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Plein Droit n° 58,
décembre 2003
« Des camps pour étrangers » La criminalisation des réfugiés
en Australie
Eva Le Pallec
Anciennement chargée d'aide aux migrants,
Inner West Migrant Centre, Sydney
Si limmigration est la base de la construction
de la société australienne, elle est aussi la source dun
conflit majeur. Sa désignation, ces dernières années,
comme une menace, a favorisé la résurgence de la vision
conservatrice dune Australie blanche. Les événements
du 11 septembre ont achevé de diaboliser certains étrangers
et entériné lamalgame entre terroristes et demandeurs
dasile. Concrètement, la nouvelle politique dimmigration
sest traduite par des camps dinternement où hommes,
femmes et enfants sont détenus pour une durée illimitée
dans des conditions parfois inhumaines.
Historiquement, en Australie, limmigration a toujours
été considérée comme une immigration de
peuplement, faite pour durer. Sauf exceptions, les migrants nont
pas été vus comme des migrants temporaires, mais comme
des futurs résidents et des futurs citoyens. Lidée
étant que le nouveau migrant va faire partie de la communauté
et quil faut laider à sétablir pour
renforcer celle-ci. La conscience et laffirmation que limmigration
est nécessaire et quelle répond à un besoin
de construction de la communauté, de protection du groupe et
de sa perpétuation, sest aiguisée après la
Seconde guerre mondiale. Il est ainsi impensable, même à
lheure actuelle, de revendiquer une immigration zéro ou
une politique de fermeture des frontières.
Lhistoire de limmigration australienne est spécifique.
Commencée avec une colonisation et la non reconnaissance des
premiers habitants aborigènes, elle sest poursuivie avec
la White Australia Policy, politique instaurée en 1901
par The Immigration Restriction Act qui visait à éliminer
les migrants non Européens, voire non anglophones, notamment
à travers un test de langue. Dès lors, si limmigration
est la base de la construction de la société, elle est
aussi la source dun conflit majeur, de laffirmation quil
faut tracer une frontière entre soi (Britanniques et Irlandais)
et les autres, mais quil faut, dans le même temps, souvrir,
accueillir dautres migrants (dabord les Européens
du sud, puis ceux dAsie centrale et de lAsie dans son ensemble)
pour croître et diminuer son isolement. Ainsi, si la White
Australia Policy sest effritée progressivement face
à cette nécessité, elle na été
officiellement abolie quen 1973.
Si lon regarde de plus près lévolution de
la société australienne, on constate que le nombre de
personnes nées à létranger résidant
en Australie aujourdhui équivaut à celui de 1901
soit 20 à 22 % de la population totale (selon le recensement
de 1996). Cependant, la composition de la société et de
ses nouveaux membres sest diversifiée au cours du siècle.
Si le premier pays démigration est toujours le Royaume-Uni,
ses émigrés ne représentaient plus, en 1996, que
27 % du total des migrants alors quils étaient 58 %
en 1901. Après la Seconde guerre mondiale, la part des migrants
originaires dEurope du sud et de lest na cessé
daugmenter, de même que, à partir du début
des années 80, celle des migrants originaires dAsie.
Si limmigration apparaît donc comme stable et régulière
comparée à laugmentation démographique globale
de la population, elle a été, ces dernières années,
désignée comme une menace. Cette menace sest incarnée
dans les demandeurs dasile, ces migrants qui seraient illégaux,
qui refuseraient de respecter la procédure, et qui arriveraient
en masse par bateaux.
Qui accepte-t-on ?
Quen est-il de cette arrivée en masse ? [1]
Même si, comparativement à dautres pays, lAustralie
est loin daccueillir un nombre significatif de réfugiés,
une augmentation sensible des arrivées « irrégulières »
sest effectivement produite de 1999 à 2001 [2].
LAustralie pourrait donc considérer que, comme les autres
pays, elle prend sa part de réfugiés et que leur nombre
varie suivant la situation politique internationale. Mais, malgré
la situation géopolitique, la suspicion contre ces individus
accusés dêtre de « faux réfugiés »
est forte. Au-delà de la question de leur nombre (combien sont-ils ?
combien peut-on en accueillir ?), considérée comme
politiquement correcte et somme toute dapparence rationnelle,
cest la question du « qui » qui se cache
(qui veut-on ? qui accepte-t-on parmi nous ?). LAustralie
multiculturelle, libérale et sociale des années 70-80
et dont le dernier premier ministre travailliste Paul Keating avait
affirmé lancrage en Asie, cède alors la place à
une vision conservatrice, voire raciste, dune Australie blanche
telle que la définissait la White Australia Policy. En
effet, en novembre 2001, John Howard, chef du Liberal Party
a obtenu un troisième mandat de premier ministre. Exploitant
les événements du 11 septembre, il a orienté
toute sa campagne électorale sur la question de la sécurité
en en faisant une question identitaire qui ne pouvait se résoudre
que par le contrôle des frontières. Lors de la crise du
Tampa [3] et de ses réfugiés,
ce programme politique sest traduit par une phrase : « Nous
déciderons qui entrera en Australie et dans quelles circonstances ».
