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Plein Droit
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Les droits des Algériens en France IntroductionColl. « Cahiers juridiques », janvier 2000 Autre temps, autres moeurs. Lorsque, le 19 mars 1962, l'Algérie et la France ont signé les accords d'Évian reconnaissant l'indépendance de l'Algérie, les deux pays sont convenus que « les ressortissants algériens résidant en France et, notamment, les travailleurs, auront les mêmes droits que les nationaux français, à l'exception des droits politiques ». A ce principe d'égalité des droits, les accords d'Evian ont ajouté le respect de la libre circulation. Par cet accord bilatéral, les deux pays ont manifesté leur volonté de poser les bases d'un régime « spécial » qui, à l'origine, privilégiait les ressortissants algériens en matière d'entrée et de séjour comme de protection sociale. Mais avec l'évolution des textes et des pratiques administratives depuis 1962, le régime spécial, initialement plus favorable, est devenu au fil des ans d'une rigueur plus grande que celui du « droit commun », applicable aux autres étrangers. Et les principes d'égalité et de liberté de circulation qui fondaient les rapports franco-algériens ont été peu à peu remis en cause, jusqu'à disparaître quasi-totalement. Trois étapes rythment le durcissement des conditions d'entrée et de séjour des Algériens en France :
Les trois étapes de l'évolution du statut des Algériens et, sous d'autres modalités, de celui des ex-colonisés montrent la fragilité de tout statut dérogatoire. En l'espèce, il a permis sans difficultés de passer du temps des « privilèges » à celui des « handicaps », par le biais d'accords techniques d'État à État qui n'émeuvent personne. Les États ont leurs raisons que l'opinion ne connaît presque jamais. Cette régression constante de la position des Algériens s'est évidemment confirmée à l'occasion de la modification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la loi du 11 mai 1998 (la loi RÉSÉDA conçue par Jean-Pierre Chevènement). Celle-ci a accentué les différences de traitement entre Algériens (les Tunisiens et, dans une moindre mesure, les Marocains sont également pénalisés) et autres étrangers. Or, au nom du principe de la hiérarchie des normes, l'accord franco-algérien, qui régit les conditions d'entrée et de séjour des Algériens, prime sur la loi française : il est d'ailleurs appliqué aveuglément par l'administration française qui écarte systématiquement les dispositions de la loi plus favorables. Ainsi, les nouveaux titres de séjour créés par cette loi (la carte de séjour portant la mention « retraité », valable dix ans, les cartes temporaires portant la mention « vie privée et familiale », « scientifique » et « profession culturelle ou artistique », valables un an) ne sont pas accordés aux ressortissants algériens [1]. Ces exclusions semblent d'autant plus absurdes à moins qu'elles ne soient calculées que certaines catégories d'Algériens (les retraités et les parents d'enfants français notamment) sont, pour des raisons historiques, particulièrement nombreuses en France. De surcroît, certaines dispositions de la loi du 11 mai 1998 notamment celles relatives au droit de mener une vie privée et familiale normale sont directement inspirées par la Convention européenne des droits de l'homme. Elles ont donc vocation à s'appliquer à tous les étrangers. Les questions de protection sociale font, elles aussi, l'objet d'un accord spécifique entre les deux pays : la convention du 1er octobre 1980 est, globalement, plus favorable aux ressortissants algériens que ne l'est le droit commun pour les autres étrangers. La loi interne française devrait donc, selon le principe de hiérarchie des normes, s'effacer devant les dispositions de la convention bilatérale de sécurité sociale. Or, tel n'est pas le cas. L'administration applique en matière de protection sociale la loi interne, moins favorable notamment sur la condition de régularité de séjour que la convention franco-algérienne. Doit-on conclure que l'administration choisit les textes qui l'arrangent, c'est-à-dire ceux qui limitent le plus les droits des Algériens ? Trente-sept ans après l'accession de l'Algérie à l'indépendance, le bilan des relations franco-algériennes fait apparaître une nette régression. On est passé d'un dispositif attaché à faciliter la liberté de circulation à un régime particulièrement rigoureux et pénalisant. Qu'attendent les gouvernements des deux pays pour faire en sorte que le droit commun (conventions internationales d'abord, droit national ensuite, surtout quand celui-ci s'efforcera de respecter à la lettre les règles internationales) s'applique à tous ?
[1] Sur ce point, une récente décision du Conseil d'Etat ouvre cependant de nouvelles perspectives (CE, 14 avril 1999, Ijgua, document reproduit en annexe ; voir aussi Plein Droit n°43, p. 43).
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Dernière mise à jour :
27-08-2000 17:30. |