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Plein Droit
n° 53-54, mars 2002 Les « grands arrêts » du GistiUne interprétation
(prudente)
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À la suite de lentrée en vigueur de lavenant à laccord franco-algérien du 22 décembre 1985, une circulaire conjointe du ministre de lintérieur et du ministre des affaires sociales datée du 14 mars 1986 était venue en expliciter les termes. Le Gisti contestait plusieurs dispositions de cette circulaire, estimant quelles reposaient sur une interprétation inexacte de laccord franco-algérien. La raison pour laquelle larrêt rendu dans cette affaire
a acquis le statut de « grand arrêt »
résulte de ce quil a fourni loccasion dun
revirement important de jurisprudence mais ceci ne transparaît
pas à la simple lecture de larrêt. Jusque-là,
lorsque la solution dun litige nécessitait linterprétation
dune disposition obscure dune convention, le Conseil
dÉtat, sauf lorsquil sagissait dune
des grandes conventions multilatérales relatives aux droits
de lhomme, sestimait incompétent pour se livrer
à ce travail dinterprétation et se retournait
vers le ministre des affaires étrangères. Cette
jurisprudence suscitait de nombreuses critiques, notamment parce
que légalité des armes entre les parties nétait
pas respectée. Dans lespèce soumise par le
Gisti au Conseil dÉtat, elle aurait abouti à
des conséquences particulièrement choquantes, puisque
ce que le Gisti contestait, cétait précisément
linterprétation de laccord telle quelle
ressortait de la circulaire attaquée : on aurait en
somme demandé au ministre des affaires étrangères
de trancher entre la thèse de ses collègues de lintérieur
et des affaires sociales et la thèse du Gisti. Se reconnaissant ainsi le pouvoir dinterpréter lavenant à laccord franco-algérien, le Conseil dÉtat, comme on pouvait sy attendre, a fait de ce nouveau pouvoir une utilisation très prudente, qui la conduit à entériner sur presque tous les points celle des auteurs de la circulaire. Le seul point sur lequel le Gisti a obtenu satisfaction concerne les étudiants, pour lesquels le Conseil dÉtat a estimé que les accords dEvian de 1962 conservaient leur validité et quils pouvaient donc travailler, parallèlement à leurs études, sans avoir à demander dautorisation de travail. * Les grands arrêts de jurisprudence administrative. Les conclusions Abraham ont été publiées à lActualité juridique-droit administratif, 1990, p. 621. |
C.E. Ass. 29 juin 1990, Groupe dinformation et de soutien des travailleurs immigrés (GISTI), Rec. 171, concl. Abraham.
Vu lordonnance du 2 novembre 1945 ; le code du travail ; la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme ; laccord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par lavenant et le protocole du 22 décembre 1985 ; lordonnance n° 57-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Sur les conclusions tendant à lannulation des 7e et 10e alinéas du paragraphe 2.2.1.2. de la circulaire du 14 mars 1986 :
Considérant que si larticle 7 de la déclaration de principes relative à la coopération économique et financière entre la France et lAlgérie du 19 mars 1962 reconnaît aux ressortissants algériens résidant en France les même droits quaux nationaux français à lexception des droits politiques, les conditions dentrée et de séjour des ressortissants algériens en France sont régies par laccord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les conventions qui lont modifié ; quaux termes de larticle 7 b) dudit accord dans la rédaction issue de son premier avenant du 22 décembre 1985 : « Les ressortissants algériens désireux dexercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical dusage et sur présentation dun contrat de travail visé par les services du ministre chargé des travailleurs immigrés un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue lautorisation de travail exigée par la législation française » ; quen précisant que, pour lapplication de cette disposition lautorisation de travail serait délivrée selon les instructions applicables aux étrangers relevant du régime général et en tenant compte notamment, comme le prévoit larticle R. 341-4 du code du travail, de la situation de lemploi, les auteurs de la circulaire attaquée se sont bornés à interpréter exactement les stipulations de laccord ; que, les dispositions critiquées de la circulaire étant ainsi dépourvues de caractère réglementaire, le Groupe dinformation et de soutien des travailleurs immigrés nest pas recevable à en demander lannulation ;
Sur les conclusions tendant à lannulation du 24e alinéa du paragraphe 2.2.1.2. relatif aux autorisations provisoires de travail accordées aux étudiants algériens :
