COMMUNIQUÉ ATMF-CATRED-GISTI
Derrière médailles, décorations
et beaux discours...
Les discriminations et l'injustice perdurent
envers les anciens fonctionnaires
et combattants des ex-colonies
Les associations déposent un recours devant le
Conseil d'Etat et publient une note pratique complémentaire
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03/11/2004 — Lors des festivités
du 60ème anniversaire du débarquement de Provence d'août
1944, les autorités ont rendu hommage aux anciens combattants
des pays alors colonisés qui ont participé massivement
à la Libération de la France.
Dans le même temps et alors qu'ils ont rendu les mêmes
services, l'Etat refuse toujours d'attribuer aux anciens fonctionnaires
et anciens combattants des ex-colonies, des pensions égales à
celles servies aux Français [1].
Il méconnaît ainsi plusieurs décisions du Conseil
d'Etat prises à la suite du célèbre arrêt
Diop du 30 novembre 2001 qui ont condamné ce traitement
discriminatoire, contraire à la Convention européenne
des droits de l'Homme.
Avec la loi de finances rectificative pour 2002, le gouvernement français
est venu instaurer de nouvelles dispositions [2].
Si le titulaire de la pension ou son ayant droit résidait en
France au moment de la liquidation de ses droits, il percevra une pension
égale. Dans le cas contraire, un critère dit de « parité
de pouvoir d'achat » est appliqué aux seuls anciens
colonisés. Ce critère vise à moduler le montant
des prestations en fonction du coût de la vie du pays de résidence
de manière à conférer au bénéficiaire
un montant procurant le même pouvoir d'achat.
Ce critère, déjà contestable au regard du principe
d'égalité, n'est même pas respecté par le
gouvernement : un décret et un arrêté du 3 novembre
2003 édictent des mécanismes différents et fantaisistes,
ce qui aboutit à enfreindre même le critère de « parité
de pouvoir d'achat » décidé par le législateur
et à maintenir les discriminations (voir une
illustration en annexe).
Face à ce qui apparaît comme un nouveau subterfuge des
pouvoirs publics, les associations soussignées exigent le respect
de l'égalité des droits pour les anciens fonctionnaires
et anciens combattants étrangers, aujourd'hui très âgés.
Elles ont demandé l'abrogation de ces textes réglementaires
particulièrement iniques et, devant le refus du gouvernement,
ont décidé de saisir
le Conseil d'État [3].
Elles encouragent également les intéressés à
faire des recours devant le juge et publient à cet effet une
note
d'actualisation de la note pratique Égalité des droits
pour les anciens combattants et fonctionnaires éditée
en 2002 [4]. Cette nouvelle note d'actualisation
présente les changements récents. Elle est accessible
gratuitement sur internet [5].
Le 3 novembre 2004
Les mésaventures
des anciens combattants étrangers :
une illustration de la loterie des pensions
Un Français, un Sénégalais et un Marocain ont
combattu ensemble dans l’armée française, ont été
blessés lors de leur service, reconnus invalides et bénéficient
à ce titre d’une pension militaire d’invalidité
(PMI) avec le même taux d’invalidité (la blessure
ayant eu la même gravité et les mêmes conséquences
invalidantes). Le Sénégalais et le Marocain vivent dans
leur pays. Le lieu de résidence du Français n’a aucune
incidence sur sa pension : il peut d’ailleurs vivre au Sénégal
ou au Maroc avec un de ses anciens camarades.
La situation initiale
A cause des lois de « cristallisation », ils ne touchent
pas le même montant : si nous fixons arbitrairement le montant
à 100 € pour le Français, le Sénégalais
ne touche que 33,5 € et le Marocain seulement 9,3 €. C’est
précisément cette discrimination que le Conseil d’Etat
a condamnée dans son arrêt Diop du 30 novembre 2001.
NB : les montants réels des PMI dépendent de la durée
du service, du traitement durant le service et du taux d’invalidité.
