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Plein Droit
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Guide de l'entrée et du séjour des étrangers en France
Introduction (1/2)Présentation | Sommaire détaillé
Plus de soixante ans se sont écoulés depuis qu'a été promulguée pour la première fois, par le Gouvernement provisoire de la République française, l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée par la suite à d'innombrables reprises, au gré des aléas de la vie politique et de l'évolution de la situation économique – les lois du 26 novembre 2003 et du 24 juillet 2006, dites lois « Sarkozy », étant les dernières réformes en date. Il n'est pas inutile de revenir sur l'évolution chaotique de la législation, reflet assez fidèle de l'évolution qu'a connue la politique d'immigration elle-même. À partir de 1974, date de l'arrêt officiel de l'immigration de main-d'œuvre, deux lectures de cette évolution sont possibles : l'une qui met l'accent sur les discontinuités dues à l'alternance au pouvoir de gouvernements de droite et de gauche ; l'autre qui fait au contraire apparaître, par-delà ces alternances, la continuité essentielle d'une politique d'immigration pudiquement dénommée « maîtrise des flux migratoires », dont l'objectif n'a pas varié et qui est désormais mise en œuvre au niveau européen. À cette nuance près que, depuis quelques années, « l'immigration zéro » a cessé d'être à l'ordre du jour, les pays industrialisés se rendant compte qu'ils auront besoin à l'avenir de l'immigration pour se procurer la main-d'œuvre dont ils ont besoin : tandis que la Commission européenne cherche à mettre en place un cadre communautaire pour la gestion des migrations économiques, la France a franchi le pas, avec la loi Sarkozy II, en formalisant une réouverture partielle des frontières et en annonçant la volonté de promouvoir une « immigration choisie ». Retour sur 1945Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on savait qu'on aurait besoin des étrangers pour combler le déficit en main-d'œuvre de l'économie française et on s'apprêtait à les faire venir par centaines de milliers. L'ordonnance de 1945 conférait à cette fin à un organisme public, l'ONI (Office national d'immigration), rebaptisé plus tard OMI (Office des migrations internationales) le monopole de l'introduction en France de la main-d'œuvre étrangère : le but était de donner aux pouvoirs publics les moyens de mener une véritable politique d'immigration et d'éviter le retour aux pratiques de l'entre-deux guerres où les patrons, regroupés dans une « Société Générale d'Immigration », s'étaient progressivement substitués à l'État dans ce domaine. Mais les besoins de main-d'œuvre sont tels et la procédure prévue si lourde que la réglementation n'est guère respectée : en dépit des textes qui confèrent à l'ONI le monopole du recrutement et de l'introduction en France des travailleurs étrangers et subordonnent le droit au séjour à la production d'un contrat de travail dûment visé par les services de l'emploi, l'immigration spontanée, qu'on appellera plus tard « sauvage », est la règle : les travailleurs étrangers entrent en France sous couvert d'un simple passeport de touriste, ou même clandestinement ; ils trouvent sans peine à s'embaucher, et obtiennent ensuite aisément la carte de séjour et la carte de travail qui régularisent leur situation. Une proportion croissante d'étrangers échappe au demeurant à ce monopole de plus en plus théorique de l'ONI : les Italiens, en tant que ressortissants de la CEE, les Algériens, auxquels, même après l'indépendance, les accords d'Evian reconnaissent la liberté de circulation et d'établissement ainsi que l'égalité des droits avec les Français, les Africains de l'ancienne Communauté, bénéficiaires eux aussi de la liberté d'établissement. La fermeture des frontièresC'est à partir du début des années 1970 que la « maîtrise des flux migratoires » va peu à peu devenir la préoccupation majeure des pouvoirs publics, à mesure que la situation économique se dégrade et que le chômage s'étend. Après le coup d'arrêt donné en 1972 à la procédure de régularisation par les circulaires Marcellin-Fontanet, respectivement ministre de l'Intérieur et ministre du Travail, intervient en 1974 la décision de suspendre l'immigration de travailleurs, à la suite de ce qu'il est convenu d'appeler « le premier choc pétrolier ». Parallèlement, la liberté d'établissement dont bénéficiaient les ressortissants des États ayant récemment accédé à l'indépendance – les Algériens comme les travailleurs d'Afrique sub-saharienne – est progressivement supprimée. Ces aménagements apparaissent cependant comme insuffisants : avec la loi du 10 janvier 1980, dite « loi Bonnet », on va, pour la première fois, toucher à l'ordonnance de 1945, en donnant à l'administration la possibilité concrète de renvoyer les étrangers en situation irrégulière : le séjour irrégulier devient un motif d'expulsion au même titre que la menace pour l'ordre public, l'étranger expulsé peut être reconduit de force à la frontière et peut aussi être détenu dans un établissement pénitentiaire s'il n'est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire : c'est la première apparition de la rétention administrative. Toutes ces mesures sont vigoureusement contestées par la gauche, alors dans l'opposition, qui dénonce le caractère excessivement répressif du dispositif mis en place : il n'est donc pas surprenant que, aussitôt arrivée au pouvoir, elle décide de mettre en chantier une nouvelle réforme de l'ordonnance de 1945. 