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Plein Droit
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« Des
étrangers sans droits dans une France bananière » SUR L'ÎLE DE SAINT-MARTIN Chronologie des événements
A partir d'une revue de presse et surtout de divers témoignages,
on peut reconstituer l'histoire des mesures prises par les autorités
de Saint-Martin à la suite du cyclone Luis, leurs déclarations
et les réactions qu'elles ont suscitées.
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13 septembre : les travaux de terrassement précédant l'installation d'un village de tentes à Concordia commencent. Sur RCI, le maire, Albert Fleming, annonce que ces tentes accueilleront les personnes hébergées dans le lycée d'enseignement professionnel en majorité des étrangers dès la veille du cyclone. Il dément la rumeur selon laquelle il s'agit de regrouper ainsi ceux qu'on souhaite rapatrier.
15 septembre : le sous-préfet annonce le
lancement d'une opération d'aide aux « retours
volontaires », comportant billet d'avion gratuit pour
les candidats et l'envoi par mer de 2 mètres-cube de fret
(0,5 par enfant) et d'un véhicule.
Un « représentant » de la communauté
haïtienne déclare sur RCI : « Merci
au gouvernement français. Merci à Dieu. Confiance
en Dieu parce qu'il nous protège. Confiance au peuple saint-martinois
qui aidé nou, à gouvernement français, à
gouvernement européen, à gouvernement des Etats-Unis.
Bon dieu protégé nou. Il faut écouter ce que
disent les militaires français. On ne peut être respectable
que si on respecte les ordres ».
15 et 16 septembre : montage de 37 tentes simples (dix personnes) et de 2 doubles à Concordia.
18 septembre : premières opérations de contrôles d'identité, par des militaires armés, si l'on en croit certains témoignages, parmi les Haïtiens qui vivent dans des cases au quartier de Saint-James. Certains essaient de fuir dans les mornes (collines). Ils sont poursuivis et souvent rattrapés. On conduit tous les Haïtiens contrôlés au village de tentes de Concordia.
21 septembre : un hélicoptère confirme, par haut parleur, qu'il est interdit de reconstruire. Il ordonne aux habitants des bidonvilles de quitter leur domicile qui vont être rasés. Il lâche des tracts porteurs du même message.
22 septembre : des bulldozers commencent à procéder à la destruction des cases d'étrangers, notamment à Concordia. La gendarmerie fait évacuer le site, puis maintien les habitants à la périphérie, tandis que des employés recrutés par la mairie détruisent les habitations avec tout ce qu'elles contiennent. Les bulldozers achèvent le travail.
23 septembre : à l'aéroport régional
de Grand-Case (partie française de l'île), une centaine
d'hommes, de femmes et d'enfants haïtiens, encadrés
par des gendarmes, attendent d'être embarqués dans
des avions à destination d'Haïti. Les hommes, d'une
part, les femmes et les enfants, de l'autre, sont séparés.
Certains enfants suivis à l'hôpital, notamment un jeune
homme atteint d'une drépanocytose, sont là malgré
les certificats médicaux dont ils sont porteurs et qui déconseillent
formellement leur rapatriement. Tous les passagers sont présumés
être candidats au « retour volontaire »
organisé par la sous-préfecture.
A la télévision, sur RFO, le sociologue guadeloupéen
Jacky Dahomey dénonce, au nom de l'association Guadeloupe-Haïti,
les conditions de ces rapatriements.
25 septembre : Le Dr Franck Bardinet dénonce, à son tour, cette opération sur les ondes de RFO radio.
28 septembre : La Croix titre « Saint-Martin : les étrangers poussés au départ ».
29 septembre : le Monde titre « Des milliers d'étrangers sont menacés d'expulsion à Saint-Martin ».
1er octobre : à l'église de Marigot, le père Chérubin Céleste, qui fait fonction d'aumonier des étrangers en Guadeloupe, souligne, dans un sermon destiné à corriger le fatalisme de celui du père Charles, curé du lieu, que les Saint-Martinois ne paraissent pas mettre en pratique le devoir de charité à l'égard des étrangers. Le sous-préfet, présent à l'office, demande la parole et rappelle publiquement au père Céleste le devoir de discrétion prôné par Marc-Aurèle.
