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CD « Liberté de circulation » La liberté de circulation en musiquesLe concert « Liberté de circulation » du 7 avril 1999 à l'Elysée-Montmartre à Paris est le fruit d'une dynamique véritablement extraordinaire qui s'est progressivement inventée tout au long de sa préparation. La diversité des musiques qui se succèdent et se mêlent tout au long de ce « live » témoigne d'une volonté d'ouverture commune : il y a une sorte d'inspiration et d'aspiration à en finir, dans le domaine musical comme dans les autres, avec les cloisonnements, les replis sur soi, les exclusions, les discriminations, et les atteintes aux libertés qui vont avec. L'ouverture musicale se met à l'unisson du projet politique qui a donné naissance au concert : faire en sorte que les Etats à commencer par la France et par l'Europe cessent de faire comme s'il était possible de fermer les frontières aux pauvres et aux persécutés de la planète. Le mouvement des sans-papiers est une preuve éclatante parmi beaucoup d'autres de l'absurdité de cette politique qui ne cesse de produire des dégâts depuis plus de vingt-cinq ans.Le miracle du concert est là tout entier. A peine évoque-t-on la musique que l'on est obligé de parler des idées qui l'ont rendue possible. Le concert est né pour conforter l'existence d'une petite association le GISTI qui se bat pour les droits des étrangers et qui propose une idée ambitieuse au service de ces droits la liberté de circulation. Et voilà qu'à partir de cet appel a priori complexe et abstrait, peu spectaculaire et difficile à métamorphoser en mouvement de foule, Les Inrockuptibles, un producteur de concerts Alias , une centaine de musiciens et trente-deux formations de premier plan, des cinéastes, une foule de bonnes volontés (photographes, graphistes, imprimeurs, etc.), une maison de disques se donnent la main. Il fallait voir, au milieu de la nuit du 7 au 8 avril 1999, le bonheur rayonner sur les visages des quelque 2 000 participants à la fête qu'ils venaient de vivre... Ce CD n'est hélas qu'une sélection de cette fête qui aura duré sept heures. Mais il reste heureusement un excellent témoin du concert au cours duquel la musique et les musiciens se sont faits l'écho de préoccupations citoyennes. Quand Rodolphe Burger chante « Les P'tits Papiers » du grand Gainsbourg avec le Meteor Band, il sait bien ce qu'il fait et pourquoi. Les chanteurs d'un peu tous les groupes qui, plus tard et collectivement, reprendront la même chanson le savent aussi. Pour le CD, ces « P'tits Papiers » ont dû être enregistrés en studio. Ils sont plus frondeurs encore que lors du concert. Le bonheur d'avoir participé à la nuit du 7 avril a convaincu davantage d'artistes encore de venir les chanter. Jeanne Balibar, les Femmouzes T, France Cartigny, Akosh S, Blankass, Rodolphe Burger, Theo Hakola, Jacno, Noir Désir, Diésel et Dadou (KDD), Grégoire Simon (Têtes Raides) jubilent de chanter ensemble ce pied de nez politique, avec la lutte des sans-papiers à l'esprit. Chanson « française », rap, rock et jazz font plus que bon ménage : ils dialoguent, se stimulent, se fondent jusqu'à faire oublier les frontières habituelles. Les spectateurs de l'Elysée-Montmartre ne sont plus là, qui s'étaient laissé aller à chanter le refrain à tue-tête. Mais c'est tout comme. Bref, il y a création collective sur un air de solidarité et de revendications qu'on peut dire politiques. Le disque ne raconte rien du lancement, à l'initiative de cinéastes, de musiciens, de journalistes et du GISTI, d'une pétition sous forme de chaîne de l'amitié en faveur de la régularisation de tous les sans-papiers, de l'arrêt de la « fabrique à sans-papiers » que constitue la fermeture des frontières, et du droit de vote pour les étrangers. Des centaines d'exemplaires du texte, intitulé « Faites circuler ! », glissent et s'envolent de la scène vers la salle dans l'espoir qu'au bout de la chaîne, il pourrait y avoir plus de justice et d'égalité. Pour la plupart, les artistes ne sont pas là par hasard, c'est-à-dire seulement pour chanter ou jouer. Tous ont puisé dans leur répertoire des titres sur mesure. Certains Theo Hakola, Dominique A, Gnawa Diffusion, entre autres les expliquent d'un mot, d'un bref commentaire pour en souligner le sens. D'autres sont allé chercher des chansons ailleurs comme pour mieux coller à cette nuit de la « Liberté de circulation » : chez John Lennon, chez Violent Femmes, chez les Rolling Stones, et même chez Léo Ferré avec « Ils ont voté » (qui ne figure pas sur le CD). Du coup, il y a des inédits et des créations, pas pour le fun, pas pour l'originalité seulement. Pour dire, chacun à sa manière, un engagement. Comme les frontières doivent s'ouvrir ou disparaître, les identités fusionnent : Dominique A chante avec Little Rabbits ; Grégoire Simon (Têtes Raides) évoque Prévert avec Yann Tiersen au violon qui accompagnera bientôt Femmouzes T, puis Louise Attaque qui chantera à son tour avec Sergent Garcia, avant d'accompagner, dans « un Jour en France » (absent du CD), les Noir Désir, lesquels enchaînent « Working Class Hero » avec Akosh. Cette étonnante philosophie transfrontière clôt d'ailleurs le concert avec « Hoy me voy » interprété par Sergent Garcia et Louise Attaque. « Liberté de circulation » n'est pas un vain slogan à l'affiche.
« Toute personne a le droit
L'affiche, d'ailleurs, n'y est pas allée par quatre chemins. Elle
cite la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée
par l'ONU il y a juste cinquante ans. « Toute
personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence
à l'intérieur d'un Etat. Toute personne a le droit de quitter
tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ».
Rien de moins. C'est le refrain sous-jacent du concert et du disque.
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