COMMUNIQUÉ
L'accès
à la protection maladie
et aux soins des étrangers sans titre de séjour
Un rappel des épisodes précédents
1) 1945 - 1993 : aucune condition de régularité de
séjour pour l'assurance maladie. Il en va de même de
l'aide médicale réservée aux plus pauvres à
la place ou en complément de l'assurance maladie.
2) Loi Pasqua du 24 août 1993 : introduction de la condition
de régularité de séjour pour l'assurance maladie.
Les sans-papiers ont accès à l'aide médicale départementale
comme d'autres populations pauvres.
3) Loi relative à la couverture maladie universelle (CMU)
du 27 juillet 1999 : la mise en place d'un système à
deux vitesses, l'échec d'un projet de couverture véritablement
universelle.
L'objectif initial de la réforme était la disparition
du régime de l'aide médicale et l'unification du système
afin d'intégrer toute la population résidente dans une
protection maladie égale pour tous (assortie d'une complémentaire,
éventuellement gratuite pour les plus démunis disposant
de moins de 562 € par mois pour une personne seule). La décision
de maintenir l'exigence de régularité de séjour
pour l'assurance maladie introduite en 1993 par la loi Pasqua, a conduit
à devoir maintenir un dispositif d'aide sociale spécifique,
hors de l'universel, pour les étrangers en séjour non
stable ou non régulier : l'aide médicale d'Etat (AME).
A côté des nombreuses améliorations apportées,
c'est à un système à deux vitesses que la réforme
CMU a néanmoins conduit, ouvrant la porte à sa fragilisation
ultérieure : d'un côté, une « couverture
maladie universelle » non universelle, et de l'autre, l'aide
médicale Etat, « ghetto » pour les sans-papiers,
d'autant plus fragile que la population concernée est stigmatisée
et peu influente.
Principales caractéristiques de l'AME issue de la loi CMU
Il s'agit d'un système subsidiaire destiné aux seules
personnes en situation non stable et non régulière. A
l'exception des Français rapatriés depuis moins de 3 mois
et non assurés par ailleurs et des cas d'admission exceptionnelle
(article L 251-1 du code de l'action sociale et des familles -
CASF), l'AME est un système exclusivement destiné aux
étrangers en situation irrégulière.
Les prestations prise en charge (« panier de soins »)
sont sensiblement inférieures à celles de la complémentaire
CMU. Les conditions de ressources sont identiques (plafond à
562 € par mois). L'AME est conditionnée à la
résidence en France. Jusqu'en 2003, si la durée de présence
en France était inférieure à 3 ans, le sans-papiers
n'avait accès qu'à l'AME à l'hôpital, et
il devait attendre ou justifier de 3 années de résidence
pour avoir accès aux soins de ville (cabinets ou centres de soins).
Cette restriction pour l'accès aux soins de ville a été
abandonnée récemment (voir point 4). Une fois les droits
ouverts, les soins sont gratuits (comme pour les bénéficiaires
de la complémentaire CMU). Les droits sont ouverts par période
d'un an (article L 252-3, alinéa 2 du CASF).
4) Décembre 2002 : 1ère attaque du gouvernement contre
l'AME
C'est à travers l'article 57 de la loi de finances rectificative
pour 2002 (adoptée le 30/12/2002) que le gouvernement a introduit
plusieurs mesures régressives contre l'AME, dont l'introduction
d'un ticket modérateur à la charge des patients. Ces mesures
sont :
-
la fin de la dispense totale d'avance des frais pour les étrangers
en situation irrégulière (sauf exceptions) : ils auront
à leur charge un « ticket modérateur »
dont le montant varie selon qu'il s'agit d'une consultation auprès
d'un praticien généraliste, d'un spécialiste
ou de prescription de médicaments ou d'examens) et un « forfait
journalier » en cas d'hospitalisation.
Des décrets devaient préciser les actes et pathologies
exonérés ainsi que les différents taux de ticket
modérateur.
-
une restriction des droits pour les mineurs : la loi est revenue
sur une avancée acquise fin 2001 : les ayants droit mineurs
à la charge d'étrangers démunis de titre de
séjour et les mineurs isolés avaient obtenu le droit
à la CMU de base (article L 380-5 du code de la sécurité
sociale). Cela signifiait une prise en charge pour l'ensemble des
soins. Il s'agissait en outre d'une mise en conformité du
droit français avec les dispositions de la Convention internationale
des droits de l'enfant.
