|
|
Un jour pour l'Algérie
Campagne pour l'accueil et la protection
des Algériens
Le texte qui suit servira de base à une campagne aussi populaire
que possible de protestations et de propositions en France et en Europe.
Parmi ses initiateurs, l'ACAT, la CIMADE, Droits Devant, la Fondation
France Libertés, le GISTI, la LDH, le MRAP. La signature ce texte
et la participation à la campagne à venir (sans doute lancée
en septembre prochain selon des modalités encore à définir)
sont actuellement proposées aux organisations syndicales et aux
associations.
__________________
Au fil du temps, depuis 1992, les massacres se multiplient en Algérie.
Selon des estimations du gouvernement américain de janvier 1998,
quelque 70 000 Algériens ont trouvé la mort en
six ans. Les violences continuent encore et toujours.
Malgré ces circonstances, la France et la plupart des états
européens opposent une indifférence croissante aux besoins
de protection des Algériens. La France, qui leur délivrait
par exemple 800 000 visas en 1989, ne leur en a plus
attribué que 103 000 en 1994 et 40 000
en 1996. Plus les violences se multiplient, plus les visas se raréfient,
en dépit des promesses de Lionel Jospin qui, le 30 septembre
1997, avait annoncé un assouplissement en ce domaine, dont on
attend toujours l'application.
Les mêmes restrictions valent pour le droit d'asile : en 1997,
la France a péniblement accordé le statut de réfugié
à 9 % des 976 Algériens qui en ont fait la demande.
Quant aux renvois en Algérie d'Algériens en situation
irrégulière ou condamnés à la « double-peine »,
ils s'effectuent actuellement au rythme d'une trentaine par semaine.
Nul ne sait, en outre, quels sont les effectifs réels d'Algériens
refoulés aux frontières quand ils veulent entrer en France.
Enfin, en raison d'accords bilatéraux entre la France et l'Algérie,
la plupart des rares dispositions positives introduites dans la législation
sur les étrangers par la loi Chevènement risquent fort
de ne pas bénéficier aux Algériens.
Face à cette politique de non-assistance à personnes
en danger, qui viole les conventions internationales en matière
de droits de l'homme (Convention de Genève, Convention européenne
des droits de l'homme, notamment), nous demandons :
- l'arrêt des renvois forcés d'Algériens à
partir de la France et des pays d'Europe
- l'instauration d'une politique libérale de délivrance
des visas par la France et par les pays d'Europe, en particulier la
multiplication des visas de circulation (plusieurs séjours
de moins de trois mois autorisés dans l'année) à
ceux qui, sans aspirer à une installation à l'étranger,
ont besoin d'un moment de repos, d'une protection temporaire ou de
rencontres familiales
- la fin des refoulements des Algériens aux frontières
de la France et de l'Europe
- une application de la Convention de Genève de 1951 conforme
aux recommandations du Haut Commissariat des Nations unies pour les
réfugiés (HCR)
- un large accès à l'asile territorial pour les Algériens
qui en font la demande
- le bénéfice des dispositions favorables de la loi
Chevènement, notamment toutes celles qui permettent des régularisations
(art. 12 bis de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945)
et celles qui touchent au droit à la vie privée et familiale
(conformément à l'art. 8 de la Convention européenne
des droits de l'homme)
- des procédures simples et rapides d'obtention de documents
d'état civil et de renouvellement pour les Français
vivant en Algérie, qui sont très souvent placés
dans l'incapacité de se faire établir cartes d'identité,
passeports ou certificats de nationalité, alors que c'est leur
droit.
