Droit
d'asile : quel prix
pour l'« assainissement » ?
03/02/2005
Rassemblés dans le collectif « Droit
d'asile en danger », des membres du personnel de la Commission
de recours des réfugiés (CRR) et des avocats sont en grève
depuis le 27 janvier. Ils réclament des conditions de travail
décentes pour être en mesure d'offrir aux demandeurs d'asile
un accueil digne. Les associations membres de la CFDA sont sensibles
aux préoccupations de ce collectif, qui rejoignent l'analyse
qu'elles font de la dégradation du droit d'asile en France depuis
plusieurs années malgré l'augmentation du budget consacré
à ce domaine. Engagé avec la réforme de la loi
sur l'asile de 2003 dans une logique de « résorption
des flux » et de « déstockage »,
le gouvernement a mis en uvre, au nom de l'« assainissement
de la situation », un dispositif dissuasif qui ne tient pas
compte des besoins de protection exprimés par les demandeurs
d'asile.
Les effets dévastateurs de cette politique sont perceptibles
à toutes les étapes de la procédure :
À la frontière, des demandeurs d'asile se voient
refuser l'entrée en France et sont renvoyés de manière
expéditive vers leur pays de provenance, parce que leur demande
a été considérée comme « manifestement
infondée » au nom d'une interprétation ultra
restrictive de la protection.
Dans les préfectures se répandent des pratiques
de restriction des domiciliations associatives, de numerus clausus,
de renvoi vers d'autres départements.
Le dépôt de la demande d'asile à l'OFPRA,
enfermé dans un délai de 21 jours, est subordonné
à des conditions difficilement surmontables pour des personnes
qui, pour la plupart, ne maîtrisent pas le français. De
ce fait de nombreux demandeurs d'asile se voient refuser l'enregistrement
de leur demande et, au mépris de la loi, font l'objet d'une procédure
« prioritaire ». L'obligation, pour les demandeurs
d'asile, de justifier d'un lieu de résidence pour faire renouveler
leur titre de séjour réduit, au mépris de la loi
et du principe constitutionnel d'asile, un nombre croissant d'entre
eux à la condition de sans papiers alors que leur demande est
en cours d'examen.
L'objectif de réduire drastiquement les délais
à deux mois pour l'OFPRA et à trois mois pour la CRR se
traduit par une pression sur le personnel, majoritairement précaire,
en terme de productivité (un officier de protection ou un rapporteur
doit produire 2,7 décisions par jour). Cette logique de rendement
est dramatique au regard du respect des garanties de procédure.
L'interprétation étendue par l'OFPRA de la notion
de « demande manifestement infondée »,
et la possibilité offerte à la CRR de rejeter les recours
« par ordonnance » - c'est à dire
sans entendre les requérants - conduit à écarter
près du quart des demandeurs de la procédure classique.
Le dispositif de déstockage, vraie machine à
produire des déboutés, n'est accompagné d'aucune
mesure d'insertion de ces personnes malgré les recommandations
faites en ce sens par l'IGAS. De plus en plus nombreux sont ceux qui
sont aujourd'hui contraints à vivre dans la plus grande précarité
en France sous la menace du ministre de l'Intérieur de multiplier
les renvois effectifs.
En ce qui concerne les conditions d'accueil des demandeurs d'asile,
la France est loin de satisfaire aux normes minimales fixées
par les textes européens. Qu'il s'agisse de l'hébergement
(seuls 30 % des demandeurs d'asile sont hébergés
dans les différents dispositifs d'hébergement CADA, AUDA,
hôtels) ou des conditions matérielles (allocation d'insertion
notoirement insuffisante et versée seulement pendant un an),
les demandeurs d'asile vivent dans une grande misère.
Les demandeurs d'asile ne peuvent être réduits à
un coût pour la collectivité ou un « flux que
nous subissons » : ce sont des personnes en quête
d'une protection. La France a le devoir de leur offrir les garanties
d'une procédure équitable.
Dans ce contexte, le mouvement lancé par les professionnels
de la CRR doit être entendu comme un signal d'alerte : il est
temps de revenir à un système d'asile qui privilégie
la protection plutôt que la dissuasion, le respect des personnes
plutôt que le rendement. Dans sa plate-forme « Dix
conditions minimales pour un réel droit d'asile en France »[1],
la CFDA propose un programme équilibré qu'il est grand
temps de mettre en uvre.
3 février 2005
[1] Dix
conditions minimales pour un réel droit d'asile, octobre 2001
Premièrs signataires : ACAT (Action des
chrétiens pour l'abolition de la torture), Amnesty International
section française, CASP (Centre d'action sociale
protestant), Cimade (service cuménique
d'entraide), Comede ( Comité médical
pour les exilés), ELENA, FASTI (Fédération
des associations de soutien aux travailleurs immigrés),
Forum Réfugiés, GAS (Groupe accueil solidarité),
GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigrés),
LDH (Ligue des droits de l'homme), MRAP
(Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples),
Association Primo Levi (Soins et soutien aux victimes
de la torture et des violences politiques), SNPM
(Service national de la Pastorale des Migrants), SSAE
(Service social d'aide aux émigrants).
Ce communiqué
au format A4 (pdf, 128 ko)
Voir aussi
Dernière mise à jour :
8-02-2005 15:12
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Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2005/cfda/index.html
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