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Bilan 1997

Poursuite de la réflexion sur la politique de l'immigration

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Il y a plusieurs années que le Gisti, constatant les méfaits et les dérives d'une politique toute entière fondée sur la répression, souligne la nécessité et l'urgence d'une réflexion sans a priori sur la question des migrations incluant la remise en cause de la problématique de la fermeture des frontières considérée depuis vingt ans et plus comme un dogme intouchable.

Les mouvements de sans-papiers d'un côté, la nouvelle escalade dans la répression que représente la loi Debré de l'autre, et finalement le refus de rompre avec cette même logique que l'on décèle dans le rapport Weil et le projet de loi Chevènement ont conduit le Gisti à accentuer sa revendication de voir s'instaurer un véritable débat national.

A chaque fois que l'occasion nous en a été donnée, nous nous sommes efforcés d'expliquer notre position. Ceci n'a pas toujours été sans difficultés : comme s'il y avait des mots tabous, le simple fait d'avoir évoqué l'"ouverture des frontières" nous a valu un flot d'accusations. On nous a présentés tantôt comme de « doux utopistes », tantôt comme des "extrémistes moralisateurs" inspirés par les thèses ultra-libérales de la « droite capitaliste la plus dure ». Trop souvent la polémique s'est substitué au débat de fond que nous souhaitions — et souhaitons toujours — provoquer.

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Nous pensons en effet que, loin d'être ultra-libérale, la défense de la liberté de circulation et de l'égalité des droits est une façon de ne pas se résigner à l'accroissement des inégalités entre les pays riches et les pays pauvres induites par le triomphe progressif de l'ultra-libéralisme au niveau mondial. Car on ne peut pas à la fois abandonner le tiers-monde aux lois du marché et fermer les frontières au nez de ceux qui fuient l'injustice et la misère.

Il ne s'agit pas pour autant de réclamer « ici et maintenant » l'ouverture totale des frontières, comme on nous l'a complaisamment fait dire : pas plus que la fermeture des frontières l'ouverture des frontières — qui ne se conçoit de surcroît qu'au niveau européen — ne peut tenir lieu à elle seule de politique. Mais elle indique la perspective dans laquelle il convient à notre sens de penser les problèmes de l'immigration. L'ouverture des frontières implique d'abord et avant toute chose de rétablir la liberté de circulation. Doit-elle, peut-elle inclure, à terme, une liberté d'installation qui soit inconditionnelle ? Pour répondre à cette question il faut examiner sereinement, c'est à dire sans se laisser saisir par le fantasme d'un envahissement du nord par le sud, quelles conséquences l'ouverture des frontières serait susceptible d'avoir sur les flux migratoires et sur le marché de l'emploi des pays européens ; et imaginer des dispositifs de régulation permettant d'éviter les effets déstabilisateurs redoutés sur la précarité du travail ou les politiques sociales.

Nous sommes loin d'avoir encore toutes les réponses à ces questions. Mais au moins faut-il les poser. Le Gisti, pour sa part, continue la réflexion, mais il ne peut évidemment pas la mener à bien seul, ni même avec ses partenaires associatifs habituels. Les partis politiques, les syndicats, la « société civile » doivent être parties à cette réflexion. La question des migrations ne saurait en effet être traitée isolément des grands problèmes de société auxquels la France est confrontée. C'est pourquoi nous croyons plus que jamais à la nécessité d'un véritable débat — un débat national, un débat de fond, qui aborde les problèmes liés aux migrations dans toutes leurs dimensions — politique, économique, sociale… —, et pas seulement sous l'angle de la « police des étrangers ».

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Les prises de position dans les médias

Le Gisti a été sollicité d'intervenir à de très nombreuses reprises dans la presse écrite ou radiodiffusée à propos du rapport Weil et du projet de loi Chevènement, et plus généralement sur la politique d'immigration. Des articles ou interviews ont paru dans Le Monde diplomatique, Les InrockuptiblesLe Monde a consacré deux pages à un débat entre Patrick Weil et Danièle Lochak ( Monde, 23 septembre 1997).

Plein Droit

La réflexion s'est également poursuivie dans plusieurs numéros de Plein Droit, faisant intervenir aussi bien des membres du Gisti que des non membres. Le numéro 32, paru en juillet 1996, s'intitulait déjà « Sans Frontières ? ». En 1997, la politique d'immigration a encore constitué la matière principale de deux autre numéros : le numéro spécial d'avril 1997 (n° 34), « Zéro or not zéro ? » et le numéro double de décembre 1997 (n° 36-37), « La République bornée » (voir infra, « Publications »).

