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Plein Droit n° 53-54, mars 2002
« Immigration : trente ans de combat par le droit »

Les « grands arrêts » du Gisti

Contre les étudiants irakiens,
une offensive qui a fait long feu

CE, 23 septembre 1992, Gisti et MRAP

En pleine guerre du Golfe, le ministre de l’éducation nationale a adressé aux présidents et directeurs des établissements d’enseignement supérieur, le 24 septembre 1990, une circulaire leur enjoignant de suspendre les stages des élèves irakiens en cours, de suspendre le versement des bouses d’études aux étudiants irakiens, de refuser l’inscription des étudiants pour l’année universitaire 1990-91 et d’annuler les inscriptions déjà effectuées, en exceptant les demandeurs d’asile et les réfugiés.

Cette circulaire était particulièrement détestable, puisqu’elle revenait à rendre collectivement responsable de la politique de Saddam Hussein et à prendre en somme en otage l’ensemble des ressortissants irakiens (parmi lesquels pouvaient au demeurant figurer, même s’ils n’avaient pas fait de demande d’asile, des opposants au régime). Il était également aisé de constater le peu de crédibilité du motif invoqué, à savoir une résolution prise par les pays de la Communauté européenne du 4 août 1990 de suspendre toute coopération scientifique et technique avec l’Irak. Les protestations que la circulaire a suscitées, lorsqu’elle est sortie de sa clandestinité, ont fini par convaincre les autorités qu’il y avait là pour le moins une « bavure », et moins d’un mois plus tard, le 18 octobre 1990, une autre circulaire venait annuler la précédente.

Mais le Gisti et le MRAP n’ont pas renoncé au recours qu’ils avaient déposé dès le 15 octobre, car au-delà de l’indignation qu’elle suscitait, la circulaire était également entachée d’illégalités multiples : d’abord, le ministre, compte tenu du principe de l’autonomie des universités, n’avait pas le pouvoir d’adresser des injonctions à leurs présidents ; ensuite, les dispositions de la circulaire revenaient à introduire dans le traitement des étudiants étrangers une discrimination fondée sur la nationalité, totalement arbitraire, et dont on pouvait soutenir avec quelque vraisemblance qu’elle tombait sous le coup de la loi pénale.

L’illégalité de la circulaire ne semblait faire aucun doute aux yeux du commissaire du gouvernement, qui proposait toutefois de prononcer un non-lieu à statuer au motif que la requête était devenue sans objet, puisque la circulaire avait été abrogée sans avoir eu le temps de s’appliquer. Le Conseil d’État ne l’a pas suivi et s’est déclaré incompétent pour statuer sur le litige, estimant que la circulaire contestée se rattachait à la conduite des relations diplomatiques de la France, autrement dit qu’elle constituait un « acte de gouvernement », échappant de ce fait au contrôle du juge. Échappatoire peu glorieuse, et motivation peu crédible, la rapidité avec laquelle le ministre avait changé d’avis montrant bien que les contraintes internationales prétextées n’avaient pesé que de peu de poids sur ses décisions.

* Les conclusions Kessler ont été publiées à l’Actualité juridique-droit administratif, 1992, p. 752.

23 septembre 1992. – 4e/1re sous-sect. Réunies. – 120437-120737 – Groupement d’information et de soutien des travailleurs immigrés (GISTI) et Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP).

Requêtes du Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (GISTI) et du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), qui demandent au Conseil d’Etat d’annuler la circulaire du ministre de l’éducation nationale du 24 septembre 1990 relative à la mise en œuvre des décisions concernant les étudiants, stagiaires et chercheurs irakiens en France ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Considérant...(jonction) ; .............................................................
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Cons. que la circulaire en date du 24 septembre 1990 par laquelle le ministre de l’éducation nationale a demandé aux établissements d’enseignement supérieur de suspendre toute coopération scientifique et technique avec l’Irak et d’interdire aux ressortissants de ce pays de s’inscrire pour l’année universitaire 1990-1991 n’est pas détachable de la conduite des relations diplomatiques de la France et échappe ainsi à tout contrôle juridictionnel ; que, par suite, la juridiction administrative n’est pas compétente pour connaître des requêtes du Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (GISTI) et du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette circulaire ; … (rejet des requêtes).

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Dernière mise à jour : 27-10-2003 15:47 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/plein-droit/53-54/j9.html


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