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ÉVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE
EN MATIÈRE D'ÉLOIGNEMENT
24/03/2001 Dans une série
d'arrêts, inaugurée par la décision D. du 23 juin
2000 (requête n° 213584), le Conseil d'État
a annulé des arrêtés préfectoraux de reconduite
à la frontière frappant des étrangers sans titre
de séjour, mais dont la situation pouvait permettre qu'ils en
obtiennent un au regard des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre
1945, le texte qui régit l'entrée et le séjour
des étrangers en France.
Ainsi, les catégories d'étrangers à qui est délivrée
de plein droit soit une carte de séjour temporaire sur le fondement
de l'art. 12 bis de l'ordonnance de 1945, soit
une carte de résident, ne peuvent faire l'objet d'une reconduite
à la frontière. Ceci a notamment été jugé
pour des étrangers faisant état d'une résidence
habituelle en France de plus de dix ans [1] ainsi que pour un ressortissant tunisien qui remplissait
les conditions posées par l'accord franco-tunisien pour se voir
attribuer, en tant que conjoint d'un ressortissant français,
une carte de dix ans [2].
Ce mouvement jurisprudentiel vient redonner un peu de cohérence
au droit des étrangers et enfonce un coin dans la politique de
contrôle policier de l'immigration.
Elle met notamment fin à la contradiction entre l'article 12 bis 3°
et l'article 25 de l'ordonnance. D'un côté, l'article 12 bis 3°
permet à tout étranger en situation irrégulière
qui réside en France depuis plus de dix ans d'obtenir de
plein droit un titre de séjour. De l'autre, l'article 25
interdit l'éloignement (reconduite à la frontière
et expulsion) des étrangers s'ils justifient de quinze ans
de séjour en France régulier ou non. Entre
dix et quinze ans de séjour, il existe ainsi des étrangers
régularisables et, en même temps, expulsables. Situation
absurde qui fait écho à celle des étrangers ni
régularisables ni expulsables.
Les décisions du Conseil d'État vont plus loin qu'une
simple mise en conformité des textes sur le séjour et
sur l'éloignement des étrangers. Quand il indique (15 janvier
2001, M. B.), dans une formule générale et constante,
que « l'autorité administrative ne saurait légalement
prendre une mesure de reconduite à la frontière à
l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation
irrégulière au regard des règles relatives à
l'entrée et au séjour », il considère
implicitement qu'un étranger sans titre de séjour n'est
pas nécessairement en situation irrégulière. En
d'autres termes, il y a des sans-papiers réguliers.
Dans ces conditions, tout étranger en situation irrégulière
qui se voit notifier un arrêté préfectoral de reconduite
à la frontière (APRF) doit, s'il estime que la loi lui
reconnaît un droit au séjour, notamment en vertu de l'article 12 bis
de l'ordonnance et alors même qu'il n'a pas de carte
de séjour, soit parce qu'il ne l'a pas demandée, soit
parce que l'administration la lui a refusée essayer,
par tous moyens, de convaincre le juge administratif de l'existence
de ce droit au moment où il lui demande l'annulation de l'APRF
(art 22 bis de l'ordonnance). Il est conseillé
d'invoquer explicitement, dans ce cas, l'une des récentes décisions
du Conseil d'État sur ce sujet, par exemple celle du 15 janvier
2001 (décision B., n° 222020).
Voir aussi :
Notes
[1] Conseil d'Etat 23 juin
2000, M. D., req. n° 213584 ; CE 28 juillet
2000, M. L., req. n° 215874 ; CE 18 octobre
2000, préfet de police c/ Mlle A., req. n° 211741 ;
CE 6 novembre 2000, M. S., req. n° 218469 ;
CE 17 novembre 2000, M. M., req. n° 208664 ;
CE 20 novembre 2000, préfet de l'Hérault c/
M. L., req. n°220268.
[2] CE 6 octobre 2000,
requête n° 211855, préfet des Alpes-Maritimes c/ M.
B.
Dernière mise à jour :
24-03-2001 17:27.
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/2001/eloignement/index.html
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