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Plein Droit
n° 20, février 1993
Europe : un espace de « soft-apartheid »
Belgique : une ratification
en bonne voie
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Le Sénat a déjà examiné, en
commission, le texte de Schengen et l'a approuvé. Son rapport n'est
cependant pas encore publié. Après la discussion en séance
publique en janvier 1993, il devrait être transmis à
la Chambre. Un vote n'est pas attendu avant la fin du premier trimestre
1993. Après le Parlement, le ministre de la Justice et le Roi le
signeront, et il sera procédé aux formalités de dépôt
des instruments de ratification auprès du gouvernement du Grand-Duché
de Luxembourg. Il a été confidentiellement annoncé
que les formalités seraient accomplies dans le courant du second
trimestre, et au plus tard le 30 juin 1993.
Pour que le texte de Schengen soit adopté, il fallait lever
un certain nombre de « blocages » législatifs.
Il fallait en particulier que la Belgique change sa réglementation
sur la détention d'armes et sur la protection de la vie privée.
C'est chose faite depuis quelques mois, si bien que plus aucun obstacle
législatif ne subsiste pour une ratification de la Convention.
La population vit ce vote dans l'indifférence totale, de même
qu'un grand nombre de députés et de sénateurs.
Rares sont ceux qui participent aux débats et qui sont réellement
au courant des enjeux. L'attention portée à Schengen est
encore moins vive du fait de la confusion avec le Traité de Maastricht
qui, lui, a été voté par les deux Chambres.
Il est clair que le nouveau projet de loi relatif au statut des demandeurs
d'asile, proposé par le ministre de l'Intérieur le 7 décembre
1992 au Sénat, est très largement inspiré par les
accords de Schengen et les travaux du groupe ad hoc immigration.
A cet égard, la situation est identique à celle dénoncée
en France et aux Pays-Bas : les procédures sont accélérées,
les droits de la défense bafoués, la charge de la preuve
renversée en défaveur du demandeur d'asile, les zones
internationales ou zones de transit « légalement »
confortées...
Il est indiscutable que l'avancée que pouvaient constituer les
articles 21 et 22 sur les migrants non-ressortissants d'un
des Etats membres [1], est largement
remise en question par l'obligation de déclaration imposée
aux étrangers ressortissants de pays tiers. Ces derniers, qui
doivent par ailleurs être entrés régulièrement
sur le territoire commun, doivent satisfaire à cette formalité
de déclaration, soit immédiatement, soit dans les trois
jours suivant leur arrivée. Rappelons que cette durée
de trois jours a été jugée trop courte par la Cour
de justice des communautés européennes [2].
En cas de non-accomplissement de l'obligation de déclaration,
l'article 23 impose à l'étranger de quitter, sans
délai, le territoire pour se rendre sur le territoire du pays
qui lui a délivré un titre. Bref, il devra être
« rapatrié » sans aucune possibilité
de choisir sa destination, ce qui est contraire à la Convention
européenne des droits de l'homme.
Il faut rappeler que cette innovation que constitue la libre circulation
ne vaut pas pour les séjours de plus de trois mois.
Enfin, dans la mesure où chaque Etat arrête ses propres
dispositions, il se posera immanquablement un problème d'harmonisation
des réglementations et d'information sur les systèmes
en vigueur dans les différents pays. On peut imaginer quel sera
le sort du Marocain résidant régulièrement en Hollande
et qui ira en villégiature au Portugal, en passant par la Belgique,
la France et l'Espagne. Les formalités qui lui seront alors imposées
seront-elles vraiment un progrès ? Le doute est permis d'autant
plus que l'étranger candidat au « club de Schengen »
devra satisfaire, en outre, à toutes les conditions d'admission
fixées, notamment celle de ne pas être considéré
comme « étranger indésirable » dans le
système d'information Schengen (SIS).
Georges-Henri Beauthier
Avocat
Bruxelles
[1] Les articles 21
et 22 organisent la libre circulation pendant trois mois, dans
l'espace Schengen, des ressortissants étrangers sans qu'ils aient
besoin de solliciter la délivrance de visa.
[2] Cf. Arrêt MESSMER
du 12/12/1989 affaire n° 265/88.
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Dernière mise à jour :
6-02-2001 11:47.
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