ACTIONS COLLECTIVES
Lettre aux sénateurs
Droit à la nationalité
française
pour les enfants confiés à l'ASE
Objet : la réforme de l'article
21-12, alinéa 3 du code civil sur l'acquisition de la nationalité
française par les enfants recueillis
Madame, Monsieur le Sénateur,
Courant octobre vous serez amené à examiner le projet
de loi relatif à l'immigration et au séjour des étrangers,
adopté en première lecture par l'Assemblée nationale
le 9 juillet 2003.
Un amendement parlementaire portant réforme d'une disposition
du code civil sur les conditions d'acquisition de la nationalité
française a été adopté sans susciter de
débat à l'Assemblée nationale. Cette disposition
qui concerne les mineurs étrangers confiés à l'aide
sociale à l'enfance risque pourtant d'avoir des effets extrêmement
néfastes sur la qualité de l'accueil réservé
à ces enfants dans notre pays. C'est ce qui conduit nos associations
à attirer votre attention sur ce point.
L'article 21-12, alinéa 3 du code civil prévoit que l'enfant
recueilli en France et élevé par une personne de nationalité
française ou confié au service de l'aide sociale à
l'enfance peut, jusqu'à sa majorité, acquérir la
nationalité française par déclaration. Cette déclaration
peut être faite devant le juge d'instance sans qu'il soit exigé
de délai de prise en charge par la personne de nationalité
française ou les services de l'aide sociale à l'enfance.
Cette rédaction résulte de la loi n° 73-42 du 9 janvier
1973 qui avait supprimé le délai de cinq ans de prise
en charge. Le projet de loi qui va vous être soumis réintroduit
ce délai de 5 ans :
Art 35 B (nouveau)
Le 1° de l'article 21-12 du code civil est ainsi rédigé
:
« 1° L'enfant qui, depuis au moins cinq ans, est
recueilli en France et élevé par une personne de nationalité
française ou confié au service de l'aide sociale à
l'enfance ».
Les raisons qui avaient motivé la réforme de 1973 sur
ce point nous semblent pourtant d'une brûlante actualité.
Il s'agissait de placer dans la situation la plus favorable ces enfants
privés de leurs parents et ayant souvent traversé de terribles
épreuves, pour leur permettre de se reconstruire un avenir sur
le sol français ; l'attribution de la nationalité française
étant ainsi conçue comme un moyen privilégié
de les aider à s'intégrer, et non comme l'aboutissement
d'un processus d'intégration tel que le prévoit par exemple
la procédure de naturalisation.
Dans ces conditions, pourquoi défaire maintenant ce qui avait
été si bien pensé en 1973 ?
A l'usage, ce dispositif s'est avéré être le meilleur
outil d'intégration pour ces jeunes isolés. Il permet
de donner du temps au suivi éducatif. Il assure un statut protecteur
ouvrant droit au travail, à la formation professionnelle et garantit
la pérennité du séjour sur le territoire.
Par ailleurs, le fait que ces enfants soient recueillis et élevés
par les services de l'aide sociale à l'enfance constitue une
véritable garantie de leur intégration ultérieure.
En ouvrant une telle possibilité, le législateur de 1973
a fait le pari du professionnalisme des équipes éducatives
chargées d'apprécier avec le jeune ses attentes et l'opportunité
d'une telle démarche. La présente réforme met à
mal cette relation : les éducateurs se trouveront privés
du socle permettant la construction d'un véritable projet éducatif.
Si la modification de cette disposition est définitivement adoptée,
les mineurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à
l'enfance n'auront désormais aucune perspective après
leurs dix-huit ans et seront renvoyés à la clandestinité,
à l'errance, aux trafics ou à la délinquance.
En acceptant la suppression de cette seule option, vous légitimeriez
une discrimination entre les enfants en danger : un enfant français
fera l'objet d'un projet à long terme, l'autre - étranger
- bénéficiera au mieux d'une simple prise en charge provisoire.
De plus, il serait aberrant de revoir à la baisse les droits
des mineurs étrangers isolés au moment même où
le ministre délégué à la famille présente
un projet de loi visant à améliorer l'accueil et la protection
de l'enfance.
Des préoccupations tenant à la maîtrise des flux
migratoires ne peuvent justifier une telle remise en cause de notre
système de protection de l'enfance. D'autant que, si le nombre
des mineurs étrangers isolés a crû ces dernières
années, il ne dépasse pas quelques centaines par an. Le
bilan du ministre de l'intérieur sur les placements de mineurs
étrangers isolés dans les zones d'attente des ports, aéroports,
et gares internationales, qui constitue un des seuls indicateurs en
la matière, constate même une baisse des arrivées
de ceux qui demandent l'asile : 628 en 2002 au lieu de 1070 en 2001.
Dans ces conditions, nous vous demandons de vous opposer à l'adoption
de cette disposition. Nous restons à votre disposition pour toutes
informations complémentaires.
Paris, le 1er octobre 2003
Signataires : Anef - Association française
des magistrats de la jeunesse et de la famille - Association Primo Levi
(soins et soutiens aux victimes de tortures et violences politiques)
- Cimade - ECPAT/France - Enfants du monde/Droits de l'homme - France
Libertés - Gisti - Jeunes Errants - Ligue des droits de l'homme
- Mrap - Parada/France - Parcours - SNPES-PJJ/FSU - Syndicat de la Magistrature.
Voir aussi :
Dernière mise à jour :
3-10-2003 13:21
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Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/2003/mineurs/lettre.html
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