Lamalgame est devenu courant entre terroristes et demandeurs dasile,
désignés comme des hors-la-loi, des menteurs, accusés
notamment de jeter leurs enfants par-dessus bord [4].
Largument électoral a porté mais, au-delà,
John Howard proposait une adhésion à une idéologie,
à une vision de la société fondée sur lexclusion
dune certaine catégorie de personnes et mise en pratique
dans la politique dimmigration du gouvernement. Cette campagne,
qui accusait des réfugiés principalement en provenance
du Moyen-Orient, a développé progressivement, dans une
partie de la société, un sentiment de peur envers lIslam
et le Moyen-Orient, sentiment qui sest renforcé après
la retransmission de lattentat de Bali et la justification par
le gouvernement de lintervention armée en Irak.
La réalité pratique du discours de John Howard, appliqué
avec zèle par le ministre de limmigration Philip Ruddock,
ce sont des camps dinternement, appelés officiellement
Immigration Reception and processing centre. Hommes, femmes,
enfants arrivés par mer ou par air, sans visa préalable,
et qui justement désirent faire une demande de permis de séjour
(pour la majorité une demande dasile) sont directement
placés en centre de détention pour une durée illimitée
jusquau traitement de leur demande de visa (procédures
dappel comprises). En novembre 2001, 2 098 personnes,
dont 400 enfants, étaient détenues dans des centres éloignés
et 486, dont 153 enfants, en centres urbains. La durée de détention
varie de six mois à plus de deux ans.
En plein désert
Ce système de détention provisoire mis en place par le
gouvernement travailliste en 1994 et géré alors par des
fonctionnaires délégués du ministère sest
radicalement renforcé sous le gouvernement libéral. Depuis
fin 1997, les centres sont gérés par une compagnie de
services pénitentiaires privée, lAustralasian
Correctional Management (ACM), filiale de la compagnie américaine
Wackenhut, et sont désormais situés à lécart
de toute vie urbaine. Le tristement célèbre centre de
Woomera, construit en 1999, est situé en plein désert,
à 595 km au nord dAdelaïde. Une politique nommée
Pacific Solution a permis de conclure des accords avec les gouvernements
de républiques appauvries du Pacifique, lîle de Nauru
et la Papouasie Nouvelle-Guinée. En échange de rétributions
financières, des centres de détention ont été
ouverts sur leur territoire de telle sorte que les bateaux approchant
le continent australien ne puissent pas atteindre ses côtes et
soient systématiquement détournés sur dautres
îles [5].
Laccès des média aux centres est on ne peut plus
restreint mais de nombreux rapports nationaux et internationaux émanant
dorganismes habilités, dassociations et dernièrement
dune commission denquête sur la détention des
enfants ont détaillé les conditions de vie dans les divers
centres et les conséquences de lenfermement pour les personnes.
Les centres de détention, des baraques au toit de tôle,
sont entourés de barbelés. Les personnes y sont logées
dans des dortoirs. Ce sont la plupart du temps des constructions de
type temporaire qui nont pas été prévues
pour un long séjour. La capacité daccueil était
au départ très insuffisante, et certains centres navaient
pas daccès à leau chaude.
Depuis 1997, le gouvernement a amélioré les conditions
daccueil mais la surpopulation est courante. Les centres sont
divisés en zones relatives à la progression de la situation
administrative de la personne. Il existe une zone dite de « séparation »
(separation detention) dans laquelle les personnes sans papiers
qui viennent darriver doivent séjourner pour subir un contrôle
médical et attendre que leur identité soit vérifiée.
Selon les organisations des droits de lhomme, cette zone de séparation
empêche les nouveaux arrivants dapprendre des autres détenus
leur droit à faire une demande dasile (protection visa)
et à demander une assistance juridique. Une zone disolement
ou des cellules isolées dobservation sont prévues
en cas de problèmes de comportement. Le dernier rapport de la
commission australienne des droits de lhomme critiquait labsence
de procédure rigoureuse concernant cette pratique.
Certains centres permettent des sorties temporaires pour les adultes
ou pour les enfants. Des cours danglais sont en général
proposés, bien quen nombre insuffisant, et les enfants
peuvent parfois suivre un enseignement primaire. Certains enfants peuvent
se rendre à une école locale sil y a eu un accord
avec celle-ci. Des enfants victimes de violence ont aussi été
placés dans des structures daccueil extérieures.
Ces améliorations sont souvent dues aux pressions des opposants
et aux critiques des organisations des droits de lhomme, mais
ne constituent pas une politique générale.