Paris, juin 1998
Signataires : ACAT, Agir et Débattre à
Nanterre, AMPSRF, APOC, Association des Combattants de la Cause Anticolonialiste,
Association Populaire d'Entraide, CCFD, CIMADE, Collectif d'Objectrices
et Objecteurs Tarnais, Collectif des Sans-Papiers de Marne la Vallée,
Collectif Ivryen de Vigilance contre le Racisme, Comité Anti-Expulsions
(13), Comité National pour l'Indépendance et le Développement,
Droit Solidarité, Droits Devant !!, Emmaüs France, France-Libertés
Fondation Danielle Mitterrand, FTDA, GISTI, Groupe Accueil Solidarité,
LDH , Mouvement International de la Reconciliation, MRAP , NSAE, Peuples
Et Cultures, Réseau d'Informations aux REfractaires, SNPM, SUD
Aérien, SUD Education, SUD Rail
CAMPAGNE POUR L'ACCUEIL ET
LA PROTECTION DES ALGERIENS
C/O CIMADE 176 rue de Grenelle 75007 PARIS
Tél. 01.44.18.60.50 (Emmanuel Jendrier) / Fax. 01.45.56.08.59
Depuis le début de la guerre civile en Algérie, en 1992,
l'attitude des gouvernements français reste marquée par
le double langage et l'absence de décision claire. Alors que
ce pays s'enfonce tous les jours dans un conflit de plus en plus meurtrier,
il est urgent que la politique menée en matière d'accueil
et de protection des Algériens traduise enfin les engagements
internationaux et la tradition d'accueil suivie par la France. Les avancées
de la loi Chevènement du 11 mai 1998, notamment l'instauration
de l'asile territorial, ne doivent pas masquer la politique restrictive
menée en matière de délivrance des visas, et la
poursuite des reconduites vers l'Algérie. La délivrance
au compte-gouttes des titres de séjour n'est pas une réponse
suffisante pour tous ceux qui, en France et en Algérie, attendent
un geste d'espoir et de solidarité. Aussi, en poursuite de l'appel
lancé le 17 février 1998 pour obtenir un moratoire
des renvois en Algérie, nous demandons aujourd'hui qu'une décision
politique permette de faciliter l'entrée, le séjour et
la protection des Algériens réfugiés ou vivant
en France. Du fait de l'histoire commune et les multiples liens entre
la France et l'Algérie, une telle décision est nécessaire,
tant notre devenir est lié à celui du retour de la paix
et de la démocratie dans ce pays. La communauté Algérienne
en France ainsi que tous ceux qui espèrent la fin du conflit
en Algérie recevront une telle décision comme un signe
d'espérance et de solidarité.
LIMITATION DES VISAS, REFOULEMENTS :
UNE VOLONTE DE FERMETURE
Le 29 septembre 1997, en parallèle des propos du président
de la Commission des Affaires Etrangères à l'Assemblée
Nationale, Lionel Jospin annonçait un assouplissement de la délivrance
de visas pour les Algériens souhaitant venir en France, la réouverture
de certains consulats, et l'accélération du traitement des
demandes aux services des visas de Nantes. Plus d'un an après,
la situation reste inchangée. Le nombre des visas délivré
reste à son niveau de l'année 97, et la réouverture
de consulats en Algérie est reportée à une date indéterminée.
Officieusement, on murmure que les conditions de sécurité
ne sont pas remplies, contredisant le discours officiel des gouvernements
français et algériens. Les nouvelles dispositions de l'ordonnance
du 2 novembre 1945, introduites par la loi Chevènement,
étaient censées faciliter l'entrée en France des
étrangers ayant des liens importants avec la France. Dans les faits,
l'obligation de motivation des refus de visas pour ces personnes entraîne
une attente de plus en plus longue, dépassant souvent plusieurs
mois. Il n'y a la qu'une continuation de l'attitude de fermeture suivie
par la France depuis 1992. Depuis le début du conflit algérien,
le gouvernement français a poursuivi une politique rendant quasiment
impossible le refuge sur le territoire des populations victimes de la
guerre civile. De près de 800 000 au début de
la crise algérienne, le nombre des visas attribués est tombé
à moins de 50 000 pour l'année 1997. De ce
fait, un nombre sans cesse plus important d'Algériens, cherchant
refuge dans la communauté algérienne en France, essayent
d'entrer irrégulièrement sur le territoire. Si le nombre
de refoulements d'Algériens à la frontière est aujourd'hui
inconnu, il est clair que ceux-ci sont toujours aujourd'hui quotidiens.
