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Plein Droit n° 38, avril
1998
« Les faux-semblants de
la régularisation »
Le 17 février dernier, le Parlement européen
a adopté à Strasbourg une résolution sur la situation
des droits de l'homme dans l'Union européenne en 1996. C'est
la première fois que le Parlement prend position sur cette question,
en débat depuis plusieurs années, et considère
que la situation des droits de l'homme doit faire l'objet d'un examen
critique à l'intérieur de l'Europe même. Nous publions
ci-dessous la partie de cette résolution intitulée « Immigration
et droit d'asile ».
Aline Pailler, députée communiste française,
a présenté le texte de cette résolution et l'a
défendu, non sans mal, comme elle nous en a fait part :
« Lorsque j'ai souhaité, après concertation
et échange avec de nombreuses associations, aborder, au cur
de ce rapport, les droits économiques, sociaux et culturels,
les atteintes aux droits des personnes immigrées et au droit
d'asile, le vote positif final paraissait bien incertain ! Après
un vote à l'arraché (13 voix contre 12), en
commission des libertés publiques, la mobilisation des associations,
des députés et des groupes politiques, surtout à
gauche de l'hémicycle, a permis un vote nettement majoritaire,
le 17 février à Strasbourg (260 voix contre
188 et 32 abstentions). Le refus de vote d'une partie de la droite
et les insultes de l'extrême-droite n'ont pas empêché
la reconnaissance, par le Parlement européen, de l'indivisibilité
et de l'universalité des droits de l'homme, ce qui passe, à
propos des immigrés, par des « papiers »
pour tous, en Europe ».
« Le Parlement européen [...]
-
déplore le caractère exclusivement répressif
de nombreuses recommandations, déclarations, résolutions
adoptées ou en cours d'élaboration sur le plan communautaire,
notamment en ce qui concerne l'immigration, le droit d'asile, le
regroupement familial, la notion de réfugié ;
-
déplore qu'aucun État membre n'ait ratifié
la Convention internationale pour la protection des droits des travailleurs
migrants et de leurs familles approuvée par l'Assemblée
générale des Nations unies le 18 décembre
1990 ;
-
presse les États membres d'engager les procédures
de signature et de ratification ; prend acte du processus de
régularisation des « sans-papiers » engagé
dans certains États membres ;
-
engage tous les États membres à suivre cet exemple
et à procéder à la régularisation des
« sans-papiers », dans le respect des droits
de l'homme et des conventions internationales ;
-
demande aux États membres de garantir l'effet suspensif
de l'appel dans tous les cas de demandes de régularisation
par des immigrés déboutés en première
instance ;
-
demande que les immigrés extracommunautaires bénéficient
de l'égalité de traitement en matière de droits
économiques et sociaux, de la reconnaissance des droits civiques,
culturels et politiques, notamment le droit de vote aux élections
locales, pour ceux qui résident depuis plus de cinq ans
dans un État membre, conformément à la Convention
du Conseil de l'Europe ; fait observer que la dignité
humaine est intangible et que, par conséquent, des droits
de l'homme inviolables et inaliénables constituent la base
de toute communauté humaine, de la paix et de la justice
dans le monde, et que, partant, ces droits doivent être reconnus
sans restriction aucune à toutes les personnes sur le territoire
de l'Union européenne ;
-
demande que le droit de vivre en famille soit pleinement reconnu,
ce qui implique que toutes les personnes qui résident ou
travaillent dans un État membre puissent bénéficier
du droit au regroupement familial ;
-
demande de nouveau aux États membres d'examiner les raisons
pour lesquelles des demandeurs d'asile mineurs ont fui leur pays,
selon une procédure spéciale, adaptée à
leur âge, de leur accorder un statut de résidence sûr,
de garantir leur entretien et de les faire bénéficier,
indépendamment de la reconnaissance du statut de demandeur
d'asile, de mesures de regroupement familial ;
-
reconnaît que les règles de la nationalité
relèvent des États membres et peuvent reposer à
la fois sur le principe du droit du sang et sur celui du droit du
sol ; réaffirme que l'exercice des droits civiques devrait
être lié à l'acquisition de la nationalité ;
demande aux États membres de permettre aux ressortissants
de pays tiers qui ont obtenu un permis de séjour de longue
durée et qui ont l'intention de continuer à séjourner
dans l'Union d'acquérir la nationalité ;
-
estime que l'expulsion pratiquée par certains États
membres de résidents non communautaires condamnés
au pénal et qui ont purgé leur peine relève
de la « double peine » ; invite les États
membres à éliminer toute possibilité de « double
peine » ;
-
déplore que les raisons justifiant l'emprisonnement de
