Plein Droit n° 13, mars 1991
« Des visas aux frontières »
Je rappelle quelques règles générales relatives
à la délivrance des visas qu'il y a lieu d'appliquer avec
la plus grande rigueur.
A. Les visas de court séjour et de transit ne doivent être
délivrés qu'à des personnes dont on a tout lieu
de penser qu'en raison de leur fonction et de leur situation elles ne
sont pas susceptibles de chercher un établissement en France.
B. La production des documents requis pour la demande de visa par
le règlement pour justifier des moyens d'existence et d'hébergement,
ainsi que du rapatriement, n'implique pas la délivrance automatique
du visa sollicité. Nous conservons en effet une large faculté
d'appréciation en matière d'octroi de visa et nous devons
en faire usage, même lorsqu'un dossier complet est présenté.
Il n'y a pas de compétence liée : la délivrance
des visas doit être refusée même si tous les justificatifs
requis par la réglementation en vigueur sont produits par le
requérant, dès lors qu'il existe un doute raisonnable
sur les intentions réelles du demandeur.
C. Outre les justificatifs requis, il convient, en effet, de vérifier
la stabilité de la situation socio-économique du requérant
en Algérie. À cet égard, je souligne que les visas
doivent être refusés d'office aux chômeurs, aux travailleurs
précaires, etc.
Vous pouvez donc exiger en cas de doute sur les intentions réelles
du demandeur tous documents relatifs à sa situation personnelle
ou professionnelle... et à la régularité de celui-ci
ou du chef de famille dont il dépend et concourant à démontrer
cette stabilité.
Il s'agit en effet de rassembler dans la mesure du possible les
informations permettant d'acquérir la conviction que le requérant
est de bonne foi et quittera la France à l'issue de son séjour.
Il appartient donc aux agents affectés aux guichets de se
montrer particulièrement vigilants et, dans la mesure du possible,
d'interroger les requérants sur les motifs réels de leurs
déplacements en France, tout particulièrement lorsque
le motif de tourisme est avancé.
Vous voudrez bien me faire part des difficultés que vous
pourrez rencontrer dans l'application de ces directives.
11 septembre 1990
Monsieur Pequeux
Directeur du service des visas
Un chef-infirmier de l'hôpital Mustapha à Alger désirant
faire un stage de formation de 15 jours à l'hôpital
Henri Mondor de Créteil fournit donc, pour obtenir son visa,
un document officiel d'inscription signé par le Directeur de
l'administration de l'hôpital de Créteil.
Le visa est refusé. Motif : ne justifie pas des 6000 F.
de ressources.
Le Consulat exige qu'il produise un document émanant de l'hôpital
de Créteil spécifiant la gratuité du stage et assurant
la prise en charge de l'hébergement.
Compte tenu des délais postaux rendant impossible l'obtention
de ce document par courrier, il a fallu un intervention auprès
de l'ambassade de France pour que le visa soit en fin de compte accordé.
Au total, deux jours de démarches pour l'intéressé.
Une Algérienne devait se marier en juillet 1990 en France
(dans l'Yonne) avec un conseiller municipal. Le visa a été
refusé sous prétexte qu'elle avait déjà
effectué plusieurs voyages en France (pour venir voir son fiancé)
et que lors de son dernier séjour, elle avait dépassé
la date limite de validité de son visa. Délit impardonnable !
À Tunis, la pratique semble être à
peu près la même qu'à Alger.
Sur certains points, cependant, elle semble encore plus arbitraire
et discriminatoire. En voici quelques exemples :
-
Les bureaux sont ouverts de 8h30 à 11h30 seulement, si
bien que les personnes font souvent la queue pendant des heures
pour rien, à moins d'arriver la veille à minuit...
ou d'acheter sa place.
-
Les catégories « suspectes » et qui
avaient déjà beaucoup de mal à obtenir un visa,
ont vu leur situation s'aggraver depuis le début de l'année
1990.
Ainsi, pour les 18-30 ans, les visas déjà délivrés
au compte-gouttes, sont désormais très difficiles à
obtenir ; les étudiants, malgré une inscription
universitaire en bonne et due forme pour l'année 1990-91, se
sont vus opposer un refus de visa (sauf les boursiers de l'État
français et les personnes inscrites en 3ème cycle, en
particulier dans les disciplines scientifiques) ; très
grande méfiance à l'égard des conjoints de Français
hors procédure de regroupement familial ; enfin, refus
systématique pour les personnes qui n'ont pas respecté
la durée de leur visa au cours de leur séjour précédent.
- Il est très rare qu'un refus soit justifié.
Dans les consulats des autres pays européens, les pratiques
sont identiques, que ce soit l'Italie (où sont particulièrement
visés les 20-35 ans), le Bénélux, la Grande-Bretagne
ou la Suisse (où, en prévision de l'instauration du visa
pour les Maghrébins à partir du 1er janvier 1991,
les autorités ont commencé, il y a déjà
plusieurs mois, à refouler certains Tunisiens).
Dernière mise à jour :
19-06-2001 23:23.
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