Cons. que le protocole annexé au premier avenant à laccord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne comporte, en ce qui concerne les ressortissants algériens admis à séjourner en France comme étudiants, aucune stipulation qui, lorsquils entendent exercer une activité salariée à titre accessoire, en même temps quils poursuivent leur études, subordonne lexercice de cette activité à lautorisation de travail exigée par la législation française ; quen prévoyant que les étudiants algériens voulant travailler seraient soumis à un régime comportant des autorisations provisoires de travail délivrées dans les conditions fixées par les circulaires des 24 février 1976 et 1er août 1985, lesquelles disposent quil sera tenu compte notamment de la situation de lemploi, et en abrogeant sur ce point la circulaire du 12 mars 1979 qui constatait quils étaient dispensés dune telle autorisation par larticle 7 de la déclaration de principes du 19 mars 1962, la circulaire a édicté une règle contraire aux conventions internationales applicables aux intéressés ; que le Groupe dinformation et de soutien des travailleurs immigrés est, par suite, recevable et fondé à en demander lannulation sur ce point ;
Sur les conclusions tendant à lannulation des dispositions du premier alinéa du paragraphe 3.1.1. en tant quelles incluent, parmi les membres de la famille susceptibles de bénéficier du regroupement familial, les « enfants mineurs de dix-huit ans » :
Cons. quaux termes du premier alinéa de larticle 4 de laccord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans la rédaction résultant du premier avenant audit accord : « Les membres de la famille qui sétablissent en France sont en possession dun certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne quils rejoignent » ; quaux termes du premier alinéa du titre II du protocole annexé audit avenant : « Les membres de la famille sentendent du conjoint dun ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu dune décision de lautorité judiciaire algérienne » ; quil ressort des pièces du dossier que les auteurs dudit avenant et du protocole annexé nont pas entendu modifier les stipulations antérieurement en vigueur de laccord du 27 décembre 1968 qui sappliquaient au conjoint et aux enfants mineurs de moins de dix-huit ans ; que, par suite, en indiquant quil fallait entendre par enfants mineurs les enfants mineurs de 18 ans, et non ceux de 19 et 21 ans conformément au droit algérien, les auteurs de la circulaire attaquée se sont bornés à interpréter exactement les termes de la convention franco-algérienne ; que la circulaire est donc sur ce point dépourvue de caractère réglementaire ; que le Groupe dinformation et de soutien des travailleurs immigrés nest, par suite, pas recevable à en demander lannulation ;
Sur les conclusions tendant à lannulation des dispositions du troisième alinéa du paragraphe 2.2.1.1. et de lavant-dernier alinéa du paragraphe 2.2.4. de la circulaire attaquée relatives au refus de délivrance dun certificat de résidence dun an ou un certificat de résidence de 10 ans si la présence en France de lintéressé constitue une menace pour lordre public :
Cons. quaucune disposition de laccord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par le premier avenant et le protocole du 22 décembre 1985 ne prive ladministration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à lentrée et au séjour des étrangers en France, de refuser ladmission au séjour dun ressortissant algérien en se fondant sur la circonstance que sa présence en France constitue une menace pour lordre public ; quainsi, et alors même que laccord susmentionné ne prévoyait pas une telle possibilité, les auteurs de la circulaire attaquée nont édicté sur ce point aucune règle nouvelle dont le Groupe dinformation et de soutien des travailleurs immigrés serait recevable à contester la légalité ;
Sur les autres dispositions de la circulaire attaquée :
Cons. que si lassociation requérante soutient que lensemble de la circulaire devrait être annulé en raison de lincompétence des ministres signataires, elle ne précise pas les dispositions de ladite circulaire, autres que celles précédemment analysées, qui auraient un caractère réglementaire ; quelle nest, par suite, pas recevable à demander cette annulation ; (annulation du 24e alinéa du paragraphe 2.2.1.2. de la circulaire ; rejet du surplus des conclusions de la requête).
Dernière mise à jour :
27-10-2003 15:46
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Cette page : https://www.gisti.org/
doc/plein-droit/53-54/j7.html