
0,9 |
2,6 |
10,3 |
9,2 |
12,6 |
4,8 |
5,5 |
9,2 |
24,9 14,8 |
15 6 |
22,3 13,6 |
15,8 6,3 |
18,9 7,8 |
53,4 28,0 20,5 5,0 |
51,2 31,9 18,4 0,9 |
66 31,1 32,6 2,3 |
66,5 28,2 34,2 4,1 |
49,9 20,0 28,8 1,1 |
0,9 |
0,9 |
1,0 |
4,2 |
5,4 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
96 |
103 |
392 |
562 |
380 |
Source : Insee, Recensement de la population 1990
Les secteurs où est concentrée, au milieu des années soixante-dix, la main d'oeuvre étrangère, sont aussi les plus touchés par la crise. Les restructurations affectent en premier lieu les salariés étrangers, qui sont donc à la fois concentrés dans les secteurs en crise et dans les emplois les moins qualifiés.
La figure historique d'une population étrangère surtout masculine et industrielle, recule dès les années quatre-vingt au profit d'une tendance à la tertiairisation et à la féminisation. En 1990, « le nombre d'actifs étrangers dans les services marchands dépasse celui de l'industrie alors que moins de dix ans auparavant la différence était inverse. Le tertiaire assure l'emploi de la moitié de la population étrangère contre moins d'un tiers en 1975... En 15 ans (1975-1990), les secteurs du commerce, des services marchands, des transports et télécommunication ont ainsi accru de 24 % à 50 % leurs effectifs étrangers » [Viprey, p. 41].
Cette évolution accompagne la féminisation de la population active étrangère, mais aussi la déformation de la répartition par origine nationale : « Les vagues d'immigration plus récentes (que les Portugais ou les Algériens) sont issues de pays d'Asie du Sud-Est et d'Afrique noire, encore très ruraux et faiblement industrialisés. Seuls 16 % des ressortissants d'Afrique noire ont un père ouvrier (contre 36 % des Français, 52 % des Algériens, et 58 % des Portugais). Moins proches du monde ouvrier, les Noirs africains travaillent beaucoup moins dans l'industrie et le bâtiment que les Portugais ou les Maghrébins. Ils se concentrent plutôt dans les services marchands : nettoyeurs, serveurs, agents de service. » [Maurin, 1991].
La tertiairisation des emplois signifie également une précarisation des situations professionnelles, en particulier dans les petites entreprises du commerce et des services qui sont dans des positions concurrentielles difficiles. « Dans les secteurs où subsistent un grand nombre de petites entreprises sur des marchés où la concurrence est forte, l'emploi étranger moins payé et plus flexible est un avantage pour les employeurs. La tertiairisation est encore plus sensible chez les jeunes et les femmes ; cependant, ce tertiaire est plus instable et moins qualifié que le tertiaire occupé par les Français » [Taïeb, 1998, p. 164].
