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ZONE D'ATTENTE
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DEUX RAPPORTS ACCABLANTS DE L'ANAFÉ
Le maintien en zone d'attente obéit à des règles
de droit créées par la loi du 6 juillet 1992. Pourtant
les différentes personnes qui se sont rendues en zone d'attente
ont constaté ou ont pu recueillir des témoignages exposant
de graves irrégularités de procédure.
L'étranger qui arrive en France « est
immédiatement informé de ses droits et de ses devoirs,
s'il y a lieu par l'intermédiaire d'un interprète »
et, pendant le maintien en zone d'attente, « il peut
demander l'assistance d'un interprète ».
Article 35 quater I et II de l'ordonnance du 2 novembre
1945.
La Cour de cassation a considéré que la présence
physique de l'interprète était nécessaire aux côtés
de l'étranger qui en sollicite l'assistance.
La présence d'un interprète est essentielle pour que
la situation soit comprise par l'étranger. Même certaines
personnes parlant français ont affirmé qu'il était
difficile de bien comprendre ce qui se passait (CR du 03-01-01). Souvent
les étrangers bénéficient simplement d'une explication
en français ou en anglais (CR du 03-01-01).
Tous les interprètes mobilisés pour la procédure
n'ont pas une neutralité suffisante vis à vis des interlocuteurs
présents (CR du 26-12-00). De plus, certains témoignages
font apparaître que malgré la signature d'un interprète
sur une notification, aucun n'était présent pour leur
expliquer la situation dans une langue qu'ils comprenaient (CR du 27-11-00).
Pour la PAF, une vingtaine d'interprètes seraient disponibles
à Roissy. Selon nos informations, ces personnes faisant office
d'interprètes « officiels », interviennent
en permanence de 8h à 21h, dans les 5 langues de l'ONU. Ce sont
en fait des salariés de la Préfecture de Seine Saint Denis
employés pour des périodes de 3 mois. Il s'agit aussi
de policiers, du personnel des compagnies aériennes, voire des
services étrangers d'immigration (CR des 27-11-00, 26-12-00).
La PAF utilise, pour déterminer la langue dans laquelle l'explication
pourra être faite, un tableau établi par la DLPAJ (voir
annexe). Ce tableau ne retient pas les langues officielles mais
une « correspondance langues maternelles ONU » [7], or ce tableau ne comporte aucune source et donne
lieu à des assimilations aberrantes : tamoul/anglais, peulh/français,
persan/arabe, kurde/arabe, albanais/français.
Pour les agents du MAE, l'interprétariat par téléphone
est la pratique la plus couramment utilisée. Ils bénéficient,
à ZAPI 3, de matériel adapté.
« Il [l'étranger
qui arrive en France] est immédiatement informé de
ses droits et de ses devoirs, s'il y a lieu par l'intermédiaire
d'un interprète ».
Article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Il ressort des différents témoignages recueillis que
les étrangers maintenus dans les zones d'attente éprouvent
un manque cruel d'information sur les procédures qui leur sont
appliquées, sur les droits qui doivent leurs être reconnus.
Outre le fait que ces personnes ne bénéficient souvent
pas de la présence d'un interprète compétent et,
de ce fait, ne comprennent pas ce qui se passe, il apparaît qu'on
leur demande simplement de signer des documents remis uniquement en
langue française sans explication (CR du 30-12-00, 03-01-01).
Plusieurs étrangers ont affirmé avoir refusé de
signer les documents présentés, car ils ne comprenaient
pas ce qu'ils contenaient, une simple mention avait été
notée « refus de signer » ; d'autres
semblent avoir été forcés de signer (CR des 27-11-00,
05-01-01).
Il semble qu'il est parfois plus opportun de refuser de signer. Une
femme qui voulait déposer une demande d'asile, que l'on a tenté
de renvoyer, a refusé d'embarquer. On lui a alors fait signer
une série de documents, sans qu'elle puisse les consulter et
sans qu'ils lui soient expliqués. Il s'est avéré
que dans la série de documents signés, elle aurait déclaré
ne pas demander l'asile (CR du 09-01-01).
