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Reproduction sans valeur légale

Circulaire du 25 avril 2000

Voir la note explicative et l'article de Plein Droit
consacrés à cette circulaire non publiée.

[Format PDF]Vous pouvez également télécharger un facsimile de la circulaire (format PDF, 380 Ko).


MINISTERE DE L'INTERIEUR

Paris, le 25 avril 2000

Objet : renouvellement des cartes de résident obtenues par des ressortissants étrangers polygames avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 août 1993.

I - Les dispositions de principe en matière de polygamie au regard du séjour

Depuis 1993, le législateur a entendu proscrire très fermement l'existence d'une polygamie effective sur le sol français, en invitant les préfets à refuser la délivrance ou le renouvellement de titres de séjour au ressortissant polygame et à ses conjoints autres que le premier.

De même a-t-il affirmé que le bénéfice du regroupement familial ne pouvait jamais être accordé aux conjoints d'un étranger polygame résidant sur le territoire français et que celui-ci pouvait même se voir retirer son titre de séjour au seul motif qu'il a fait entrer en France plusieurs conjoints ou des enfants issus de cette situation de polygamie.

Par ailleurs, il ressort d'une jurisprudence constante du Conseil d'Etat que les ressortissants étrangers polygames ne peuvent jamais se prévaloir des dispositions de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, relatives à la protection de la vie privée et familiale (cf. CE Préfet du Calvados du 2 octobre 1996). En fait, la prohibition de principe de l'état de polygamie se fonde sur le respect nécessaire des valeurs républicaines, du droit des femmes et de l'intégration des enfants.

Ce que le Conseil Constitutionnel a confirmé dans la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 en considérant que « les conditions d'une vie familiale normale sont celles qui prévalent en France, pays d'accueil, lesquelles excluent la polygamie » (77ème considérant).

Il convient cependant de rappeler que par exception l'accord franco-algérien actuellement en vigueur ne comprend pas de réserves tirées de la situation de polygamie des Algériens. Les certificats de résidence « algérien » d'un an ou de dix ans ne peuvent donc jamais être refusés sur ce fondement.

II - Situation de polygamie et renouvellement des cartes de résident

Les principes ci-dessus rappelés s'appliquent naturellement aux hypothèses de renouvellement de titres de séjour à des ressortissants étrangers vivant en France en état de polygamie. L'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en son article 15 bis, rappelle notamment que « par dérogation aux dispositions des articles 14 et 15, la carte de résident ne peut être délivrée à un ressortissant étranger qui vit en état de polygamie ni aux conjoints d'un tel ressortissant. Une carte de résident délivrée en méconnaissance de ces dispositions doit être retirée. »

Dès lors, les préfectures sont en situation de compétence liée pour refuser le renouvellement de titres de séjour de 10 ans à des polygames.

Cette prohibition de principe ayant été posée par la loi du 24 août 1993, il convient toutefois de prendre en considération le principe de non-rétroactivité affirmé à l'article 37 de l'ordonnance précitée. Selon cet article, « Les dispositions sur le retrait des titres de séjour prévus à l'article 15 bis, au premier alinéa du IV de l'article 29 et au deuxième alinéa de l'article 30, dans leur rédaction issue de la loi 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, ne sont applicables qu'à des étrangers ayant reçu un titre de séjour après l'entrée en vigueur de cette loi. »

Il ressort donc de la lecture combinée des articles 15 bis et 37 sus-visés que le préfet, saisi d'une demande de renouvellement d'une carte de résident détenue par un étranger polygame, alors même que le premier titre aurait été délivré — voire renouvelé à plusieurs reprises — antérieurement au 24 août 1993, devra opposer une décision de refus. En effet, l'article 37 de la loi précitée du 24 août 1993 n'a entendu protéger les titulaires polygames de cartes de résident acquises avant son entrée en vigueur qu'à l'encontre des seules mesures de retrait.

Cependant, il s'agit là de personnes qui peuvent se prévaloir d'une ancienneté de séjour régulier en France d'au moins dix ans, et il ne fait aucun doute que le refus de leur accorder dans ces conditions la possibilité de demeurer légalement en France porterait une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie « privée », compte-tenu des liens multiples établis de longue date en France.