Encadré 2 - Précarisation du séjour et emploi irrégulier |
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La part de l'emploi des étrangers en situation de séjour irrégulier est relativement faible dans l'ensemble de l'emploi illégal. D'après une étude chiffrée publiée par le ministère du Travail, elle représenterait autour de 10 % des infractions constatées à partir des procès verbaux dressés en 1994 : en termes relatifs, l'embauche d'étrangers sans titres a beaucoup diminué puisque la part de ces emplois est passée de 17 % en 1992 à 10,4 % du total des emplois illégaux en 1994 [Milutmo, 1995]. Si ce type d'emploi n'est pas primordial pour l'économie en général, il est très recherché dans certains secteurs [Morice, 1998]. Il est d'ailleurs probable que l'éradication de toutes les formes d'emploi non déclaré signifierait une hausse non négligeable des salaires dans certains secteurs clés de l'économie comme le BTP, la confection ou l'hôtellerie et la restauration. Car il a pu aussi être introduit récemment dans certains secteurs des services pour peser sur les conditions salariales [Marie, 1998]. Sur un autre plan, la lutte contre le travail clandestin des étrangers en situation irrégulière peut être un argument pour proposer la baisse des salaires et charges sociales : « Tout devrait être envisagé : exonération des charges sociales et fiscales, possibilité pour des jeunes de cumuler de façon simple indemnités de chômage, de stage ou RMI et rémunération de travail saisonnier (...) pour que les employeurs aient intérêt à offrir ces travaux à des chômeurs, à des jeunes, à des étudiants, plutôt qu'à des illégaux » [Weil, 1996]. Ce raisonnement consiste à vouloir « assécher le marché du travail » en rendant inutile pour les employeurs l'emploi de main d'oeuvre irrégulière : il est cohérent avec la pensée libérale pour laquelle les réglementations et charges sociales sont une distorsion des signaux du marché et une entrave à la création de richesses et d'emploi (cf infra). |
Ainsi trois tendances convergent pour expliquer la tertiairisation de l'emploi étranger : l'intérim et le travail précaire tiennent une place importante, les femmes y prennent une part croissante et enfin les formes illégales d'emploi s'y développent plus qu'ailleurs [Marie, 1998, p. 153]. Les conditions de travail dans les services ne sont pas meilleures et on pourrait caractériser cette nouvelle main d'oeuvre étrangère comme celle des « ouvriers non qualifiés des services ». En effet, le transfert vers le tertiaire ne s'est accompagné ni d'une augmentation des rémunérations, ni d'une amélioration des conditions de travail par rapport à celles offertes dans l'industrie. La tertiairisation de l'emploi étranger a en fait accompagné et facilité (comme autrefois dans l'industrie) la prolétarisation et la taylorisation des services, entamées au motif d'une « modernisation de l'économie » [Marie, 1998, p. 154].
La progression du travail indépendant chez les actifs étrangers n'est ni un phénomène nouveau ni une originalité propre à la France mais mérite d'être soulignée. Pendant les « trente glorieuses », le salariat était plutôt la règle. Mais « de 1975 à 1982, le nombre d'étrangers à leur compte a augmenté de 26 % puis de 47 % entre 1983 et 1987, pour atteindre le chiffre absolu de 133 000 personnes, soit 4,1 % des effectifs globaux des non salariés » [Schor, p. 246]. Entre 1982 et 1990, alors que le nombre total de non salariés hors agriculture stagne, la part des étrangers continue de progresser, pour atteindre 4,7 %. Italiens, Espagnols et Portugais représentent 40 % des indépendants étrangers. La proportion d'indépendants (hors agriculture) parmi les étrangers ayant un emploi atteint ainsi 6,8 % au recensement de 1990 alors qu'elle s'élève globalement, Français et étrangers confondus, à 9,2 % des emplois. Mais le « rattrapage » semble être encore rapide, si l'on en croit une enquête de 1994 qui mesure une propension à s'installer à son compte deux fois plus élevée pour les étrangers que pour les Français [Bonneau et Francoz, 1996].
De nombreux travaux économiques et sociologiques ont permis de montrer le lien entre le déclenchement de la crise, accompagnée de la montée du chômage dans les secteurs traditionnels, et la progression du travail indépendant. En effet, la mise à son compte constitue souvent une alternative aux restrictions d'offres d'emplois stables pour les étrangers. Mais elle peut être aussi la marque d'une certaine installation en France d'étrangers arrivés de longue date.
[2] En juillet 1974, il avait également été décidé de la suspension de l'immigration familiale mais cette décision s'est vite révélée impossible à appliquer : d'un point de vue politique car le droit de vivre en famille fait partie des principes constitutionnels et d'un point de vue pratique car beaucoup de membres de familles entraient avec des visas de tourisme [Weil, 1991, chap. 3].
Dernière mise à jour :
13-11-2000 17:01.
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