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Plein Droit n° 53-54, mars 2002
« Immigration : trente ans de combat par le droit »

Les « grands arrêts » du Gisti

Étudiants étrangers et français : égalité… sous condition

CE, 26 juillet 1982, Gisti et SGEN-CFDT

Alors que la décision de suspendre l’immigration n’était censée concerner que les travailleurs, on s’aperçoit très vite que son impact est beaucoup plus large : après les familles (voir ici), c’est au tour des étudiants étrangers de faire l’objet de mesures restrictives. Un décret du 31 décembre 1979, complété par deux arrêtés ministériels, organise une procédure de pré-inscription lourde et complexe.

Saisi par le Gisti et le SGEN, le Conseil d’État valide l’essentiel du système mis en place (et qui est encore en vigueur aujourd’hui), à deux réserves près. Il censure notamment le fait de n’avoir pas exclu du champ d’application de la procédure les étrangers résidant déjà en France, privés ainsi du libre choix de l’établissement d’accueil.

Le Conseil d’État est ainsi amené à préciser les contours du principe d’égalité : si, dit-il, les étrangers résidant hors de France ne se trouvent pas dans la même situation que les candidats français et peuvent donc être soumis à des règles spécifiques, il n’en va pas de même des étrangers résidant en France, qui doivent être soumis aux mêmes règles que les étudiants français.

26 juillet 1982 – 22.931 – 22.934. Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés et autre. – Requêtes n° 22.931 du Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés et n° 22.934 du syndicat général de l’éducation nationale CFDT tendant à l’annulation d’un décret et de deux arrêtés du 31 décembre 1979 relatifs à l’inscription des étudiants étrangers dans les universités et les établissements publics à caractère scientifique et culturel indépendants des universités ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ; l’ordonnance du 2 novembre 1945 ; la loi du 12 juillet 1875 ; la loi du 12 novembre 1968 ; le décret du 30 août 1978 portant publication de la convention européenne sur la reconnaissance académique des qualifications universitaires ; l’arrêté du 2 septembre 1969 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;

Considérant… (jonction) ; ……………………………………... ..
… …………………………………………………………………...

En ce qui concerne la recevabilité des requêtes : – Cons., d’une part, que le décret et les arrêtés attaqués s’appliquent notamment aux étrangers résidant en France titulaires d’un titre de séjour d’une durée de validité inférieure à trois ans ainsi qu’à leurs enfants mineurs ; que, par suite, le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés a intérêt à leur annulation ;

Cons., d’autre part, que le syndicat général de l’éducation nationale qui regroupe notamment des membres de l’enseignement supérieur a intérêt à contester la légalité d’un décret et d’arrêtés qui modifient les conditions d’accès à des établissements à la gestion desquels ces membres sont associés ;

En ce qui concerne la recevabilité des interventions : – Cons. que l’université de Paris VII et la Ligue des droits de l’homme et du citoyen ont intérêt à l’annulation du décret et des arrêtés attaqués ; que, par suite, l’intervention de ladite université au soutien des deux requêtes et celle de ladite ligue au soutien de la requête n° 22.931 sont recevables ;

En ce qui concerne la légalité du décret et des arrêtés attaqués : – Cons. que le décret et les arrêtés attaqués instituent à l’égard de la majeure partie des étudiants étrangers qui demandent à s’inscrire dans une université française une procédure de préinscription qui a pour unique objet, d’une part, de vérifier leur aptitude à suivre les enseignements conduisant au diplôme recherché, et, d’autre part, de déterminer l’établissement auprès duquel ils devront prendre leur inscription ; que, pour l’accès aux études universitaires, ils confient à une commission nationale composée, sous la présidence du directeur du centre national des œuvres universitaires, de membres de l’enseignement supérieur, le soin de contrôler que ces étudiants justifient des titres requis ainsi que « d’une connaissance suffisante de la langue française sur la base d’épreuves organisées par les services culturels français » dont sont toutefois dispensés les candidats titulaires du baccalauréat français ou d’un baccalauréat reconnu valable de plein droit ainsi que « les candidats titulaires d’un baccalauréat reconnu équivalent au baccalauréat français obtenu au terme d’études secondaires accomplies en totalité ou en majeure partie en français » ; que, pour le choix de l’établissement, ils donnent au président de la commission compétence pour en décider « compte tenu des préférences exprimées par les candidats, de l’appréciation des services culturels et de la commission et des capacités d’accueil de l’enseignement supérieur » ;

Sur le moyen d’incompétence : – Cons. que les dispositions du décret et des arrêtés attaqués qui sont relatives aux titres de capacité exigibles de candidats à l’enseignement supérieur et aux modalités de désignation, selon les ressources de la carte universitaire, de l’établissement public d’accueil, ne remettent pas en cause le principe du libre accès aux études universitaires en fonction de critères tirés exclusivement de l’aptitude des candidats et ne touchent par suite ni aux principes fondamentaux de l’enseignement au sens de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 ni aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France fixées par l’ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Sur la violation des droits conférés aux étrangers par la loi ou par des conventions internationales :– Cons. que, comme il a été dit ci-dessus, le décret et les arrêtés attaqués maintiennent le libre accès des étrangers aux études universitaires sur la seule justification de titres français ou équivalents et ne soumettent à un examen spécial, destiné à s’assurer d’une connaissance suffisante de la langue française, que les étrangers dont les études secondaires n’apportent pas par elles-mêmes la preuve de cette connaissance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce décret et ces arrêtés méconnaîtraient les droits que les étudiants étrangers tiendraient soit de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, soit des dispositions du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l’article 1er de la loi du 12 novembre 1968 relatives à l’accès à l’enseignement et à la culture, soit de la Convention européenne du 14 décembre 1959 sur la reconnaissance académique des qualifications universitaires, publiée au Journal officiel du 12 septembre 1978, dont l’article 4 autorise expressément chaque partie contractante à « imposer aux détenteurs d’une qualification universitaires étrangère une épreuve dans sa langue officielle, ou dans une de ses langues officielles, si leurs études ont été faites dans une autre langue » – manque en fait ;

Cons. qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont fondés à invoquer la violation du principe d’égalité des usagers devant le service public qu’en tant que le décret attaqué n’exclut pas de la procédure relative au choix de l’établissement d’accueil les candidats étrangers ayant en France leur résidence ;

Sur le détournement de pouvoir : – Cons. que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ; … (intervention de l’université Paris VII au soutien des deux requêtes et intervention de la Ligue des droits de l’homme et du citoyen au soutien de la requête n° 22.931 admises ; annulation du décret en tant qu’il n’exclut pas de la procédure qu’il institue pour le choix de l’établissement d’accueil les candidats étrangers ayant en France leur résidence et en tant qu’il retire aux candidats étrangers résidant en France le bénéfice des mesures prévues en faveur des candidats déjà engagés dans la vie professionnelle par les dispositions combinées de l’article 1er et de l’article 23 de la loi du 12 novembre 1968 ; rejet du surplus des conclusions).

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Dernière mise à jour : 27-10-2003 15:12 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/plein-droit/53-54/j3.html


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