Ainsi, à Marseille, Malgré l'avis du Conseil d'Etat, les
Algériens arrivant par bateau sont toujours consignés sur
les bateaux dès leur arrivée, sans qu'autant examen de leur
situation ne soit effectué. Pour ceux qui réussissent à
franchir ces contrôles, ne reste que la clandestinité. Condamnés
au sort d'illégaux sur le territoire, ils survivent par de petits
boulots ou grâce à l'entraide. Ils sont ensuite, par conséquence,
un nombre croissant à être renvoyés après une
condamnation pénale pour séjour irrégulier ou travail
clandestin. Le double discours du gouvernement n'est en aucun cas admissible
dans la situation que vit depuis plusieurs années la population
algérienne. Où sont les « signes » annoncés
en direction de la population algérienne, lorsque une telle restriction
du nombre de visas oblige des dizaines de milliers d'Algériens
à attendre l'hypothétique « sésame »
vers la France ou à venir clandestinement en France pour y chercher
refuge ?
SEJOUR DES ALGERIENS : UNE POLITIQUE
TRES DISCRETIONNAIRE
Le séjour des Algériens en France reste conditionné
par une législation spécifique et restrictive au regard
des liens durables entre ces deux pays et du conflit qui continue dans
toute l'Algérie. La politique discrétionnaire suivie en
matière d'asile, ainsi que les silences de l'accord franco-algérien
en matière du séjour rendent impossibles l'accès
au séjour de milliers d'Algériens cherchant refuge ou souhaitant
faire valoir des liens personnels et familiaux en France. La définition
restrictive que l'OFPRA donne du statut de réfugié politique
écarte quasi- systématiquement les Algériens du bénéfice
de cette protection. Ainsi, en 1997, sur 876 demandes d'asiles
présentées, seules 64 ont obtenu une réponse
positive, soit 9 %, à comparer avec taux global (toutes nationalités
confondues) pour cette même période, de 17 %. Cette
interprétation restrictive est d'ailleurs critiquée aussi
bien par le Haut Commissariat des Nations Unis pour les Réfugiés
que par la Commission Consultative des Droits de L'Homme. D'après
les premières statistiques pour 1998, on peut noter une timide
ouverture de l'OFPRA et de la Commission des Recours, commençant
à reconnaître le caractère vain d'une recherche de
protection des Algériens par leurs autorités. Pour autant,
cette lente évolution ne répond aucunement à l'ampleur
de la situation d'une population en Algérie sommée de choisir
entre le régime militaire et les groupes armés d'opposition.
Par ailleurs la gestion administrative du problème des réfugiés
algériens se traduit par le pouvoir discrétionnaire du Ministère
de l'Intérieur d'accorder ou de refuser « l'asile territorial »
nouvellement établit par la loi Chevènement. Selon M. Chevènement,
plus de 4 000 Algériens auraient bénéficié
de cette protection jusqu'en février 1998. Depuis, cette date,
aucun chiffre n'a été publié sur le nombre d'Algériens
bénéficiaires. Le début de reconnaissance de la situation
de milliers d'Algériens cherchant refuge en France ne doit pas
faire oublier la précarité dans laquelle les maintient la
nouvelle procédure d'asile territorial. L'absence de critères
précis, le pouvoir discrétionnaire de l'administration,
l'opacité de la procédure, découragent de nombreux
Algériens de demander une protection « officielle »
et les maintiennent dans la clandestinité. Enfin, au delà
de la question des Algériens menacés, malgré les
procédures dérogatoires appliquées, notamment la
circulaire de régularisation du 24 juin 1998, l'accès
au séjour reste limité par la rédaction de l'accord
franco-algérien établi en 1994 et non modifié
depuis. Les Algériens ne peuvent faire valoir leurs droits au titre
de séjour temporaire prévu au nouvel article 12 bis
de l'ordonnance du 2/11/45. Cet article, établissant une nouvelle
carte de séjour portant la mention « vie privée
et familiale », introduit dans la loi afin de régler
les nombreuses situations d'étrangers inexpulsables et pourtant
non régularisés selon l'ancienne rédaction de cette
ordonnance, n'est pas applicable aux Algériens. Ceux-ci, notamment
les parents d'enfants français, les étrangers malades et
ceux dont le refus de séjour porterait atteinte au respect de la
vie privée et familiale, sont condamnés à attendre
une mesure discrétionnaire de régularisation. La refonte
de l'accord franco-algérien, ou tout du moins l'extension aux Algériens
du bénéfice de cet article 12 bis, est une mesure de
bon sens qui élargirait aux ressortissants algériens, très
nombreux en France, l'application de la volonté politique du gouvernement
en matière d'intégration des étrangers.
