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Plein
Droit n° 32, juillet 96 - Sans frontières ?
Contre l'extrême droite,
la liberté de circulation
Jean-Pierre Alaux
Annexes
Faute de frappe, erreur de droit ou... confusion
organisée ?
Dans son communiqué du 26 juin 1996 consacré aux «
réfugiés de Saint-Ambroise », le ministère
de l'intérieur utilise une formule qui, bien que péremptoire,
est juridiquement totalement erronée : « L'application
de la loi et les instructions données à cet effet pour des
raisons d' humanité dès le mois de juin 1995 par le ministre
de l'intérieur pour ce qui concerne les parents d'enfants
nés avant le 1er janvier 1994 sur notre territoire et de ce fait
automatiquement français, permettent de délivrer
unecarte de séjour d'un an automatiquement renouvelable à
48 adultes ».
Si la loi du 22&nbps;juillet 1993 réformant
le code de la nationalité (dont une partie des dispositions est
etrée en vigueur au 1er janvier 1994) a bien supprimé
le caractère automatique de l'acquisition de la nationalité
française pour certains enfants nés en France de parents
étrangers, cette automaticité était loin de les
concerner tous. En clair, le fait de naître en France n'a jamais
permis à lui seul d'obtenir la nationalité française
dès la naissance, sauf, naturellement, si l'un des deux parents
est lui-même français.
- Qui devenait automatiquement français à la
naissance avant le 1er janvier 1994 ?
En application du principe du double droit du sol, l'acquisition automatique
de la nationalité française concernait les enfants d'étrangers
nés en France, dont l'un des parents au moins était
lui-même né sur un territoire anciennement français.
C'st-à-dire si ce parent était né dans les anciennes
colonies françaises ou territoires d'Outre-mer avant qu'ils
n'accèdent à l'indépendance. Par exemple, en
Algérie avant 1962, au Mali, au Sénégal, en Côte
d'Ivoire, en Mauritanie avant 1960, en Guinée avant 1958...
Qu'en est-il aujourd'hui ?
L'acquisition automatique par le double droit du sol a été
supprimée par la loi du 22 juillet
1993. Elle ne s'applique donc plus aux enfants nés après
le 1er janvier 1994 (date d'entrée en vigueur de cette disposition
de la loi). Mais elle reste valable pour tous les enfants nés
avant cette date, qui sont nés et restés français,
même si leurs parents n'ont pas demandé le certificat
de nationalité.
Seule exception : les enfants nés en France de parents
algériens, eux-mêmes nés avant 1962, sont français
de naissance si leurs parents justifient de 5 ans de résidence
régulière en France.
- Qui pouvait devenir français avant la loi du 22 juillet
1993 ?
Les enfants, nés en France, de parents étrangers et
ne pouvant bénéficier du double droit du sol (soit parce
que leurs parents n'étaient pas originaires d'un DOM ou d'un
TOM, soit parce que leurs parents étaient nés après
l'indépendance de leur pays) pouvaient devenir français
si leurs parents en faisaient la réclamation, à condition
que ceux-ci puissent justifier d'une résidence régulière
en France depuis au moins 5 ans au moment de la demande.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Cette disposition, qui permettait à des parents étrangers
de réclamer la nationalité française pour leur
enfant né en France pendant sa minorité, a été
supprimée. Elle ne peut plus être invoquée,
même si l'enfant est né avant la loi de 1993. Désormais,
les enfants nés en France peuvent devenir français
à partir de l'âge de 16 ans, à condition d'en
manifester la volonté. Mais, jusqu'à cet âge,
ils ont la nationalité de leurs parents.
Il n'est pas habituel qu'une association s'interroge et interroge publiquement
sur le fait de savoir s'il est encore légitime de coopérer
avec la direction d'une autre association, en l'occurence celle de SOS
Racisme. Mais elle a multiplié tant d'attitudes et de déclarations
équivoques au cours des derniers mois que la question paraît
inévitable.
- L'AFFAIRE JEAN DE BOISHUE
On rappellera pour mémoire l'affaire Jean de Boishue, du nom
du secrétaire d'état du premier gouvernement Juppé
qui a commis en 1995 l'ouvrage Banlieue mon
amour, dans lequel s'étalent des propos aux accents si
douteux en termes de racisme que des personnes évoquées
dans le livre et SOS Racisme ont notamment saisi la justice d'une
plainte pour injure et diffamation publiques envers un particulier
« en raison de sa race, de sa religion
ou de son origine ». Vint ensuite le moment où
la direction de SOS Racisme jugea opportun d'annuler sa constitution
de partie civile et, selon le Monde [1]
qui n'a pas reçu de démenti, de négocier ce désistement
avec l'auteur. Le 5 décembre 1995, la dix-septième chambre
du tribunal correctionnel de Paris jugea, quant à elle, qu'il
y avait bien « diffamation raciale ».
Mais SOS Racisme n'était plus aux côtés de la
victime, à la différence de la FASTI, du GISTI et du
MRAP.
- LES SANS-PAPIERS DE SAINT-AMBROISE
Quelques jours après l'évacuation forcée de l'église
Saint-Ambroise, puis du gymnase Japy (Paris 11e) brièvement
occupés en mars 1996 par ceux qui allaient devenir les « réfugiés
de Saint-Ambroise », le président de SOS Racisme,
Fodé Sylla, dans une interview au Parisien
[2], a déclaré :
« Je trouve scandaleux qu'un certain
nombre de groupements et de groupuscules utilisent le malheur de ces
gens-là pour des manoeuvres politiciennes et pour en découdre
avec le gouvernement (...). Je demande aux gens d'aller travailler
dans leur domaine de compétence. Certains le sont dans les
problèmes de logement, d'autres dans le domaine des immigrés ».
Et de conclure : « Quant aux groupuscules,
je leur dis que leur comportement est similaire au comportement du
Front national ».
Depuis quand la défense des droits des étrangers
est-elle la propriété des organisations spécialisées ?
C'est une bien étrange conception de la démocratie
que défend là Fodé Sylla. Quand se pose un
problème de société, c'est la société
qui doit le traiter, y compris les groupuscules. Pour avoir collaboré
avec eux jusqu'à ce jour à la défense des sans-papiers,
le GISTI se félicite de leur engagement et regrette que davantage
d'organisations de tous les secteurs de la société
ne se soient vigoureusement associées à leur lutte,
surtout en l'absence remarquée de SOS Racisme, notamment
rue Pajol.
Quant à la ressemblance avec le Front national, elle est
de toute évidence davantage du côté de ceux
qui condamnent les mouvements des sans-papiers que de celui des
organisations qui les soutiennent.
Ces diverses initiatives et déclarations ont, pour le moins, troublé
le GISTI. Sauf retour espéré de sa part à un comportement
et à des expressions plus conformes aux intérêts des
étrangers, nous nous tiendrons, comme nous l'avons fait au cours
de ces derniers mois, à distance de la direction de SOS Racisme,
sans pour autant nous interdire de coopérer sur le terrain avec
les militants de cette association qui, partout, continuent, quant à
eux, à défendre loyalement des causes dans lesquelles nous
nous reconnaissons.
[1] Le
Monde, « SOS Racisme et M. de Boishue s'accordent dans
les coulisses de la justice », 27 septembre 1995.
[2] Le Parisien,
« Expulsés : SOS Racisme dénonce les
agitateurs », 28 mars 1996.
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Dernière mise à jour :
27-08-2000 18:04.
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