COMMUNIQUÉ
04/07/2006 Dans un arrêt d'Assemblée (c'est-à-dire la plus haute formation de jugement du Conseil d'Etat) du 31 mai 2006, le Conseil d'État a annulé des dispositions de deux décrets de 2004 qui privaient les artisans étrangers non européens du droit de vote et les écartaient de l’éligibilité aux chambres de métiers et de l’artisanat.
Le commissaire du gouvernement, Didier Casas, résumait ainsi l'enjeu concret de la décision :
« la question sur laquelle il vous faut prendre position en définitive s'énonce simplement : y aurait-il quelque déraison ou quelque extravagance à ce qu'un jour un ressortissant sénégalais préside la chambre de métiers du Cantal, de la Dordogne ou des Hauts-de-Seine ? (…) nous ne verrions pour notre part nulle extravagance, nulle déraison, à la réalisation de [cette] hypothèse (…) ».
Telle est bien, en l’espèce, la position adoptée par le Conseil d’Etat. Il le fait en posant un considérant de principe à la portée bien plus large que cette affaire, selon lequel « l’institution d’une différence de traitement entre les artisans en ce qui concerne la qualité d’électeur et l’éligibilité aux élections des membres des chambres des métiers et de l’artisanat, (…) implique l’existence de différences de situation de nature à justifier ces différences de traitement ou de nécessités d’intérêt général en rapport avec le rôle et les prérogatives des chambres des métiers et de l’artisanat qui auraient commandé de telles discriminations ».
Cela signifie que, dès lors qu’une fonction élective ne nécessite pas l’exercice de prérogatives de puissance publique susceptibles de porter atteinte « aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale », les étrangers non européens ne peuvent en être exclus sans violation du principe d’égalité.
De la sorte, le Conseil d’Etat aligne très largement, pour les élections non politiques, le statut des étrangers non européens avec celui des étrangers communautaires et de l’Espace économique européen. Ainsi, le principe d’égalité entre étrangers et nationaux n’a comme limite que l’atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale.
Le gouvernement va donc (ré)ouvrir le droit de vote et de l’éligibilité aux étrangers non européens pour les prochaines élections aux chambres des métiers et de l’artisanat. On peut toutefois douter qu’il tirera spontanément les leçons de cet arrêt pour supprimer la même discrimination pesant pour les chambres de commerce et d’industrie (qui résulte néanmoins d’une disposition législative et non réglementaire comme pour les chambres de métiers)…
Reste une interrogation : quelle est la validité des dernières élections aux chambres de métiers qui reposaient sur un corps électoral irrégulièrement constitué, par exclusion des étrangers non européens, et alors que ces derniers n’ont pu se présenter à ces élections ?
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Dernière mise à jour :
17-07-2006 14:12.
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