Dans chaque zone, un règlement intérieur doit être
affiché. Il doit expliquer la procédure, les conditions
d'hébergement, les droits de visites et la discipline à
respecter avec une mention sur les mesures d'isolement. Il doit aussi
permettre la transmission de l'information. Pourtant il ne répond
que partiellement à ce rôle d'information : il est
long, complexe et est affiché uniquement dans 5 langues (allemand,
anglais, espagnol, italien, français) souvent en pratique inutiles.
« Le maintien en zone d'attente
est prononcé pour une durée qui ne peut excéder
quarante-huit heures par une décision écrite et
motivée du chef de service de contrôle aux frontières
ou d'un fonctionnaire désigné par lui. Cette décision
est inscrite sur un registre mentionnant l'état civil de l'intéressé
et la date et l'heure auxquelles la décision de maintien
lui a été notifiée ».
Article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
La décision de maintien en zone
d'attente doit intervenir « immédiatement, dès
qu'il apparaît qu'un étranger appartient à l'une
des catégories mentionnées au I de cette circulaire
[les étrangers en transit interrompu, les étrangers qui
ne disposent pas des documents exigés, les étrangers qui
sollicitent l'asile à la frontière] ».
Circulaire d'application de l'article 35 quater de l'ordonnance
du 2 novembre 1945, du 9 juillet 1992.
De nombreux témoignages recueillis par les visiteurs faisaient
état de notifications établies plusieurs heures après
leur arrivée et surtout après leur présentation
auprès de la police (CR du 27-11-00). Ainsi de nombreuses personnes
se trouvaient dans les aérogares sans qu'aucune décision
ne leur ait été formellement notifiée. D'autres
étaient en possession de notifications de maintien indiquant
des heures et des dates erronées (CR du 18-12-00, 30-12-00).
Certaines personnes qui avaient refusé d'embarquer étaient
également en possession de procès verbaux (PV) de tentative
de refoulement erronés sur lesquels l'heure indiquée ne
correspondait pas aux renvois qui avaient été tentés
(CR du 30-12-00). Cette pratique est également utilisée
pour la décision de prolongation du maintien (CR du 30-12-00).
Alors que cette pratique est illégale, le chef de quart fait
remarquer que cela n'a pas d'importance tant que l'écart ne dépasse
pas trois heures (CR du 30-12-00). Pourtant cette pratique a pour conséquence
de faire augmenter, de fait, le maintien, fondé sur une
décision administrative, au-delà des 4 jours réglementaires
alors que dans cette hypothèse une décision du juge des
libertés est obligatoire (CR du 28-01-01).
Les visiteurs avaient remarqué lors de différentes visites
qu'une notice dans le bureau de quart du terminal 2A indiquait :
« Les demandeurs d'asile doivent tous être systématiquement
photographiés ». On avait ajouté au stylo
« de face » (CR du 30-12-00). Lors de la
visite du 3 janvier, une personne confirmait que lorsqu'elle avait
dit à la police qu'elle demandait l'asile on l'avait prise en
photo. D'ailleurs, durant cette visite, un policier précisait
que pour des raisons pratiques les photos étaient des polaroïds,
ce qui permettait de reconnaître les personnes (CR du 03-01-01).
Interrogé sur ce point par les visiteurs, le ministère
de l'Intérieur avait considéré que la prise en
photo systématique des personnes demandant l'asile étaient
une procédure illégale (CR du 03-01-01). La notice avait
disparu lors des visites suivantes (CR du 16-01-01). Selon le ministère,
seule la prise en photo systématique des demandeurs d'asile serait
illégale et les seules photos qui seraient prises seraient celles
des personnes ne disposant pas de documents d'identité ou ayant
des documents sans photos. Des visiteurs ont remarqué au terminal 2F,
la fiche signalétique de demandeurs d'asile, comportant la photocopie
agrandie d'une photo d'identité (CR du 28-01-01).
Notes
[7] « Aux
frontières de la France, les Turcs doivent parler arabe et les
Bulgares anglais », Le Monde, 6 février 2001.
Dernière mise à jour :
11-04-2001 15:45.
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/2001/zone-attente/visites/bilan-4.hml
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