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La lettre ouverte à Jospin

Fruit d'une longue discussion au sein du Gisti, la « Lettre ouverte à Lionel Jospin », datée du 10 juillet 1997 et co-signée par cinq autres organisations (Act-up, Cedetim, Droits devant !, Syndicat de la magistrature, Fasti), a été rédigée à la suite des premières initiatives prises par le nouveau gouvernement. Cette lettre a reçu une large diffusion, y compris sous forme d'affiche. Les Inrockuptibles l'ont encartée dans leur numéro des 19-25 novembre 1997.

Elle s'ouvre à nouveau sur le constat que, « loin de permettre l'intégration, toutes les politiques qui, depuis vingt-cinq ans, ont cherché à réaliser la fermeture des frontières — y compris en ménageant des issues en faveur des réfugiés, des membres de familles et de certains travailleurs — ont, les unes après les autres, contribué à l'échec de l'insertion des étrangers, des Français d'origine étrangère et même de certains Français d'ascendance ancienne. Qu'on le veuille ou non, la fermeture des frontières accrédite nécessairement dans l'opinion l'idée que la présence d'étrangers et d'individus d'apparence étrangère est anormale. Elle laisse également penser que la France doit se protéger des flux migratoires, qui sont donc logiquement vécus comme une menace. »

On ne peut donc se contenter d'une nouvelle réforme de l'ordonnance de 1945 : une révision radicale de la politique des migrations et de l'accueil des étrangers est indispensable, et c'est dans cette perspective qu'il convient d'ouvrir un débat de fond sur les flux migratoires. Ce débat est nécessaire car il est la seule façon, après vingt-cinq ans de « pensée unique », de permettre un déconditionnement de l'opinion, imprégnée par le fantasme de l'invasion, et de la convaincre que l'immigration ne constitue pas nécessairement un danger.

Les signataires de la lettre expriment donc leur inquiétude par rapport à la méthode choisie pour l'élaboration de la future loi relative à l'immigration, craignant que l'urgence ne serve pas de prétexte à escamoter une refonte qui, elle, requiert du temps et qui implique le remplacement du principe de la fermeture des frontières par celui de la liberté de circulation.

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« Les solutions alternatives à la fermeture des frontières ne supprimeront pas les flux migratoires. Il est même possible qu'elles provoquent une augmentation de ceux qui viendront s'installer chez nous pour une période de courte durée ou pour plus longtemps. Mais la fermeture des frontières produit-elle un meilleur résultat ? Il est permis d'en douter… Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de permettre aux Français de comprendre qu'aucune fermeture des frontières ne réduira à néant les flux migratoires. Il est de leur devoir de rappeler qu'aucune invasion ne pointe à l'horizon. Il est de leur compétence d'élaborer une réglementation qui place les migrants dans les meilleures conditions possibles pour qu'ils réussissent leur projet personnel, pour qu'ils s'intègrent au mieux dans la société française tout au long de leur séjour, pour qu'ils puissent entretenir des relations étroites avec leur pays d'origine.

C'est à ce prix que les migrations deviendront un facteur positif de codéveloppement et que l'on sortira de la logique d'une répression qui met d'autant plus à mal les libertés publiques et individuelles qu'elle ne cesse de montrer son impuissance à fermer des frontières qui resteront perméables. C'est à ce prix aussi que les Français cesseront d'être désorientés. D'un côté, on leur affirme la « maîtrise » des flux migratoires ; de l'autre, ils cohabitent avec des étrangers censés ne pas être là et qui y sont pourtant bel et bien, dans les plus mauvaises conditions. C'est le Front national qui profite de cette situation.

… Pour bâtir enfin une réglementation opératoire et adaptée aux nécessités, il faut raisonner autrement en se fondant sur le principe de la liberté de circulation. En faisant comme si elle pouvait décider de son propre chef l'abolition des mouvements migratoires dans un contexte économique, social, culturel et politique qui les favorise, la fermeture des frontières neutralise tous les facteurs qui contribueraient spontanément à l'autorégulation des flux.

Mais il est vrai que la recevabilité de ces solutions dans l'opinion ne va pas immédiatement de soi après vingt-cinq ans de pédagogie fondée sur la fermeture et la répression. D'où, nous y revenons, la nécessité du débat national que nous demandons avec insistance. »

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Dernière mise à jour : 31/07/1999 à 20:02.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/bilans/1997/2-3.html


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