ELOIGNEMENT :
LES RECONDUITES CONTINUENT
Les reconduites vers l'Algérie, malgré les déclarations
successives, continuent à une rythme élevé. Du 1er février
au 22 mai 1998, 280 Algériens ayant transité
par les 13 centres de rétention visités par la CIMADE
ont été reconduits dans ce pays. D'après les déclarations
du ministre de l'Intérieur à l'Assemblée Nationale
le 25 février 1998, un peu plus de 1900 Algériens
ont été reconduits en 1997. La nationalité algérienne
reste quantitativement la plus importante dans les centres de rétention
administrative (CRA) : 1200 Algériens au CRA du Mesnil
Amelot sur 5700 retenus en 1997 ; 973 retenus algériens
à Arenc Marseille sur 1900 pour 1997. A Arenc (Marseille),
sur les 973 Algériens retenus 813 ont été
effectivement reconduits soit un taux de reconduite de 84 % alors
qu'il est d'environ 30 % au niveau national toutes nationalités
confondues. Une majorité de ces renvois concernent des Algériens
victimes de la « double peine », c'est à dire
condamnés, souvent en supplément d'une peine de prison,
à une interdiction du territoire français pouvant être
définitive. La loi du 11 mai 1998, en accélérant
l'installation au sein des maison d'arrêt de cellules chargées
de préparer l'éloignement des étrangers, a mis au
point une « machine à expulser » froide et
efficace. L'interdiction du territoire, mesure judiciaire pouvant toucher
des étrangers « protégés » d'autres
mesures d'éloignement (arrêtés de reconduite, arrêtés
d'expulsion), ne peut pas faire l'objet de recours qui arrête l'éloignement.
Elle est sans discernement appliquée par les tribunaux pour exclure
de leurs droits des étrangers possédant dans l'immense majorité
des attaches fortes en France. Existe-t'il un délit qui mérite
un renvoi dans un pays inconnu, quitté souvent depuis l'enfance,
et a fortiori en guerre civile comme l'Algérie ? Depuis plusieurs
années, malgré l'opposition grandissante de syndicats des
transports et des usagers qui refusent d'être des auxiliaires du
ministère de l'Intérieur, les transports publics (train,
avion, bateau) sont utilisés par l'administration pour expulser
vers l'Algérie. Le choix des différents types de transport
se fait selon des critères qui mêlent au cynisme une volonté
politique claire. La reconduite par voie aérienne, appliquée
quotidiennement aux étrangers reconduits, est le mode privilégié
de renvoi. Par ce mode, l'étranger est amené à l'aéroport
où le commandant de bord peut refuser d'embarquer un passager si
son comportement constitue une menace pour la sécurité du
vol. Une fois averti par les fonctionnaires de police, le commandant s'entretient
avec le reconduit pour s'assurer de son accord. En cas de refus catégorique
ou de violence, l'étranger reste sur le territoire français
mais encourt une lourde peine de prison pour refus d'embarquement, ainsi
qu'une nouvelle interdiction du territoire. Ces refus d'embarquement constituent
en fait le dernier « choix » possible pour l'étranger.
