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Guide
de l'entrée et du séjour des étrangers en France
Introduction (1/2)
Voir la nouvelle édition
Présentation
| Sommaire
détaillé
- Cinquante-cinq ans de législation
- Une ouverture très sélective des
frontières
- Retour sur 1945
- La fermeture des frontières
- 1981 - 1986
- De la première loi Pasqua
à la loi Joxe
- Pasqua bis, ter, quater...
- Le réveil des « sans
papiers »
Au risque de décevoir ceux qui attendaient qu'il tienne l'engagement
pris pendant la campagne électorale d'abroger les lois Pasqua et
Debré, a fortiori ceux qui auraient souhaité une
véritable rupture avec la politique suivie depuis plus de vingt
ans, le gouvernement a choisi une autre voie. Faisant le pari d'un consensus
possible transcendant les clivages politiques sur les principales orientations
de la politique d'immigration, il s'est exposé à subir les
critiques de ceux qui l'ont accusé de renier ses promesses sans
pour autant convaincre la droite d'adhérer aux réformes
proposées.
Un des premiers actes du nouveau gouvernement a été
d'engager une opération de régularisation destinée
à « mettre fin à la situation intolérable
ou inextricable dans laquelle se trouvent certains étrangers
présents sur [le] territoire » : conjoints
de Français, conjoints d'étrangers en situation régulière,
familles étrangères constituées de longue date
en France, parents d'enfants nés en France, étrangers
malades, célibataires justifiant d'un séjour d'au moins
de sept ans en France et répondant à certains critères
d'insertion... Mais sur un total d'environ 150 000 demandes déposées,
à peine plus de la moitié essentiellement
celles qui émanaient de familles, car les demandes présentées
par les célibataires ont fait l'objet d'un examen beaucoup plus
rigoureux ont été acceptées. Resteront
donc sur le territoire, de façon quasi-officielle puisque chacun
sait qu'il est impossible de les reconduire massivement à la
frontière, soixante à soixante-dix mille « sans
papiers », sans compter ceux qui n'ont pas présenté
de demande.
Très tôt également après l'entrée en
fonction du nouveau gouvernement, le Premier ministre a confié
à Patrick
Weil la mission de « définir une politique d'immigration
ferme et digne ». Deux lois en sont résultés,
l'une sur la nationalité,
qui revient, mais en partie seulement, sur la réforme de 1993,
l'autre sur l'entrée
et le séjour, la fameuse « loi Chevènement »,
qui, tout en apportant certains assouplissements à la législation
en vigueur, laisse subsister un grand nombre des dispositions contestées
des lois Pasqua et Debré.
Parmi les assouplissements on relève :
- la suppression, décidée par les députés,
du certificat d'hébergement ;
- l'inscription dans la loi de l'« asile territorial »,
qui consiste à autoriser le séjour en France des étrangers
dont la vie est menacée ou qui risqueraient d'être soumis
à des traitements inhumains ou dégradants dans leur
pays ;
- la possibilité d'accorder le statut de réfugié
à ceux qui « luttent pour la liberté »
sans entrer pour autant dans les critères (interprétés
de façon particulièrement restrictive par les autorités
françaises) de la Convention
de Genève ;
- le droit pour ceux qui ont des attaches en France sans remplir les
conditions d'obtention d'une carte de résident ou encore pour
les étrangers malades d'obtenir une carte de séjour
temporaire.
D'autres dispositions visent à alléger le nombre et la densité
des contrôles qui pèsent sur certaines catégories
d'étrangers : les ressortissants de l'Union européenne,
d'une part ; ceux dont l'intérêt personnel coïncide
avec les intérêts de la France investisseurs,
intellectuels, chercheurs, boursiers du gouvernement français,
artistes... d'autre part.
Il n'y a pas pour autant rupture avec la logique qui prévalait
antérieurement. La continuité se lit d'abord dans la systématisation
de la délivrance de cartes de séjour temporaires, y compris
aux étrangers qui ont des attaches en France, au détriment
du statut de résident : si la loi ouvre plus largement la
porte à des régularisations, c'est en consacrant la précarité
de la situation des étrangers ainsi régularisés.
Il y a continuité également sur le versant répressif :
la « double peine » qui consiste à
prononcer l'expulsion ou l'interdiction du territoire de l'étranger
condamné pour un délit de droit commun n'est
pas remise en cause ; l'allégation que l'étranger
représente une menace pour l'ordre public continue à faire
obstacle à toute délivrance d'un titre de séjour ;
la plupart des dispositions naguère jugées scélérates
de la
loi Debré mémorisation des empreintes digitales,
confiscation des passeports... sont conservées, la
durée maximum de la rétention est portée de dix
jours à douze jours...
Que l'on considère le contenu de la nouvelle législation
ou le discours officiel, tout atteste que la façon d'appréhender
l'immigration a finalement peu changé : l'objectif n'est
plus « l'immigration zéro », mais une ouverture
sélective des frontières aux étrangers dont la
France a besoin.
L'objectif était-il si différent quand, au lendemain de
la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement provisoire promulgua l'ordonnance
du 2 novembre 1945, la même qui, modifiée à
de nombreuses reprises, au gré des aléas de la politique
et de l'économie, est toujours en vigueur aujourd'hui et fixe les
grandes lignes de la législation concernant l'entrée et
le séjour des étrangers en France ?
