Plein Droit
n° 20, février 1993
Europe : un espace de « soft-apartheid »
Franchissement des frontières extérieures :
une convention
double emploi ?
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Dans l'optique d'une approche commune de l'immigration
illégale, les Etats membres se proposent de coopérer « au
sujet du contrôle des frontières dans le cadre de la Convention
relative au franchissement des frontières extérieures » [1].
La Convention, à laquelle les partenaires européens ne
cessent de faire référence, est pourtant tombée
en panne de signature, principalement à cause du désaccord
entre le Royaume-Uni et l'Espagne sur l'application du dispositif conventionnel
au territoire de Gibraltar. La plupart de ses dispositions étant
cependant contenues dans les autres conventions, leur application ne
fait aucun doute et on peut s'interroger sur l'utilité de ce
nouveau texte.
La Convention, qui a vocation à s'appliquer aux Douze, est le
résultat des travaux du groupe ad hoc immigration dont
le premier souci est de se prémunir tant des migrations extra-communautaires
que des mobilités à l'intérieur du territoire commun,
le terme de « mobilité » étant entendu
dans son application à la résidence. C'est ainsi que les
négociateurs se sont fixé deux objectifs principaux :
- établir en commun des normes relatives au contrôle
des frontières et à l'admission au séjour de
courte durée ;
- mettre en place une politique commune de visas.
Le contrôle des frontières extérieures relève
de la compétence de l'Etat membre dans lequel arrive la personne
en provenance d'un pays tiers. L'accès au territoire commun sous-entend
la prise en compte, à l'occasion du contrôle, des intérêts
de l'ensemble des Etats membres. La vérification, tant des bagages
que des documents nécessaires à l'entrée, doit permettre
la recherche et la prévention des menaces pour la sécurité
nationale et l'ordre public, et favoriser la lutte contre l'immigration
clandestine.
Dans la Communauté, un dispositif de surveillance est prévu
pour les déplacements au moyen de vols intérieurs, de
façon à encadrer et contrôler les personnes qui
proviennent d'un pays tiers et qui se trouvent en transit dans un Etat
membre avant d'embarquer à destination d'un autre pays de la
Communauté.
Pour franchir le territoire commun, les ressortissants de pays tiers
sont tenus de produire un certain nombre de documents visés par
la Convention, documents identiques à ceux requis dans le dispositif
schengenien. De même, ils ne doivent pas constituer une menace
pour l'ordre public, la sécurité nationale et les relations
internationales ni être inscrits sur la liste commune des personnes
non admissibles.
Les négociateurs ont défini la nature et le contenu de
cette fameuse liste à laquelle se réfèrent plusieurs
conventions, ce qui laisse craindre une absence de maîtrise des
données informatisées ainsi manipulées.
La liste contient des renseignements sur les étrangers qui se
sont vu refuser l'accès du territoire par l'un des Etats membres.
Elle ne peut être consultée que par certaines autorités
compétentes en matière de visa, de contrôle aux
frontières, de contrôle de police, d'admission au séjour.
Il appartiendra aux Etats de définir explicitement à quelles
autorités ils délèguent ce pouvoir. Figurent sur
cette liste :
- les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement
au moins égale à un an ou ayant commis des délits
graves ;
- celles dont on a de sérieuses raisons de croire qu'elles
envisagent de commettre un délit important ou qu'elles constituent
une menace pour l'ordre public, la sécurité nationale
ou la sûreté d'un Etat membre ;
- enfin, celles qui ont commis une infraction grave ou des infractions
répétées à la législation sur les
étrangers.
La personne non admise à entrer sur le territoire commun est éloignée
en principe vers son pays d'origine ou vers tout autre pays qui accepte
de l'accueillir. S'il s'avère qu'un Etat membre a autorisé
le séjour, elle est reconduite en direction de celui-ci, le plus
souvent dans le cadre d'accords de réadmission.
Comme dans la Convention de Schengen, un des points cruciaux demeure
la mise en place d'un visa uniforme de court séjour qui, délivré
par un Etat membre, doit permettre la libre circulation sur le territoire
commun en qualité de touriste.
Le visa peut exceptionnellement être limité au territoire
national, les Etats, en vertu de leur souveraineté, conservant
la possibilité d'ouvrir leurs seules frontières à
des ressortissants étrangers qui ne pourraient justifier des
conditions exigées par ladite Convention.
Les négociateurs se sont engagés à mettre en place
un comité composé d'un représentant de chaque Etat
membre, chargé de l'application et de l'interprétation
du dispositif conventionnel.
Pourquoi un comité de plus ? Il est difficile de mesurer
le rôle et le poids d'un tel organe ainsi que ses relations éventuelles
avec les autres comités appelés « exécutifs »
prévus par des dispositifs conventionnels parallèles.
Au terme de cette brève analyse, il ne faudrait pas surestimer
la portée de cette Convention relative au franchissement des
frontières extérieures qui, précisons-le, n'a été,
à ce jour, ratifiée par aucun Etat. Le terme de Convention
utilisé est d'ailleurs tout à fait impropre ; il
vaudrait mieux parler « d'avant-projet de Convention ».
D'autre part, on peut se demander si la suppression des frontières
intérieures ne peut pas se dispenser de la signature de ce nouvel
accord. C'est en tout cas la position défendue par le « groupe
des coordinateurs » [2]
qui estime que la mise en uvre des modalités de contrôle
aux frontières extérieures, à laquelle la libre
circulation est subordonnée, ne sera pas empêchée
au seul motif que la Convention est tombée en panne de signature.
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Notes
[1] Cf. Rapport du
groupe ad hoc immigration, 3/12/1991.
[2] Le groupe des coordinateurs
est une instance intergouvernementale créée en 1988 par
le Conseil européen de Rhodes pour assurer la mise en place,
avant le 1er janvier 1993 on sait d'ores et déjà
que sa mission ne sera pas réalisée à cette date
des mesures nécessaires à l'abolition des frontières
intérieures. Il coordonne notamment les travaux du groupe ad
hoc immigration.
Dernière mise à jour :
6-02-2001 11:46.
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