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COMMUNIQUÉ
Élargissement :
Une Europe des discriminations
et de la préférence communautaire
23/04/2004 Le
1er mai 2004, l'Union européenne s'ouvre à dix nouveaux
membres. Ces derniers mois, alors même que toutes les études
sur le sujet montrent que cet élargissement ne s'accompagnera
pas d'importants mouvements de population, les déclarations alarmistes
sur les « risques migratoires » en provenance
de l'Est se sont multipliées. L'UE et les Etats-membres ont donc
décidé de reporter la libre circulation des ressortissants
de presque tous les nouveaux Etats-membres de 2, 5 ou 7 ans selon les
cas. Cette décision est officiellement motivée par l'objectif
de protéger les salariés et chômeurs d'une nouvelle
concurrence. Ainsi, dans cette période transitoire, les Polonais
ou les Slovènes qui voudraient venir travailler en France ne
le pourront pas et resteront soumis aux mêmes restrictions qu'un
Malien ou un Japonais. Curieuse façon de saluer les nouveaux
arrivants dans le club UE !
Comme souvent, derrière les mesures prétendant protéger
le marché du travail, se cache la défense des intérêts
des employeurs. Il ne s'agit en effet nullement de préserver
l'emploi et les droits sociaux. Dès le 1er mai 2004, n'importe
quelle entreprise implantée en Pologne pourra en effet envoyer
ses salariés en France dans le cadre de la libre circulation
des services. Mais il faudra plutôt parler d'exportation de force
de travail : car ces salariés n'acquerront aucun droit au séjour
et seront placés dans une situation de totale subordination à
l'égard de leur employeur. Par ailleurs, ils ne bénéficieront
pas de l'ensemble des dispositions protectrices du code du travail français.
Si l'on voulait mettre les salariés de l'Europe des Quinze en
concurrence avec ceux des nouveaux Etats-membres, on ne s'y prendrait
pas autrement. A la logique discriminatoire qui consiste à attribuer
des droits différents selon la nationalité se superpose
donc la poursuite de l'objectif libéral de réduction du
salariat à une force de travail dépourvue de tous droits
réels. D'une certaine façon est rejouée, cette
fois de façon légale, la partition des « délocalisations
sur place » bien connue des travailleurs sans papiers.
L'Union européenne distinguait déjà deux catégories
de résidents marqués par une profonde inégalité
de traitement. Les premiers - ressortissants de l'Europe des Quinze
- sont, depuis le traité de Maastricht, citoyens européens
à part entière, bénéficiant du droit à
la liberté de circulation et d'établissement et de droits
politiques. Les seconds - étrangers issus d'Etats tiers, travailleurs
immigrés et membres de leur famille - sont assignés à
résidence dans le pays qui leur a reconnu un droit au séjour,
et ne disposent d'aucun des attributs liés à la citoyenneté.
Avec l'élargissement, on invente une catégorie intermédiaire
de « demi-citoyens européens », à
qui il ne sera permis de circuler qu'à condition de ne pas vouloir
travailler.
A force de voir dans les étrangers une main-d'uvre permettant
de multiplier les cas de mise en concurrence de salariés aux
droits différenciés selon la stabilité de leur
séjour, l'UE en vient à nier ses propres fondements.
Aujourd'hui comme hier, l'Europe que nous appelons de nos vux
est celle de la défense de l'ensemble des droits démocratiques
et sociaux, et de l'égalité des droits entre tous les
résidents de l'Union européenne. La reprise des débats
autour du projet de constitution européenne et la campagne pour
les élections européennes devraient être l'occasion
de faire entendre ces exigences et de dénoncer l'Europe de la
préférence communautaire qui se construit sous nos yeux.
Paris, le 23 avril 2004
Dans la presse
Dernière mise à jour :
29-04-2004 16:22
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Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/2004/europe/index.html
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