Ils amènent une comparution devant un tribunal, qui reste dans
certains cas le seul endroit ou l'étranger pourra exposer sa situation.
Enfin, dans le cas par exemple des Algériens, la prison en France
reste souvent le dernier « espoir » d'échapper
au retour au pays. Un second mode, beaucoup plus efficace, est spécifiquement
appliqué aux Algériens: la reconduite par train et bateau.
Pour les Algériens concernés, l'ultime « sanctuaire »
que représente la prison est alors plus difficile encore à
atteindre. En effet, accompagné d'une escorte policière
jusqu'au bateau, l'étranger n'a pas la possibilité, par
ce mode de renvoi, de refuser son embarquement car il se retrouve isolé
des autres passagers sur le bateau. Principalement destiné aux
Algériens victimes de la double peine, ce mode de renvoi commence
à être utilisé pour ceux victimes de refus de séjour.
Ainsi, le 24 février 1998, Abdelkader Mehani, insoumis
algérien de 24 ans, était embarqué à
Marseille après avoir fait l'objet d'un arrêté de
reconduite à la frontière. De tels modes d'expulsion, parce
qu'ils ôtent justement tout infime espoir d'éviter le retour
en Algérie, provoquent des actes désespérés
dans les centres de rétention administrative. Ainsi 29 tentatives
de suicide ou d'automutilation de la part d'Algériens ont été
recensées en 1997 au centre de rétention du Mesnil Amelot
(Roissy), contre 17 en 1996, et 12 en 1995. A Arenc
(Marseille), une quinzaine de tentatives ont été relevées
en 1997, dont une tentative de pendaison. A Rivesaltes, le 1er janvier 1998,
des retenus algériens, sachant leur départ pour l'Algérie
imminent ont mis le feu à leurs matelas, entraînant des dégâts
considérables dans le centre. De tels incidents se multiplient
dans les centres de rétention, et n'ont pas diminué après
la loi Chevènement. Dans les 8 premiers mois de 1998,
18 tentatives de suicide ont ainsi été recensées
au Mesnil Amelot, et un nombre équivalant à l'année
précédente à été recensé à
Arenc. A cette politique, il est nécessaire d'ajouter l'étroite
coopération entre les autorités françaises et algériennes
pour améliorer l'efficacité des renvois en Algérie.
Par un protocole confidentiel signé le 27 et 28 avril 1994,
la France et l'Algérie ont décidé d'un renforcement
des procédures délivrance de laissez-passer consulaires,
document nécessaire au renvoi d'un étranger irrégulier.
L'instauration de cette coopération permet depuis cette date la
délivrance de laissez-passer sur simple déclaration des
autorités françaises, ou présomption de nationalité
algérienne. Ainsi, de nombreux retenus d'origine maghrébine
sont reconnus Algériens, alors qu'aucun élément de
fait ne permet d'attester cette nationalité, et que parfois, des
éléments a posteriori viennent contredire cette reconnaissance
(document d'identité marocain ou tunisien par exemple). Envoyés
en Algérie, ils croupissent parfois plusieurs mois au Commissariat
central d'Alger, connu pour les tortures qui y sont pratiquées,
avant d'être rapatriés en France. La présentation
systématique des retenus maghrébins devant les autorités
consulaires algériennes, dans l'espoir d'une reconnaissance, traduit
le cynisme des autorités françaises en matière de
reconduite vers l'Algérie. Elle entraîne elle aussi des comportements
désespérés. Le gouvernement ne peut rester insensible
à la détresse de ces Algériens renvoyés dans
un pays ravagé par le conflit. Les principales victimes de la poursuite
des renvois, les étrangers frappés par la « double
peine » sont particulièrement menacées dès
leur retour, ne possédant souvent aucune attache, aucune ressource
et victimes d'un conflit auxquelles elles se sentent étrangères.