La durée de détention, labsence dinformations
concernant la progression de leur dossier, linsuffisance dinterprètes,
la coupure avec le monde extérieur, la restriction des communications
téléphoniques avec leur famille ou leurs amis sont les
plaintes le plus régulièrement enregistrées. De
nombreuses réclamations concernent aussi le manque de respect
du personnel dACM envers les détenus. Laccès
aux soins, particulièrement aux soins dentaires et psychiques
apparaît comme très insuffisant. Une des clauses du contrat
du personnel médical employé par ACM est la non divulgation
dinformations sur les centres. Actuellement, un groupe de médecins
a entamé une procédure légale pour lever cette
clause.
Des témoignages et des rapports récents dénoncent
des dégâts psychologiques importants chez les enfants.
Par ailleurs, à la souffrance occasionnée par lenfermement
sajoutent souvent chez les réfugiés des symptômes
post-traumatiques qui ne sont pas pris en charge. Léquilibre
psychique futur des personnes est ainsi mis en danger. Lauto-mutilation,
les tentatives de suicide, les dépressions, les troubles du comportement,
la somatisation, les paroles et actes de désespoir sont le lot
commun des demandeurs dasile dans ces centres. Plusieurs grèves
de la faim se sont succédé et une tentative de libération
des prisonniers par des militants hostiles à cette politique
a eu lieu en juin 2002 à Woomera. Récemment, en avril 2003,
Woomera a été fermé et les détenus qui restaient
ont été transférés dans un autre centre.
Le centre de Woomera reste cependant disponible si besoin était.
Le 19 mai 2003, la chaîne publique ABC a diffusé
des images inédites filmées par le personnel dACM
dans le centre de Woomera, images terribles montrant des corps automutilés,
des personnes sans connaissance, des grévistes de la faim aux
lèvres cousues, des personnes se suspendant aux barbelés
et poussant des hurlements. Le documentaire montrait le service de soins
infirmiers où les gens sont allongés sur des matelas par
terre et dans les couloirs ainsi que la répression de lémeute
qui a fait de nombreux blessés (des centaines selon certains
rapports transmis au ministère de limmigration).
Selon danciens membres du personnel de ACM, peu de choses sont
connues car le personnel avait ordre de contrôler linformation
montrée aux organisations des droits de lhomme lors de
leurs visites. Ils racontent les conditions daccueil dramatiques
à louverture de Woomera et au moins jusquen 2000
où la population a atteint 1 500 personnes (plus de deux
fois la capacité daccueil). Ils relatent comment la compagnie
ACM aurait fait du profit en minimisant tous les coûts, notamment
de personnel, en nombre totalement insuffisant. Des rapports médicaux
mettant en cause la négligence grave de la direction du centre
auraient disparu. Selon les personnes interviewées, la direction
générale dACM et le ministre de limmigration
étaient au courant de ce qui se passait. Lune dentre
elles a demandé la nomination dune commission denquête
impartiale.
Quelque temps plus tard, en juillet 2003, la cour de justice relative
au droit de la famille (the Family Court) a été
saisie par des associations et a décrété illégale
la détention illimitée denfants dans les centres
de détention. Le gouvernement a fait appel.
Le centre de Woomera est donc vide depuis avril dernier, et la compagnie
ACM en voie de perdre le contrat de management des centres de détention
mis en place par le ministre de limmigration.
Accusés dêtre de faux réfugiés
Pour légitimer lenfermement de ces personnes et de ces
enfants qui demandent lasile, il a fallu les criminaliser par
un discours sans cesse repris. Selon le ministère de limmigration,
ce sont des gens qui sont liés à des passeurs criminels,
qui détournent et abusent du système dasile pour
leurs fins propres, et enfin qui « prennent des places
rares de réinstallation qui, autrement, seraient disponibles
pour des réfugiés identifiés à lextérieur
comme étant en grand besoin et pour lesquels cette réinstallation
est la seule solution viable » [6].
En fait, ils sont accusés de nêtre pas de vrais réfugiés
mais des profiteurs.
Il a fallu dautre part faire en sorte, par un changement continu
de législation, quils ne soient pas de vrais réfugiés.
Entre autres, le 1er octobre 2001, le Migration Act a été
amendé pour « clarifier lapplication en Australie
de la convention des Nations-Unies relative aux réfugiés »
et un cas de jurisprudence a précisé dans un sens très
restrictif cet amendement. De nouveaux permis de séjour ont été
introduits pour ceux arrivés sans visa dont la demande dasile
a cependant été acceptée. Ce sont des permis de
séjour temporaire de trois ans (Temporary protection visa,
TPV) alors que les réfugiés arrivés par le
programme du HCR ou légalement sur le territoire australien se
voient presque automatiquement accorder un permis de séjour permanent.