1981 - 1986La loi du 29 octobre 1981 prend sur beaucoup de points le contre-pied de la loi Bonnet. Les étrangers en situation irrégulière doivent être déférés devant le juge correctionnel, qui peut seul décider, en tenant compte de la situation personnelle et professionnelle de l'intéressé, de le reconduire à la frontière. La pratique redonnera malheureusement très vite à la procédure judiciaire un caractère expéditif et automatique. L'expulsion, de son côté, est entourée de garanties accrues, de procédure et de fond : en particulier, les étrangers mineurs ou ayant des attaches personnelles ou familiales en France ne peuvent plus faire l'objet de mesures d'éloignement. Néanmoins, l'ensemble de ces garanties disparaissent lorsque l'expulsion constitue « une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou pour la sécurité publique » ; or cette disposition, censée garantir l'État contre des menaces liées à l'espionnage ou au terrorisme, a été détournée de son objectif initial et utilisée pour pouvoir expulser des étrangers normalement protégés contre l'expulsion mais condamnés pour des crimes ou délits d'une certaine gravité. Cette immunité relative contre l'expulsion concrétise la reconnaissance à certaines catégories d'étrangers d'un véritable droit de demeurer sur le territoire français – un droit qui sera encore conforté par l'adoption de la loi du 17 juillet 1984. L'innovation la plus importante de cette loi réside dans la création d'une carte de résident valable dix ans, qui donne le droit d'exercer sans autorisation sur l'ensemble du territoire la profession de son choix et qui, dans la mesure où son renouvellement est automatique, confère à son titulaire un droit au séjour quasiment inconditionnel, aussi longtemps du moins qu'il ne menace pas l'ordre public. Elle est remise à tous les étrangers résidant en France régulièrement depuis plus de trois ans au moment de la promulgation de la loi ainsi qu'aux étrangers qui ont des attaches en France en raison de l'ancienneté de leur séjour ou des liens familiaux qu'ils y ont noués. Mais parallèlement à l'adoption de ces mesures qui transforment sensiblement la situation des étrangers installés en France, la gauche maintient en vigueur, en 1981, deux des dispositions les plus contestées de la loi Bonnet : l'exécution forcée des mesures d'expulsion, et surtout la « rétention » des étrangers en instance de départ forcé. Reprenant à son compte l'objectif de fermeture des frontières et de lutte contre l'immigration clandestine, elle n'estime pas opportun de se priver d'un moyen supplémentaire d'assurer l'effectivité des mesures de reconduite à la frontière ; elle se borne donc à entourer l'exercice de ces prérogatives exorbitantes de garanties de procédure supplémentaires, souvent illusoires au demeurant. De la première loi Pasqua à la loi JoxeEn sens inverse, la loi du 9 septembre 1986, dite « loi Pasqua », votée par une majorité de droite pendant la première cohabitation, revient sur un grand nombre de dispositions adoptées par la gauche : elle rend aux préfets, statuant seuls et sans aucune procédure permettant l'exercice des droits de la défense, le droit de prononcer la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; elle rétablit le régime de l'expulsion tel qu'il existait antérieurement à la loi du 29 octobre 1981 ; elle restreint la liste des étrangers protégés contre les mesures d'éloignement du territoire ou qui obtiennent de plein droit une carte de résident ; elle allonge encore la liste des documents exigés pour entrer sur le territoire français. À son tour, la loi du 2 août 1989, dite « loi Joxe », adoptée, non sans de longues hésitations, après le retour de la gauche au pouvoir, revient sur plusieurs points à l'esprit - et souvent à la lettre - de la loi du 29 octobre 1981, en libéralisant les règles relatives au séjour et à l'expulsion. Elle recule jusqu'à dix-huit ans l'âge auquel les jeunes étrangers doivent être en possession d'un titre de séjour, et elle instaure deux nouvelles garanties de procédure : la consultation préalable d'une commission du séjour des étrangers avant tout refus de délivrance d'une carte de résident à un étranger qui peut prétendre l'obtenir de plein droit ou avant tout refus de renouvellement d'une carte de séjour