2 octobre : le père Céleste tient conférence de presse en qualité de président du Comité de soutien des immigrés caribéens en Guadeloupe. Il y dénonce la politique des autorités saint-martinoises à l'encontre des étrangers. « Pour mieux les exploiter, on ne les a pas déclarés, souligne-t-il. Ainsi, on les a maintenus dans une situation irrégulière, sans protestation de la préfecture. Et, aujourd'hui, M. Dieffenbacher, préfet de la France, les expulse parce qu'ils sont "illégaux"... Il profite du passage du cyclone Luis, qui a détruit tout ce qu'ils avaient, pour les refouler. Et il ose parler d'aide au retour ».
3 octobre : dans le quotidien France-Antilles,
le président de l'Association des Haïtiens immigrés
de Saint-Martin considère « le plan d'aide au
retour comme une déportation ». « Pour
le moment, précise-t-il, les autorités ont
eu gain de cause, mais nous connaissons la pratique des choses et,
comme l'a dit le président Aristide "si 75 % des
Haïtiens sont analphabètes, ils ne sont pas bêtes" ».
Il réclame l'ouverture de négociations permettant
de mettre au point un programme qui ne porte pas atteinte « à
notre fierté et en respectant notre dignité d'hommes ».
Dans le même journal, Mgr Ernest Cabo, évêque
de Guadeloupe, explique que le traitement des étrangers à
Saint-Martin lui « semble injuste et nous inquiète »
car les Haïtiens, en particulier, ont, selon lui, amplement
participé au développement des infrastructures touristiques
de l'île. Il souligne que les entrepreneurs locaux « ont
abusé d'eux ». L'évêque plaide
en faveur d'une « attitude plus humaine »
et souhaite qu'on « leur laisse un temps convenable
pour préparer leur retour ». Il invite enfin
la France à respecter « les principes de toute
civilisation, c'est-à-dire le respect de la personne humaine
et le droit de vivre dignement, le droit au travail et de sa législation,
le droit d'asile et le droit des enfants à l'éducation ».
9 octobre : des employés municipaux brûlent la maison en dur d'Emmanuel Marcelin à Saint-James, un Français d'origine haïtienne. Il est le premier à porter plainte.
13 octobre : dans la matinée, des civils
une dizaine, originaires, semble-t-il, de Grand-Case
informent les habitants (surtout des Haïtiens) du quartier
Saint-James (voie 42) que leurs maisons vont être brûlées.
Ils ne présentent aucun ordre de mission.
Mais, en date du 13 octobre 1995 (13 heures), le bureau d'urbanisme
de la mairie de Saint-Martin diffuse une note « Aux
personnes demeurant dans les habitations précaires situées
sur le morne de St James », qui leur annonce :
« Vous êtes mis en demeure d'évacuer vos logements
dans la journée le 12/10/95 (souligné par
la mairie. Rappelons que le document est, lui, daté du lendemain)
avant la destruction par les agents communaux. Vos propriétaires
ont été avertis des expulsions locatives. Vous avez
été vous-mêmes avertis par 2 fois (par hélicoptère
et gendarmes à pied avec police). Ceci est donc le dernier
avertissement ».
16 octobre : les mêmes reviennent, font sortir les habitants présents, pillent, épandent de l'essence et mettent le feu.
18-19 octobre : Libération titre « Saint-Martin : après le passage du cyclone, les immigrés trinquent ».
20 octobre : Mme P., résidente étrangère de la seule maison non brûlée de Saint-James, reçoit la visite de l'un de ses voisins saint-martinois. Il est en état d'ébriété. Il la menace de mort. Sans suite.
20 novembre 1995 : une Française, Cécile Robert reçoit la visite d'employés de la Société d'économie mixte de Saint-Martin (SEMSAMAR) accompagnés de deux gendarmes dans la maison qu'elle habite à Colombier. Ils lui annoncent qu'elle sera détruite trois jours plus tard. Elle protestera contre ce projet et portera plainte. Sa maison ne sera pas détruite, à la différence de celles de la plupart de ses voisins qui, eux, sont étrangers.
Janvier 1996 : au total, 506 étrangers ont accepté les « retours volontaires », et l'administration a exécuté 190 reconduites forcées à la frontière entre le 6 septembre et le 31 décembre 1995.
Dernière mise à jour :
25-01-2001 15:05.
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/publications/1996/bananier/saint-martin/chronologie.html