« Des étrangers sans droits dans une France bananière »
Rapport de mission en Guyane et à Saint-Martin

SUR L'ÎLE DE SAINT-MARTIN

Une carte de résidente
avec neuf années de retard

MME SINIPEREZ, DOMINICAINE

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« Depuis le 25 août 1979, j'habite à Saint-Martin. J'ai huit enfants. Trois des cinq qui sont là sont nés ici. L'un en 1985, l'autre en 1988 et le dernier en 1990. Ceux-là ont des passeports français.

» Pendant le cyclone, j'étais réfugiée à l'hôtel Laguna-Beach avec mes enfants et mon sac.

» Quand je suis revenue chez moi, le mercredi, tout était écrasé, cassé. La case était morte. Je suis retournée à l'hôtel. Le jeudi, comme je n'avais rien à manger et que l'hôtel était sans lumière, je suis partie à Marigot. On m'a dit d'aller au LEP, où j'ai été accueillie avec mes enfants, nourrie pendant 15 jours.

» Depuis, j'habite le village de tentes depuis le premier jour de son ouverture. On m'a donné à manger pendant environ un mois. Après, les gens devaient chercher à manger eux-mêmes.

» J'ai une carte de résidente depuis le 28 octobre 1994 ».

– Vous avez trois enfants français, dont le plus âgé est né le 26 décembre 1985. Vous auriez donc dû obtenir une carte de résident de plein droit dès 1985, en qualité de mère d'enfant français ?

« C'est pas ça ici. Ici, c'est plus dur.

» J'ai eu des cartes de trois mois. Après la naissance de mon deuxième enfant en 1988, son père a dit qu'il va demander des papiers pour moi. À partir de 1992, j'ai eu des récépissés de trois mois jusqu'à octobre 1994.

» La caisse d'allocations familiales m'a dit non, qu'il faut une carte de dix ans avant toute aide ».

– Comment avez-vous obtenu la carte de résident ?

« À l'hôpital , une dame m'a dit que je devais avoir des papiers. Un jour, à la sous-préfecture, une dame blanche est venue de la préfecture de Guadeloupe et a dit que celle qui a des enfants français doit avoir la carte de résident ».

– Vous vivez seule avec trois enfants : percevez-vous les allocations familiales et des aides sociales ?

« Non, j'ai demandé, le 23 janvier 1995, à la CAF, et rien jusqu'à aujourd'hui.

» J'ai reçu une convocation pour le 5 décembre 1995, me demandant tous les certificats de scolarité des enfants. Je les ai apportés. La dame a dit : "Enquête pour vérifier si j'ai mes enfants". J'attends l'enquête. Actuellement, je ne touche rien. Je suis inscrite à l'ANPE mais je n'ai pas d'emploi ».

– Comment nourrissez-vous vos enfants ?

« Je lave le linge d'un monsieur seul, au village de tentes. Sa femme a été renvoyée en Haïti. Comme ça, je peux manger ».