A l'époque, certes, on savait qu'on aurait besoin des étrangers
pour combler le déficit en main-d'oeuvre de l'économie
française, et on s'apprêtait à les faire venir par
centaines de milliers. Mais si l'on met à part la considération
du nombre, la philosophie était en somme identique : l'immigration
était conçue uniquement comme un moyen de procurer à
la France en reconstruction la main-d'uvre dont elle avait besoin.
A l'origine, l'ordonnance de 1945 confère à un organisme
public, l'ONI (Office national d'immigration), rebaptisé plus
tard OMI (Office des migrations internationales), le monopole de l'introduction
en France de la main-d'oeuvre étrangère : le but
est de donner aux pouvoirs publics les moyens de mener une véritable
politique d'immigration et d'éviter le retour aux pratiques de
l'entre-deux guerres où les patrons, regroupés dans une
« société générale d'immigration »,
s'étaient progressivement substitués à l'Etat dans
ce domaine.
Mais les besoins de main-d'oeuvre sont tels et la procédure
prévue si lourde que la réglementation n'est guère
respectée. Ainsi, en dépit des textes qui confèrent
à l'ONI le monopole du recrutement et de l'introduction en France
des travailleurs étrangers et subordonnent le droit au séjour
à la production d'un contrat de travail dûment visé
par les services de l'emploi, l'immigration spontanée, qu'on
appellera plus tard « sauvage », est la règle :
les travailleurs étrangers entrent en France sous couvert d'un
simple passeport de touriste, ou même clandestinement ; ils
trouvent sans peine à s'embaucher, et obtiennent ensuite aisément
la carte de séjour et la carte de travail qui régularisent
leur situation. Une proportion croissante d'étranger échappent
au demeurant à ce monopole de plus en plus théorique de
l'ONI : les Italiens, en tant que ressortissants de la CEE, les
Algériens, auxquels, même après l'indépendance,
les accords d'Evian reconnaissent la liberté de circulation et
d'établissement ainsi que l'égalité des droits
avec les Français, les Africains de l'ancienne Communauté,
bénéficiaires eux aussi de la liberté d'établissement.
C'est à partir du début des années 70 que la « maîtrise
des flux migratoires » va peu à peu devenir la préoccupation
majeure des pouvoirs publics, à mesure que la situation économique
se dégrade et que le chômage s'étend. Après
le coup d'arrêt donné à la procédure de régularisation,
en 1972, par les circulaires Marcellin-Fontanet (respectivement ministre
de l'Intérieur et ministre du Travail) qui seront d'ailleurs partiellement
annulées par le Conseil d'Etat trois ans plus tard, c'est la décision
de suspendre l'immigration de travailleurs, prise en 1974 à la
suite du premier choc pétrolier, qui va conduire logiquement à
renforcer le dispositif de contrôle aux frontières et à
refuser la délivrance de nouvelles autorisations de travail.
Parallèlement, la liberté d'établissement dont
bénéficiaient les ressortissants des Etats ayant récemment
accédé à l'indépendance est progressivement
supprimée. Déjà, l'accord franco-algérien
du 27 décembre 1968 était venu encadrer la liberté
de circulation des Algériens en contingentant l'arrivée
de nouveaux travailleurs et en leur imposant, pour mieux pouvoir les
contrôler, la détention d'un certificat de résidence.
En novembre 1974, des circulaires prévoient que les travailleurs
d'Afrique sub-saharienne ne pourront plus s'installer librement en France.
Le processus se poursuit avec la signature, en 1985, d'un nouvel avenant
à l'accord franco-algérien, qui rompt définitivement
avec l'esprit et la lettre des accords d'Evian en alignant à
peu près complètement leur statut sur celui des étrangers
soumis au droit commun.
Ces aménagements apparaissent cependant comme insuffisants :
avec la loi du 10 janvier 1980, dite « loi Bonnet »,
on va, pour la première fois, toucher à l'ordonnance de
1945. Cette loi, adoptée dans un contexte marqué autant
par les préoccupations sécuritaires que par le souci de
lutter contre l'immigration clandestine, apporte au texte initial des
modifications importantes. Elle rend plus strictes les conditions d'entrée
sur le territoire ; elle fait de l'entrée ou du séjour
irrégulier un motif d'expulsion au même titre que la menace
pour l'ordre public, et permet par conséquent d'éloigner
du territoire les « clandestins » ou ceux dont
le titre de séjour n'a pas été renouvelé ;
enfin, elle prévoit la double faculté de reconduire l'étranger
expulsé à la frontière et de le détenir
dans un établissement pénitentiaire pendant un délai
pouvant aller jusqu'à sept jours s'il n'est pas en mesure de
quitter immédiatement le territoire, donnant ainsi un fondement
légal à des pratiques qui s'opéraient jusque là
en marge de la loi.
Toutes ces mesures sont vigoureusement contestées par la gauche,
alors dans l'opposition, qui dénonce le caractère excessivement
répressif du dispositif mis en place : il n'est donc pas
surprenant qu'aussitôt arrivée au pouvoir elle décide
de mettre en chantier une nouvelle réforme de l'ordonnance de
1945.
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Dernière mise à jour :
16-02-2005 15:50
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