La situation telle qu’elle devrait résulter
de la loi de 2002
La nouvelle loi a introduit un nouveau critère de calcul qui
aboutit à maintenir une différence de traitement selon
la nationalité du pays, d’autant plus que ce nouveau critère
ne s’applique pas aux ressortissants français (violation
du principe d’égalité protégé, notamment,
par la Convention européenne des droits de l’Homme). Seuls
le Sénégalais et le Marocain sont concernés par
ce nouveau mode de calcul.
Le législateur a souhaité que le montant de la prestation
soit différent selon le pays de résidence afin de tenir
compte des différences de coût de la vie entre les pays
et de manière à ce que la prestation confère une
égalité ou parité de pouvoir d’achat quel
que soit le pays de résidence. Le Sénégalais et
le Marocain doivent recevoir un montant leur permettant de disposer
du même pouvoir d’achat (d’où la parité
de pouvoir d’achat), c’est-à-dire un montant qui leur
permette d’acheter le même « panier de biens »
au Sénégal et au Maroc qu’une personne avec 100 €
en France. Comme les prix sont moins élevés - le coût
de la vie est moins cher – au Sénégal et au Maroc,
les montants reçus par le Sénégalais et le Marocain
doivent être plus faibles.
En appliquant ce critère, pour avoir le même pouvoir d’achat
qu’avec 100 € en France, le Sénégalais devrait
toucher 37 € (au lieu de 33,5 actuellement) et le Marocain 38 €
environ (au lieu de 9,3 actuellement). Les chiffres proviennent de la
Banque mondiale pour l’année 2002 (ils peuvent varier quelque
peu selon les sources et les années, mais les ordres de grandeur
ne changent pas). Avec ces montants moindres, le Sénégalais
et le Marocain disposeraient dans leurs pays respectifs du même
pouvoir d’achat que le Français avec 100 € en France.
Toutefois, la loi de 2002 a aussi prévu que la revalorisation
des pensions des étrangers ne pourrait pas être inférieure
à 20 %. Avec le critère de ‘parité de pouvoir
d’achat’, la revalorisation est très supérieure
à 20 % pour le Marocain, dont la pension devrait passer de 9,3
à 38 €, mais elle est inférieure à 20 % pour
le Sénégalais dont l’application du critère
de parité de pouvoir d’achat ne permet une revalorisation
que d’environ 10 % (de 33,5 à 37 €). Donc, pour le
Sénégalais, la revalorisation minimale de 20 % conduit
à un montant de 40,2 €.
Mais, justement, un décret et un arrêté du 3 novembre,
supposés mettre en œuvre la loi, ne suivent pas les règles
posées par cette loi
La situation telle qu’elle résulterait
par l’application du décret du 3 novembre 2003
Le décret ne met pas en œuvre l’application du critère
de parité de pouvoir d’achat prévu par la loi.
En effet, le décret précise que « Les parités
de pouvoir d’achat sont établies à partir du revenu
national brut par habitant, exprimé en dollar international calculé
par la Banque mondiale au 31 décembre de l’année
précédant celle au titre de laquelle est fixé le
coefficient » (article 2). Cette façon de procéder
– en partant du « revenu national brut par habitant
» – revient à substituer à un critère
de parité de pouvoir d’achat, critère qui tient compte
uniquement des différences de coûts de la vie entre le
pays de résidence et la France, un autre critère fondé,
lui, sur les différences de niveau de vie entre le pays de résidence
et la France (le revenu national brut par habitant en parité
de pouvoir d’achat).
L’application de ce nouveau critère, à partir de
données de la Banque mondiale, conduit à des coefficients
précisés dans un tableau annexé à l’arrêté
du 3 novembre 2003. Ces coefficients sont respectivement de 0,06 et
0,14 pour le Sénégal et pour le Maroc. L’application
de ces critères conduirait à des prestations de 6 €
pour le Sénégalais (contre 33,5 €) et de 14 €
pour le Marocain (contre 9,3 €) quand le Français touche
100 €.