Les personnes ayant obtenu un TPV voient leurs droits sociaux considérablement
réduits et ne peuvent avoir accès à aucun programme
daide à linstallation des migrants financé
par le gouvernement (Settlement Scheme). Les demandeurs dasile
pour lesquels le gouvernement apporte la preuve que, depuis le départ
de leur pays dorigine, ils sont restés au moins sept jours
dans un pays où ils auraient pu demander et obtenir protection
ne pourront jamais faire la demande dun visa permanent. Enfin,
ceux qui accostent sur des îles australiennes mais pas sur le
continent se voient refuser le droit de demander dasile.
Cette politique laisse planer le doute et la suspicion sur lidentité
et le statut de ces personnes et les stigmatise. Elle permet de respecter
en apparence la règle fondamentale de la convention des Nations-Unies,
à savoir le non refoulement des réfugiés, tout
en la contournant. Donner un visa temporaire, cest se donner la
possibilité dune expulsion reportée. Ainsi, 80 %
des personnes secourues en 2001 par le Tampa et déportées
sur lile de Nauru avaient été reconnues à
lépoque par le HCR comme de vrais réfugiés
mais la procédure ayant tardé, ceux-ci, pour la plupart
venus dAfghanistan ne se voient plus à présent reconnaître
le statut de réfugié, le HCR estimant la situation de
ce pays suffisamment sûre.
La reconnaissance du droit dasile, du droit à la protection,
posé au départ comme un droit humain fondamental par la
communauté internationale et qui a permis à nombre de
personnes depuis 1951 de survivre et de se reconstruire, et sa remise
en cause par les pays occidentaux nous invite plus généralement
à réfléchir sur le droit à limmigration.
Notes
[1] En 2001, le continent asiatique compte près de
8,5 millions de réfugiés ou déplacés.
Il est suivi par lAfrique avec 6,1 millions et lEurope
avec 5 ,6 millions. Le Pakistan, a lui seul, abrite 2 millions de
personnes, lIran 1,9 million et lAllemagne 976000 alors
que lAustralie, qui a fait face à 19 400 demandes en
2000, a accordé lasile (permanent et temporaire confondus)
à 13 750 personnes en 2000-2001. Voir UNHCR : Number
of asylum applications submitted in 30 industrialized countries 1992-2001.
[2] En juin 1998, 1715 personnes sont
arrivées sans visa, en juin 1999, 3027, en juin 2000, 5870.
(source: Refugee Council of Australia).
[3] Le 26 août 2001, un cargo norvégien,
le MV Tampa porte secours au naufrage de 433 personnes, la plupart
originaires dAfghanistan, et se dirige vers lîle
de Christmas Island. Le gouvernement lui refuse la permission de naviguer
dans les eaux australiennes. Il décide aussi que les personnes
à bord et les futurs bateaux non autorisés à
accoster, ne seront pas autorisés à atteindre le continent
australien.
Malgré cela le MV Tampa traverse les eaux
australiennes jusquà lîle Christmas. Le gouvernement
envoie alors un navire militaire pour empêcher le Tampa daccoster.
La situation dégénère rapidement sur le Tampa
mais il faudra attendre le 3 septembre 2001 pour quun transfert
des personnes secourues seffectue du Tampa vers le navire de
la Navy australienne. Ces personnes ont ensuite été
dirigées vers lîle de Nauru pour y être détenues
en attendant le traitement de leur demande dasile. En octobre
de la même année, un bateau transportant 353 demandeurs
dasile, le Siev-X, a coulé officiellement sans avoir
été détecté à temps
[4] Le premier ministre a déclaré,
de source sûre, photos à lappui, que les naufragés
jetaient leurs enfants par dessus-bord pour faire pression sur le
gouvernement. La Navy démentira plus tard, les photos ayant
été prises après le naufrage. Dans le même
temps, le ministre de la défense de lépoque, Peter
Reith, suggérait quil était possible que des terroristes
se cachent parmi les passagers.
[5] Les demandes dasile sont alors
examinées par le HCR et les réfugiés reconnus
comme tels sont répartis sur différents pays: Australie,
Nouvelle-Zélande, Canada etc.
[6] DIMIA, Fact sheet 71 : New
measures to Strengthen Border Control. Le ministère fait
ici référence au programme de réinstallation
des réfugies du HCR auquel lAustralie participe avec
neuf autres pays. Le gouvernement impose un quota pour la délivrance
des visas de protection (statut de réfugié). Ainsi en
2001-2002, 12 000 personnes maximum pourront se voir attribuer le
statut de réfugié en Australie. Selon cette logique,
si 4000 personnes arrivent directement sur le continent australien
pour demander lasile, le gouvernement offrira 4000 places
de moins au programme du HCR attribuant des visas aux personnes en
attente dans les camps de réfugiés.
Dernière mise à jour :
12-01-2004 14:20
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