demandeurs d'asile ne soient pas, souvent, conformer aux normes
convenues internationalement ; dénonce les conditions
déplorables que subissent les demandeurs d'asile dans les
zones d'attente et les centres de rétention ; charge
sa commission des libertés publiques et des affaires intérieures
d'élaborer un rapport spécifique sur cette question,
avec des visites sur place ; exige des États membres
des améliorations immédiates, que ce soit en matière
d'hygiène, d'alimentation et de respect de la personne humaine ;
-
demande que les demandeuses d'asile et les femmes migrantes puissent
bénéficier de droits propres indépendamment
de leur état matrimonial ; condamne les discriminations
dont sont victimes les femmes et les hommes célibataires
quant à la reconnaissance de leurs droits ;
-
demande qu'aucune mesure d'expulsion ou de reconduite à
la frontière ne soit prise à l'encontre d'un étranger
médicalement reconnu comme atteint d'une pathologie grave
ou de ses parents ou tuteurs s'il est mineur ou dépendant ;
-
dénonce la violation persistante par le Conseil de l'article 7A
du traité CE qui prévoyait l'instauration de la libre
circulation des personnes et l'abolition des frontières intérieures
au 31 décembre 1992 ;
-
invite les États membres à ne pas imposer de nouvelles
restrictions à l'entrée et au séjour des étrangers,
à mettre en uvre des garanties respectueuses des droits
de l'homme pour le traitement équitable des demandes d'asile ;
-
demande le plein respect par les États membres de leurs
obligations en vertu de la Convention de Genève du 28 juillet
1951 sur le statut de réfugié, et le protocole de
New York du 21 janvier 1967 y afférent ; demande
aux États membres de se conformer scrupuleusement aux principes
élaborés par le Comité exécutif du Haut
commissariat aux réfugiés ;
-
déplore que la notion de « pays tiers sûrs »
ne garantisse pas toujours une véritable protection pour
le demandeur d'asile qui peut être renvoyé vers un
pays où il a été victime de violation des droits
de l'homme ou dans lequel il est menacé ; demande aux
États membres de garantir l'effet suspensif de l'appel ;
-
demande au Conseil et aux États membres de reconnaître
le droit d'accès à la procédure d'asile des
victimes de persécutions perpétrées dans des
situations de violence interne généralisée ;
-
estime que les sanctions infligées aux transporteurs et
l'exigence de visas pour les demandeurs d'asile constituent des
obstacles inacceptables pour l'accès à la procédure
d'asile ;
-
condamne les reconduites collectives aux frontières interdites
par la Convention européenne des droits de l'homme ;
-
considère qu'il faut mettre un terme aux rapatriements
forcés et aux expulsions effectués à grande
échelle et clandestinement après administration de
produits stupéfiants aux personnes concernées, que
celles-ci soient renvoyées dans leur pays d'origine, alors
qu'y règne une situation de guerre, ou envoyées dans
d'autres pays, sans que cela soit justifié par l'existence
d'un quelconque conflit ;
-
s'inquiète de la tendance des États à substituer
une protection précaire et temporaire, sous des formes très
variables selon les États membres, à la reconnaissance
d'un véritable statut de réfugié en vertu de
la Convention de Genève ; regrette que l'application
harmonisée de la définition de réfugié
adoptée par le Conseil exclue les personnes victimes de violences
sexuelles et celles persécutées dans leur pays, même
si la persécution n'émane pas des autorités
étatiques ; affirme que ces personnes doivent pouvoir
trouver dans l'Union européenne une protection conforme aux
engagements internationaux des États membres ;
-
estime nécessaire de renforcer la lutte contre l'immigration
clandestine, ses réseaux et ses trafiquants, et de combattre
le travail clandestin, la menace de sanctions pénales dont
ce délit est passible devant être telle qu'elle ait
un effet dissuasif ;
-
attire l'attention des États signataires de l'accord de
Schengen sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l'homme en ce qui concerne l'article 3 de la CEDH, et leur
demande instamment de ne pas expulser les immigrants et réfugiés,
même entrés illégalement sur leur territoire,
vers des pays où ils pourraient être victimes de tortures
ou d'autres traitement inhumains ou dégradants, voire où
l'on est fondé de penser que les personnes expulsées
pourraient être exposées à de tels traitements,
et de ne pas conclure d'accord de rapatriement avec ces pays ;
-
invite le Conseil, la Commission et les États membres à
mettre en uvre les recommandations du Sommet social de Copenhague
et à renforcer les politiques de coopération avec
les pays en développement afin d'agir sur les causes structurelles
et conjoncturelles des mouvements migratoires ».
Dernière mise à jour :
11-06-2002 14:48
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