Aucune « raison d'Etat », « signal fort »,
crainte d'un « appel d'air » ne peuvent là
encore justifier une telle attitude du gouvernement. L'arrêt des
renvois en Algérie, telle qu'elle est déjà pratiquée
pour le Kosovo, reste une mesure de bon sens, en phase avec les conventions
internationales ratifiées par la France.
DOUBLE LANGAGE ET PETITS PAS
DU GOUVERNEMENT FRANCAIS
Malgré la participation de plusieurs milliers de citoyens à
la première campagne pour un moratoire des renvois en Algérie,
et les interpellations du gouvernement par de nombreux élus, l'attitude
de la France vis à vis des Algériens en France reste conditionnée
par un subtil dosage entre soutien des autorités d'Alger et accueil
au compte-gouttes des réfugiés algériens en France.
Le discours justifiant ce refus d'une politique d'accueil conforme aux
textes internationaux est, à cet égard, révélateur
d'une certaine vision de la situation algérienne suivie par le
gouvernement français. Ainsi, lorsque au printemps 1998, plusieurs
députés interpellèrent le gouvernement sur le moratoire
des renvois en Algérie, le ministre de l'Intérieur n'hésitait
pas à répondre qu'il n'était « pas possible
de considérer que la menace serait générale et toucherait
toute personne sur l'ensemble du territoire algérien ».
Il rajoutait d'ailleurs à l'époque qu'« un moratoire
général serait un signal défaitiste adressé
à tous les Algériens qui croient encore à l'avenir
de la démocratie dans leurs pays ». L'ensemble des rapports
émanant d'instances internationales, ou d'organisations de défense
des droits de l'homme font état depuis plusieurs années
d'une dégradation de la situation en Algérie. Malgré
les déclarations successives des autorités algériennes
sur l'éradication de la violence, les attentats et assassinats
se multiplient, ne frappant plus certaines catégories mais indistinctement
toute la population, sommée de choisir son camp. Le développement
et la légalisation des milices populaires, le rappel des réservistes
s'inscrivent dans cette politique visant à impliquer directement
la population dans le conflit en cours. Les attentats, limités
selon les déclarations à certaines zones du pays, se produisent
chaque semaine dans des régions et quartiers définis comme
sûrs et la vérité sur l'attitude des forces de sécurité
lors de massacres n'est toujours pas faite. De plus, de nombreux témoignages
nous parviennent d'Algériens reconduits victimes dès leur
arrivée d'arrestations arbitraires, et de menaces. Contrairement
aux déclarations du gouvernement français, les Algériens
reconduits, du fait de leur méconnaissance de la situation algérienne,
de l'absence d'attaches dans ce pays, sont particulièrement menacés
en Algérie. De nombreux jeunes expulsés sont ainsi, dès
leur arrivée, incorporés au service militaire et envoyés
dans les zones de conflit. D'autres, déserteurs ou insoumis sont
passibles de 10 à 20 ans de prison pour leur refus de participer
à cette guerre. Plusieurs cas enfin, font état de disparitions
pures et simples en Algérie. Considérés par certains
partis politiques fondamentalistes comme « la corruption de
l'Occident », ces jeunes, lâchés dans un pays qu'ils
ne reconnaissent plus ou qu'ils n'ont jamais connu, sont une proie facile
pour les différents groupes, partis, factions en opposition en
Algérie. Il n'est plus admissible aujourd'hui que le gouvernement
français perpétue cette « politique de l'autruche ».
Si les solutions à la crise algérienne ne dépendent
pas de la France seule, celle-ci a l'obligation morale si ce n'est juridique
ou politique d'agir dans les domaines qui relèvent de sa souveraineté.
Elle se doit, fondant son action sur une éthique du refuge, de
décider un certain nombres de mesures garantissant pour les Algériens
vivant en France le respect de leur dignité humaine et de leur
droit à la vie, et constituant pour les Algériens en Algérie
un acte concret de solidarité se traduisant autrement que par des
discours convenus.
Dernière mise à jour :
8-07-2000 19:44.
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/1998/campagne-algeriens.html
|