Le décret précise toutefois la règle subsidiaire
qui veut que le montant soit revalorisé d’au moins 20 %
par rapport à la situation initiale. Du coup, le Sénégalais
devrait voir sa PMI augmenter de 33,5 à 40,2 € (et non 6
€ par application du critère posé par le décret).
Pour le Marocain, cela ne change rien. Il devrait recevoir 14 €
(contre 9,3€)
Les montants finalement versés
par l’administration
Les coefficients finalement retenus (fixés dans les tableaux
de l’arrêté du 3 novembre 2003) sont les suivants
: 40,1 € pour le Sénégalais et 14,3 € pour le
Marocain, soit les mêmes montants que ceux trouvés précédement
- à quelques chiffres après la virgule près –
mais ce qui reste très loin des 100 € reçus
par le Français. Les ressortissants étrangers subissent
toujours une forte discrimination par rapport aux Français.
Mais le Marocain pâtit aussi du fait que le décret enfreint
le critère de parité de pouvoir d’achat prévu
par la loi de 2002, sinon il recevrait 38 €, et non 14,3 €
seulement.
Il convient enfin de souligner que le critère de parité
de pouvoir d’achat n’est absolument jamais appliqué
(sinon le Sénégalais recevrait 37 € – et non
40,1 € – et le Marocain recevrait 38 € – et non
14,3 €) et pour aucun pays.
La justification de la réforme fondée sur ce nouveau critère
d’équité se révèle pour ce qu’elle
est : un subterfuge pour écarter le principe d’égalité.
La loterie des pensions d’anciens combattants continue.
Quels montants ? |
Français
|
Sénégalais
|
Marocain
|
Situation initiale - lois de « cristallisation » |
100
|
33,5
|
9,3
|
Loi de 2002 - application du critère de
parité de pouvoir d'achat |
nc
|
37
|
38
|
Loi de 2002 - application du critère de
pouvoir d'achat + revalorisation minimale de 20 % par rapport à
la situation initiale |
nc
|
40,2
|
38
|
Décret du 3 novembre 2003 (avec coefficients
calculés selon ce décret et tels que précisés
dans le tableau annexé à l'arrêté du
3 novembre) |
nc
|
6
|
14
|
Décret du 3 novembre 2003 (avec coefficients
calculés selon ce décret et tels que précisés
dans le tableau annexé à l'arrêté) +
revalorisation minimale de 20 % |
nc
|
40,2
|
14
|
Arrêté du 3 novembre 2003 - montants
finalement reçus par les étrangers(avec coefficients
des tableaux de l'arrêté) |
nc
|
40,1
|
14,3
|
nc : le Français n’est pas concerné
par les nouveaux modes de calcul fondés d’abord sur la nationalité
et ensuite sur la résidence
Notes
[1] Voir Les
spoliés de la décolonisation, numéro spécial
de la revue Plein Droit et les précédents communiqués
: Anciens combattants
et fonctionnaires étrangers : le gouvernement orchestre la désinformation,
23 novembre 2002 ; Mépris
et cynisme pour les anciens combattants marocains : Le secrétaire
d'Etat français en visite au Maroc confirme les discriminations,
16 février 2004
[2] « Basse
manœuvre », Plein Droit n° 57, mars
2003.
[3] Recours
devant le Conseil d'État déposé le 11 novembre
2004 (pdf, 227 ko)
[4] Égalité
des droits pour les anciens combattants et fonctionnaires : Comment
obtenir la revalorisation des pensions pour les anciens combattants
et anciens fonctionnaires civils ou militaires (téléchargeable
et traduite
pour partie en arabe)
[5] https://www.gisti.org/doc/publications/2004/retraites/

Dernière mise à jour :
26-11-2004 15:59
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