-
la suppression de l'exigence d'une durée de résidence
de 3 ans pour l'accès aux soins de ville : ce progrès
n'a pas été motivé par un souci humanitaire
mais bien par des raisons d'économies budgétaires
: éviter que les sans-papiers, ne pouvant justifier de 3
ans de résidence et ainsi exclus des soins de ville, ne viennent
engorger les urgences médicales.
5) Février 2003 : des associations (GISTI, FIDH, LDH) déposent
un recours contre l'introduction d'un ticket modérateur sur la
base de la Charte sociale européenne
L'article 13 de la Charte énonce en effet que « Toute
personne démunie de ressources suffisantes a droit à l'assistance
sociale et médicale ». Les modalités d'exercice
effectif de ce droit sont détaillées dans la partie II
de la Charte. Il est notamment précisé que les Etats parties
à la Charte doivent « veiller à ce que toute
personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes et qui n'est pas
en mesure de se procurer celles-ci par ses propres moyens ou de les
recevoir d'une autre source, notamment par des prestations résultant
d'un régime de sécurité sociale, puisse obtenir
une assistance appropriée et, en cas de maladie, les soins nécessités
par son état » (Partie II, article 13.1).
Le recours a été déclaré recevable sur
la forme par le comité d'expert du Conseil de l'Europe chargé
de la Charte sociale. L'avis sur le fond n'a pas encore été
rendu.
6) Février 2003 : un rapport IGAS sur l'aide médicale
d'Etat préconise des dispositions particulièrement nocives
Ce Rapport (2003-022) de l'IGAS a été présenté
par B. Guillemot et F. Mercereau en février 2003. Les rapporteurs
considèrent que le système AME, grâce à une
meilleure information et une application extensive des textes a connu
un meilleur accès en comparaison de l'ancienne aide médicale
départementale. Ce succès en devient pour eux un problème
car cet accès effectif aux droits s'est avéré représenter
un coût. Alors pour résorber cette augmentation des dépenses,
les auteurs préconisent d'en revenir à ce qui faisait
que l'ancienne aide médicale départementale marchait mal
Le rapport propose ainsi de : « mieux contrôler
l'ouverture des droits », revenir sur le principe déclaratif,
attribuer des AME ponctuelles ou de courte durée, restreindre
les ouvertures immédiates de droits aux seuls cas d'urgence,
supprimer le maintien de droit, « encadrer l'offre de soins »
pour les seuls bénéficiaires de l'AME, réexaminer
à la baisse le panier de soins (prestations couvertes par l'AME),
etc
7) Mars 2003 : le gouvernement « suspend »
l'introduction du ticket modérateur (TM)
Face aux fortes mobilisations, le gouvernement a renoncé provisoirement
à introduire un ticket modérateur (TM) mais a déclaré
vouloir mieux « contrôler » l'ouverture
des droits.
8) Mai 2003 : 2ème attaque du gouvernement avec un projet
de circulaire qui verrouillerait drastiquement l'accès à
l'AME
Cette circulaire, si elle était appliquée, reviendrait
à rendre impossible l'accès à l'AME et l'accès
aux soins des personnes étrangères résidant en
France sans titre de séjour : remise en cause du caractère
déclaratif pourtant indispensable pour des populations précaires
; valorisation en ressources financières des aides en nature
fournies par des proches ou associations pour le calcul des ressources
ce qui permettrait de considérer la plupart des sans-papiers
comme trop riches pour pouvoir prétendre à l'AME ; suppression
des possibilités d'ouverture des droits à l'AME dans les
hôpitaux et dans les permanences associatives d'accès aux
soins ; suppression de l'admission immédiate à l'AME même
en cas d'urgence médicale ou sociale ; ouverture de droits pour
des périodes limitées ce qui viserait à décourager
les demandeurs en rendant fastidieuses les démarches pour l'accès
aux soins.
9) Octobre 2003 : réactivation et élargissement des
attaques contre l'AME
Paris, le 13 octobre 2003
Voir aussi :
Dernière mise à jour :
13-10-2003 17:55
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Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2003/ame/rappel.html
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