temporaire, et la possibilité de former un recours suspensif devant le tribunal administratif contre les mesures de reconduite à la frontière. L'effort fait pour inscrire dans la loi des garanties nouvelles n'empêche pas l'arbitraire administratif de se développer. Les droits nouvellement accordés sont trop souvent privés d'effets par une interprétation restrictive des textes et par la suspicion systématique à l'égard de tous ceux qui en réclament le bénéfice : les étudiants, les conjoints de Français, les demandeurs d'asile sont les principales victimes de ces pratiques contestables. En 1991 et 1992, un nouveau train de mesures présentées comme tendant à la « maîtrise de l'immigration » est progressivement mis en œuvre : contrôle renforcé sur les visas délivrés par les consulats, sanctions contre les compagnies aériennes qui transportent des voyageurs démunis des documents nécessaires pour entrer en France, renforcement des contrôles sur les étrangers venant en France pour une visite privée, renforcement des peines encourues en matière de travail clandestin, suppression du droit au travail pour les demandeurs d'asile, création de zones d'attente dans les ports et aéroports où les étrangers non admis sur le territoire et les demandeurs d'asile peuvent être maintenus pendant vingt jours... Pasqua bis, ter, quater...Ces gages donnés à l'opinion n'empêchent pas la déroute de la gauche aux élections législatives de mars 1993, qui ramènent au pouvoir une droite plus puissante que jamais. À court de propositions concrètes susceptibles de résoudre le seul problème qui menace sérieusement la cohésion de la société française, à savoir le chômage, le nouveau gouvernement s'empare de la question de l'immigration et fait adopter précipitamment par le Parlement trois textes : la loi du 22 juillet 1993 réformant le code de la nationalité et obligeant notamment les jeunes nés en France de parents étrangers à « manifester leur volonté » de devenir français pour acquérir la nationalité française ; la loi du 10 août 1993 facilitant les contrôles d'identité ; et la loi du 24 août 1993 complétée par celle du 30 décembre 1993 modifiant les conditions d'entrée, d'accueil (sic) et de séjour des étrangers en France. La loi du 24 août 1993, au cœur du dispositif mis en place par le ministre de l'Intérieur, est tout entière sous-tendue par une philosophie implicite selon laquelle les étrangers n'ont aucun droit à être en France ni à y demeurer. Ils ne peuvent par conséquent y jouir d'aucune protection, sinon celle que l'on consent, discrétionnairement, à leur accorder. Les possibilités de regroupement familial sont restreintes et des sanctions sévères menacent ceux dont la famille se maintient irrégulièrement sur le territoire ; les mariages entre Français et étrangers sont placés sous haute surveillance et le droit au séjour des conjoints de Français est limité, en vertu de la suspicion systématique qui pèse sur les mariages mixtes ; les personnes entrées en France alors qu'elles étaient enfants se voient retirer la garantie de pouvoir y demeurer après leur majorité ; les étrangers en situation irrégulière perdent tout droit aux prestations de sécurité sociale, même s'ils ont travaillé et cotisé plusieurs années ; les demandeurs d'asile doivent obtenir des préfectures une autorisation de séjour avant de pouvoir présenter leur demande à l'OFPRA, etc. Ces textes marquent donc une nette régression de la condition des étrangers dans le sens d'une précarité accrue. Et l'application stricte de ces textes par une administration moins accessible que jamais à des considérations de simple humanité en démultiplient encore les conséquences néfastes. Familles disloquées, conjoints séparés, femmes enceintes et malades privés de soins, enfants non scolarisés, Algériens rapatriés de force vers l'Algérie... : on pourrait sans peine allonger la liste des situations dramatiques engendrées par des textes excessivement rigoureux mis en œuvre avec une brutalité peu commune. À force de présenter la lutte contre l'immigration clandestine comme une priorité nationale et vitale, on a aussi suscité l'apparition de pratiques qui sapent les fondements mêmes de la démocratie et de l'État de droit : la violation délibérée des garanties de procédure prévues par une loi déjà bien peu contraignante pour ne pas prendre le risque de voir un seul étranger échapper à la reconduite à la frontière ; la suspicion généralisée à l'égard des étrangers ; la propension - spontanée ou encouragée - des agents de l'administration à dénoncer les étrangers en situation irrégulière ; les poursuites pénales engagées contre les personnes qui, en hébergeant l'un d'entre eux, se rendent coupables du délit d'aide à l'entrée ou au séjour irréguliers d'un étranger en France.
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Dernière mise à jour :
28-11-2006 11:54
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