Plein Droit n° 41-42,
avril 1999
« Inégaux en
dignité et en droits »
La commission nationale informatique et libertés
(CNIL) vient de rendre une décision établissant que la
nationalité des demandeurs de crédit ne peut être
prise en compte pour apprécier leur capacité de remboursement.
Cette prise de position fait suite à une enquête de la
revue « Que choisir » révélant des
pratiques discriminatoires de l'établissement Sofinco pour l'attribution
des cartes de crédit Open. Cet organisme excluait a priori
les « clients de nationalité statistiquement risquée ».
La CNIL, ayant effectué huit missions de contrôle et de
vérification auprès de divers établissements de
crédit, a constaté que la plupart d'entre eux appliquent
un critère de catégorie de nationalité sous la
forme suivante : « Français, CEE, autre »,
critère totalement exclu par plusieurs textes européens
et par le code pénal français. Par contre, la CNIL admet
que la durée de validité du titre de séjour du
ressortissant étranger vivant en France est une variable pertinente
pour l'octroi de crédits.
(Information lue dans CFDT magazine, mars 1999).
Créer son entreprise pour échapper
aux discriminations
Alors que l'effectif des commerçants, artisans et chefs d'entreprise
stagne, celui des étrangers exerçant ces professions a
augmenté de 50 % entre 1982 et 1990. En 1994,
la propension à créer une entreprise était ainsi
deux à trois fois plus élevée pour les étrangers
que pour les Français : elle s'élève à
18 pour 10 000 adultes français, à 49 pour 10 000
parmi les ressortissants des pays européens et à 47 pour 10 000
parmi les étrangers non ressortissants de l'Union européenne.
Ce résultat est relativement inattendu dans la mesure où
la propension à créer une entreprise est très fortement
corrélée au niveau de diplôme et que les étrangers
sont plutôt moins diplômés en moyenne.
Les causes de ce paradoxe sont sans doute multiples. Outre la plus
grande jeunesse de la population étrangère, on peut invoquer
l'effet de « sélection » propre à
toute immigration : l'émigration étant une démarche
coûteuse et difficile, ceux qui partent appartiennent souvent
à la fraction la plus entreprenante de la population. Des facteurs
liés à la demande de travail peuvent également
intervenir : dans le secteur du bâtiment et des travaux publics,
l'évolution du marché interne au profit de la rénovation
et de la réhabilitation d'une part, la multiplication des sous-traitances
« en cascade » sur les grands chantiers d'autre
part, ont fortement stimulé la demande d'activité artisanale.
Certains auteurs interprètent même cette propension à
créer son entreprise comme une caractéristique « culturelle »,
à l'image du petit épicier originaire d'Afrique du nord.
En fait, la principale raison expliquant la plus grande propension
des étrangers à créer leur entreprise est probablement
à chercher du côté des discriminations subies :
devenir travailleur indépendant est souvent la seule issue possible
pour de nombreux étrangers soumis aux interdictions légales
d'exercer certains emplois et aux discriminations illégales sur
le marché du travail salarié. La petite entreprise familiale,
loin d'être une démarche de repli imputable à une
différence « culturelle », constitue plutôt
un premier pas obligé pour sortir du chômage et de la précarité
qui touchent toujours plus les étrangers que les nationaux.
Dernière mise à jour :
1-05-2001 18:43.
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