Enfin, ces personnes seront le plus souvent non-éloignables du territoire français, l'article 25 de l'ordonnance protégeant en particulier contre toute mesure d'éloignement les étrangers parent d'enfants français ou ceux séjournant habituellement en France depuis plus de 15 ans.

C'est pourquoi la circulaire du 8 février 1994 d'application de la loi du 24 août 1993 avait précisé dans cette hypothèse que « les dispositions des articles 15 bis et 16 de l'ordonnance ne s'opposent pas à la délivrance d'une carte de séjour temporaire aux étrangers vivant en France en état de polygamie ou à leurs conjoints. Il convient pour ce faire de vérifier que les personnes en cause satisferont aux conditions d'une admission au séjour en qualité de résident temporaire. »

Aussi convient-il dans cette hypothèse, après saisine de la commission du titre de séjour et notification de la décision de refus de renouvellement de la carte de résident, de délivrer au chef de famille et aux conjoints concernés (autres que le premier) une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur non salarié » (dans l'hypothèse, notamment, où l'étranger concerné est un commerçant) sans opposer le défaut de production d'autorisation de travail ou de contrat de travail.

Vous ferez savoir aux personnes concernées que le renouvellement de ce titre salarié ne sera pas automatique. En effet, ces titres salariés ne seront pas renouvelés si à la date de renouvellement perdure la situation de polygamie.

Pour apprécier la réalité du changement de situation à la date de la demande de renouvellement de ce titre de séjour, plusieurs hypothèses sont à prendre en considération.

Soit les intéressés produisent un acte juridique officiel attestant que leur régime matrimonial a été modifié dans un sens comparable au régime monogamique en vigueur en droit français ou que la situation de polygamie sur le sol français a pris fin par retour de tout ou partie des membres de famille dans le pays d'origine ; alors pourra être envisagé l'octroi d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » voire d'une carte de résident si les conditions de fond de délivrance de ces titres de séjour sont remplies.

Soit les intéressés produisent tout justificatif de fait établissant l'existence de domiciles distincts des différents membres de la famille sur le territoire français (contrats de bail, attestations de prise en charge, etc.) ; alors pourront être renouvelés les titres de séjour « salariés » ou « travailleurs non salariés » en leur possession, dans les mêmes formes que la délivrance initiale.

Soit les intéressés demeurent en situation de polygamie effective sur le territoire français ; alors le titre de séjour « salarié » ou « travailleur non salarié » sera renouvelé par principe en carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur », sauf si le demandeur est en mesure de justifier de l'accord exprès de la DDTEFP pour être maintenu sur le marché de l'emploi dans le cadre des dispositions de droit commun relatives aux délivrances d'autorisations de travail.

En tout état de cause, je vous rappelle qu'aucune disposition de l'ordonnance précitée ou du décret du 30 juin 1946 ne fournit de fondement pour retirer ou refuser de renouveler le titre de séjour détenu par le premier conjoint d'un ressortissant étranger polygame, c'est-à-dire le conjoint ayant bénéficié le premier de la procédure de regroupement familial. Cette personne doit demeurer protégée contre tout retrait ou refus de renouvellement de son titre de séjour, indépendamment du sort réservé au conjoint qui l'a fait entrer en France.

En dernier lieu, il convient de souligner que la situation de polygamie en France d'étrangers — donnant lieu à refus de délivrance ou de renouvellement de carte de résident — ne saurait être opposable à une demande de titre de séjour des éventuels enfants issues de cette relation et devenus majeurs sur le sol français. Ceux-ci ont donc vocation, s'ils sont entrés en France par la voie du regroupement familial, à bénéficier de plein droit d'un titre de séjour du même type que celui que détenaient leurs parents au jour de la décision leur accordant le regroupement familial sur le sol français.

Vous voudrez bien me rendre compte des difficultés éventuelles d'application des présentes instructions, sous le timbre de la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques - ECT/4ème bureau.

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Dernière mise à jour : 1-12-2000 19:13.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/textes/2000/circulaire-polygames.html


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