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CCFD CIMADE GISTI SAF SM
Enquête
sur les « réfugiés » de Sangatte
« Les étrangers de
Sangatte sont
les victimes de situations dramatiques
dans certaines parties du monde »
Entretien avec le procureur de
la République et
le président du TGI de Boulogne-sur-Mer (12 octobre)
« Énorme. Sociologique. A l'échelle de la
planète ». C'est le président du Tribunal
administratif qui situe ainsi l'afflux de « réfugiés »
à Calais depuis plusieurs années, avec pour objectif de
gagner la Grande-Bretagne. Ils viennent d'Afghanistan, du Proche-Orient,
du sous-continent indien, des Balkans et de l'Europe de l'Est. C'est
que l'Angleterre est proche (15 km), qu'il y a 1 bateau toutes
les 20 secondes sur la Manche et, en plus, le Shuttle (la navette
du tunnel qui charge des véhicules, avec 50 camions peut-être
à chaque voyage). Ce trafic représente 93 % des liaisons
depuis la France vers l'Angleterre.
Il y a eu une explosion quantitative au mois d'août 1999,
avec augmentation des flux d'Asie centrale (Iran, Irak, Afghanistan)
où, observe le procureur de la République, les troubles
n'ont cessé de s'amplifier, et des flux en provenance des Balkans
(Kosovars, Albanais), lesquels s'estompent. Il y a aussi des « poussées
sporadiques roumaines ».
En gros, conclut le procureur, le phénomène trouve sa
source dans les situations dramatiques de certaines parties du monde.
Ce n'est pas une immigration économique, même si elle est
encouragée par le fait que, en Grande-Bretagne, les conditions
sociales d'accueil sont meilleures qu'ailleurs et que, faute d'obligation
de cartes d'identité, il n'y a guère de contrôles,
une fois réussie l'entrée sur le territoire.
Une partie croissante de cette immigration a un caractère familial,
et il y a des mineurs isolés, pour l'accueil desquels le département
est peu outillé.
La répression organisée par le Parquet ne frappe ni le
séjour irrégulier, ni l'usage de faux documents, ni l'aide
gratuite au séjour. En revanche, elle sanctionne l'aide rémunérée.
Par exemple, les Chinois paient de 80 000 à 100 000 F
leur transit depuis la Chine, et sont réduits à l'état
d'esclaves une fois arrivés. Parmi les petits passeurs interpellés,
56 % sont des Anglais. Du 1er janvier au 30 septembre
2000, 139 ont été condamnés. En général,
c'est à 6 mois de prison.
Au regard de l'éloignement des « réfugiés »,
on n'a pas ici la même politique qu'en région parisienne.
C'est le Parquet qui fixe les critères, essentiellement fondés
sur la nationalité. Sur cette base, on garde 10 % des interpellés.
Pour les autres, il y a « classement sec ».
Il n'est, en effet, pas question de renvoyer des Iraniens, des Afghans,
des Somaliens ou des Irakiens. « Moi, dit fermement
le procureur, j'assure aussi la sécurité des étrangers ».
On effectue pas mal de « remises » (renvois dans
un autre pays de l'Union européenne traversé avant d'arriver
en France). Il n'empêche que, entre le 1er janvier et fin septembre 2000,
il y a eu 14 840 interpellations d'étrangers (les Irakiens
sont les plus nombreux), parmi lesquelles 891 ont fait l'objet d'un
placement en rétention.
Face à cette situation, l'appareil judiciaire n'a pas bénéficié
de renfort. Au TGI, il y a tour de garde des magistrats pour le maintien
en rétention, « moi compris », souligne
le président qui trouve d'ailleurs ça « assez
intéressant », pour deux audiences par jour de 3
ou 4 étrangers. C'est l'interprétariat qui pose le
plus de problèmes à tous les stades de la procédure
depuis la garde-à-vue. Mais le préfet serait disposé
à faire des efforts en termes d'« attrait »
sur ce point. Il y a des négociations permanentes avec la police,
du genre : « Vous ne m'amenez les gens qu'avec l'interprète
adapté », ne cesse d'exiger le président.
Le centre de Coquelles est neuf. « On y va, dit le
procureur, et on y fait admettre le respect des règles religieuses
des étrangers ».
Sur les mineurs étrangers isolés, le procureur affirme
qu'ils sont systématiquement placés dans des foyers (« il
y en a qui y restent », remarque-t-il) à l'initiative
du Parquet et, après 8 jours, il y a saisine du juge des
enfants. Ces jeunes ne font jamais l'objet de refus d'admission sur
le territoire français « puisqu'ils y sont déjà »
(plus généralement, personne n'est jamais placé
en zone d'attente). Mais, souhaite le procureur, il faudrait qu'on ouvre
un foyer spécial où les mineurs étrangers trouvent
un environnement adapté. Au camp de Sangatte, on ne voit jamais
de mineurs isolés. « Ce sont des groupes structurés
qui arrivent, pense le procureur, et il n'y a aucun risque familial »
[tel n'est pas nécessairement l'avis des responsables du camp
qui, eux, disent qu'il leur semble qu'un mineur isolé est immédiatement
pris en charge par des ressortissants de sa nationalité qui le
déclarent de leur famille].
Selon le procureur, l'ouverture du camp de Sangatte a été
très tardive parce qu'elle s'est heurtée à l'opposition
de la Grande-Bretagne.
Dernière mise à jour :
30-12-2000 13:11.
Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2000/sangatte/procureur.html
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